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Le conseil en évolution professionnelle : second échec de la loi sur la formation du 5 mars 2014
Le conseil en évolution professionnelle (CEP), même fantasme paritaire succédant à un échec passé : le SPO
Si l'entretien professionnel, obligatoire (mais sous-estimé) reste un vœu pieux en entreprise (voir chronique du 8 mars 2016), le conseil en évolution professionnelle est censé prendre le relai d'un l'employeur défaillant, orienter et accompagner les travailleurs dans les compétences et leur formation au XXIème siècle.
La loi du 5 mars a installé ce fantasme paritaire appelé « conseil en évolution professionnelle », une « géniale » trouvaille qui succède au « formidable » (mais discret) échec du dispositif précédent le service public de l'orientation (SPO) mis en œuvre lors de la précédente réforme de novembre 2009.
Double langage des pouvoirs publics
La loi du 5 mars instaure un double langage en formation : elle fait à la fois confiance aux employeurs pour développer les compétences de leurs salariés (avec la fin de la cotisation obligatoire du 0,9 % et l'installation de l'entretien professionnel) mais elle se défie simultanément de ces mêmes employeurs avec un conseil en évolution professionnelle hors les murs de l'entreprise, une sanction financière en cas de non-formation et un compte personnel de formation utilisable sans l'accord (ni même la connaissance) de ce même employeur.
Le service public de l'orientation a été un premier échec pour l'État entre 2009 et 2013 (cf rapport de l'IGAS en date d'avril 2013).
Les services du SPO sont restés confidentiels.
- Le portail « orientation pour tous « (centre Inffo) : moins de 28 000 visites par semaine. La valeur ajoutée du site n’apparaît pas clairement à ce jour, malgré un effort d’ergonomie du portail.
- La plate-forme téléphonique « orientation pour tous » : ce service téléphonique n’est pas parvenu à s’imposer, avec moins de 1 000 appels par mois (30 par jour, contre 145 000 appels annuels pour l’ONISEP).
- La labellisation des organismes locaux a infléchi l’esprit de la loi et s’est traduite par des résultats modestes et hétérogènes (au 21 décembre 2012, la labellisation portait sur 124 territoires, ce qui représente une faible couverture : la moitié des régions n’avaient pas de territoire labellisé).
Plutôt que d'acter le fait que ni l'État, ni les régions n'avaient été capables durant 4 ans d'orienter la formation des salariés les partenaires sociaux puis les pouvoirs publics ont relancé ce concept vacillant d'orientation professionnelle des travailleurs, orientation qu’ils avaient par ailleurs ruinée (en empêchant la réalisation des bilans de compétences, plus finançables via le CPF alors qu'ils l'étaient en nombre avec le DIF).
Un conseil donc hors sol de l’entreprise et qui n’a guère d’intérêt pour les travailleurs en poste.
Il était parfaitement vain de croire qu’un acteur institutionnel extérieur à l’entreprise, ne connaissant ni les capacités de la personne, ni l’activité de l’entreprise, ni même l’état de ses relations sociales ou de sa GPEC, que ce conseil intituionnel pourrait en quelques heures (2 heures tout au plus) accompagner efficacement un salarié et lui permettre d'évoluer professionnellement.
Le conseil en évolution professionnelle (comme la formation sans accord, ni discussion avec l’employeur) ne peut concerner qu’une infime minorité de travailleurs quittant leur entreprise (ou encore quelques chômeurs), certainement pas les salariés en poste. Salariés qui, même s’ils trouvaient et pouvaient financer l’extraordinaire formation certifiante ou diplômante de leur « rêve », ne pourraient sans doute ni la faire valoir, ni même l'utiliser dans leur organisation actuelle.
La France ne manque pas de diplômés mais bien plus de travailleurs compétents, mobiles et entreprenants
Ce n’est guère de diplômés supplémentaires dont a besoin le pays aujourd’hui (sinon pourquoi ne pas piocher dans le « vivier » considérable des 50 % des diplômés du supérieur qui ne trouvent pas d’emploi ?) mais d’élever le niveau de compétences à la fois des étudiants et des scolaires (formés à des emplois et des modèles sociaux qui n’existent plus), des travailleurs en activité (22 % des salariés ne disposent pas du minimum vital pour travailler aujourd’hui selon les études PIAAC de l’OCDE) et enfin des chômeurs sur les compétences de base (22 % des chômeurs n’ont pas accès à internet et depuis janvier 2016, on les contraint à s’inscrire et se réactualiser via internet).
Le conseil en évolution professionnelle est une mauvaise solution aux bonnes questions que devraient se poser tout travailleur.
Comment aujourd’hui évoluer professionnellement, se former tout au long de la vie, devenir entreprenant et valoriser son parcours social et professionnel ?
Ces questions étaient portées depuis le début des années 1980 par les centres de bilans de compétences et avoir torpillé cette prestation d'accompagnement au profit d'un fumeux (mais gratuit) conseil en évolution professionnelle ne fera pas progresser notre pays.
Le conseil en évolution professionnelle : un dispositif fumeux, réduit à fournir un mode d’emploi au complexe et inutile compte personnel de formation (avec un site internet miroir digne des systèmes d'informations des années 1990 moncompteformation.gouv.fr).
Prise de conscience un peu tardive qu'on fait fausse route depuis 2014
En ce début 2016, les pouvoirs publics semblent commencer à comprendre (un peu tard) l’erreur fondamentale qui a parcouru toute la réforme de 2014 : oublier le bénéficiaire des formations, se concentrer sur un prétendu dialogue social, une trompeuse sécurisation de l'emploi (600 000 emplois perdus depuis 2013) pour inventer de nouvelles tuyauteries tout en mêlant la formation des chômeurs et des travailleurs en poste pour un travail et une formation fantasmés.
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