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Le licenciement en cas d’absence prolongée ou d’absences répétées
Il résulte des articles L. 1132-1 et suivants du Code du Travail que le salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, fondée notamment sur son état de santé.
Pour autant, la jurisprudence admet depuis longtemps le licenciement du salarié malade, lorsque son absence prolongée ou ses absences répétées affectent la bonne marche de l'entreprise.
La validité de ce licenciement est néanmoins soumise à de multiples conditions.
L’état de santé du salarié ne peut motiver son licenciement
Pour la Cour de Cassation (Cass. soc., 13 mars 2001, n° 99-40110), le Code du Travail ne s'oppose pas au licenciement motivé, « non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif ».
- Comme le rappelle cet arrêt de la Cour de Cassation, le licenciement du salarié absent de manière répétée ou prolongée ne peut en aucun cas être motivé par son état de santé.
À défaut, son licenciement serait nul, en application de l’article L. 1132-4 du Code du Travail, étant rappelé que cette disposition ne s’applique pas au licenciement du salarié inapte.
La lettre de licenciement ne doit donc pas faire ressortir que l’état de santé du salarié constitue le fondement de son licenciement et ce, même si cet état de santé entraîne des absences répétées ou une absence prolongée.
Les absences prolongées et/ou répétées peuvent justifier le licenciement du salarié
Tant les absences répétées qu’une absence prolongée, ou les deux combinées, peuvent servir de fondement au licenciement du salarié.
La jurisprudence ne détermine pas une durée ou une fréquence à partir de laquelle l'absence serait de nature à motiver le licenciement.
Le licenciement du salarié sera d’autant plus justifié si ses absences sont fréquentes et imprévisibles, surtout s’il travaille dans un service restreint ou exerce une fonction technique rendant difficile son remplacement temporaire.
- Il convient également de préciser que l’employeur ne doit pas faire preuve d’une « hâte excessive » en licenciant le salarié absent de manière répétée ou prolongée, particulièrement s’il peut pourvoir temporairement à son remplacement.
Enfin, rappelons qu’il résulte des termes de l’article L. 1226-9 du Code du Travail que l'employeur ne peut licencier le salarié au cours des périodes de suspension du contrat de travail, consécutives à un accident ou une maladie professionnels, sauf faute grave de l'intéressé ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.
Les clauses conventionnelles de « garantie d’emploi » doivent être respectées
Dans un souci de protection, il est fréquent que les conventions collectives prévoient que le licenciement du salarié ne peut pas intervenir avant une période d’absence déterminée.
Dans un tel cas, l’employeur est tenu de maintenir le contrat de travail du salarié tant que la période d’absence visée par la convention collective n’a pas expiré.
À défaut, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 11 juillet 2000, n° 98-41798).
- Certaines conventions collectives imposent par ailleurs à l’employeur de respecter un formalisme spécifique avant de licencier le salarié (par exemple, mettre ce dernier en demeure de réintégrer son poste en cas d’absence se prolongeant au-delà d’une durée déterminée).
Ces dispositions doivent être respectées strictement par l’employeur, dans la mesure où la Cour de Cassation estime qu’elles constituent des garanties de fond pour le salarié (Cass. soc., 8 mars 2006, n° 04-43668).
Le fonctionnement de l’entreprise doit être perturbé
Pour la Cour de Cassation, le licenciement fondé sur les absences répétées ou l’absence prolongée du salarié n'a pas de cause réelle et sérieuse s'il n'est pas démontré que les absences perturbaient le bon fonctionnement de l’entreprise.
Par principe, la désorganisation du seul service où travaille le salarié est un motif en soi insuffisant (Cass. soc., 2 décembre 2009, n° 08-43486), à moins que ce service ne soit essentiel à l’entreprise.
- À titre d’illustration, a été jugé comme reposant sur une cause réelle et sérieuse le licenciement d’un conseiller commercial, dans la mesure où la nature de ses fonctions imposait un apprentissage spécifique de la technique de vente et une formation sur le terrain qui rendait impossible le recours au travail intérimaire (Cass. soc., 6 février 2008 n° 06-45.762).
La perturbation du bon fonctionnement de l’entreprise est appréciée en fonction de chaque cas particulier par les juges du fond, la Cour de Cassation se bornant à vérifier si ces derniers ont bien constaté que l’entreprise était désorganisée.
Le salarié ne doit pas être en poste au moment du licenciement
Il est rappelé que la réalité et le sérieux du motif du licenciement s'apprécient le jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur.
La Cour de Cassation déduit de cette règle que le licenciement prononcé en raison d'absences prolongées ou répétées du salarié n’est pas justifié, si ce dernier a réintégré l’entreprise antérieurement à son licenciement (Cass. soc., 6 février 2008 n° 07-40.065).
- Cette exigence de la Cour de Cassation peut poser des difficultés pratiques, lorsque le salarié est convoqué à l’entretien préalable durant son arrêt de travail et que la notification du licenciement intervient alors que cet arrêt a pris fin.
L’employeur doit procéder au remplacement définitif du salarié
Depuis l’arrêt du 13 juillet 2001 susvisé (n° 99-40110), la Cour de Cassation exige, comme condition de validité du licenciement du salarié absent de manière prolongée ou répétée, que l’employeur soit contraint de procéder au remplacement définitif de l’intéressé.
Ainsi, si l’employeur peut provisoirement suppléer l’absence du salarié, par exemple en réorganisant ses services ou en recourant à une embauche sous CDD, il ne peut valablement procéder au licenciement du salarié.
La nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié s’apprécie au cas par cas et notamment au regard des fonctions exercées par le salarié et du secteur d'activité de l'entreprise.
L’analyse de la jurisprudence montre que plus le salarié exerce des fonctions techniques, plus les juges ont tendance à considérer que son remplacement définitif s’impose.
En effet, il est difficile de pourvoir de manière temporaire les emplois nécessitant des compétences particulières et une formation interne spécifique.
À l’inverse, si le salarié occupe une fonction sans qualification particulière, les juges ont tendance à considérer que l’employeur peut facilement pourvoir son poste vacant de manière provisoire.
- Pour la Cour de Cassation, le remplacement définitif suppose l'embauche d'un nouveau salarié, soit pour occuper le poste du salarié licencié, soit pour pourvoir celui d’un autre salarié de l’entreprise muté au poste du salarié licencié (Cass. soc., 20 février 2008, n° 06-46233).
En revanche, une embauche en CDD et le recours au travail temporaire ne répondent pas à la condition du remplacement définitif.
Ainsi, la Cour de Cassation a jugé que le remplacement définitif du salarié, justifiant son licenciement, ne peut être constitué par le recours à une entreprise prestataire de services (Cass. soc., 18 octobre 2007, n° 06-44.251).
Il importe enfin de préciser que la mention de la nécessité de recourir au remplacement définitif doit obligatoirement figurer sur la lettre de licenciement, sous peine de priver ce dernier de cause réelle et sérieuse.
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