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La tenue de travail donne du « fil à retordre » aux employeurs
Dans le domaine du tissage, on tordait autrefois plusieurs fils entre eux pour en obtenir de plus solides. Cependant, cette opération n'était pas simple dans la mesure où les fils n'étaient pas toujours de même largeur. Il fallait donc beaucoup d'expérience et de minutie pour pouvoir obtenir un fil retors de la meilleure qualité qui soit.
Cette étape causant beaucoup de peine, on a utilisé l'expression « donner du fil à retordre » pour signifier que quelque chose ou quelqu'un créait beaucoup d'embarras…
Il s’agit d’un sujet que nous connaissons bien à travers l’affaire du salarié en bermuda dans le cadre de sa fonction au contact de la clientèle. Ou bien de la secrétaire au décolleté pigeonnant qui accueille « chaleureusement » le public au guichet d’une grande multinationale.
Où placer le curseur, s’agissant du port d’une tenue de travail obligatoire et adaptée à l’environnement de son emploi ?
Nombreuses sont les entreprises qui sont tentées d’imposer une tenue de travail tout en laissant les frais engagés par les salariés à leur charge. Pour « boucher les trous du législateur », la jurisprudence est intervenue afin de préciser les conditions d’une participation des employeurs aux tenues de travail.
- Dans cette affaire, des salariés de la société Castorama France avaient saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le remboursement des frais d'entretien de leurs vêtements de travail, au titre d’une période non prescrite, ainsi que des dommages-intérêts pour résistance abusive.
Pour sa défense, Castorama France rappelait que l'application de l’article L. 4122-2 du Code du travail, concernant les mesures prises pour protéger les salariés contre un risque pour leur santé ou leur sécurité, ne doit entraîner aucune charge financière pour le personnel.
Toutefois, l'article L. 4122-2 du Code du travail dispose que les vêtements dont l'employeur doit assurer la prise en charge de l'entretien doivent présenter des spécificités techniques que ne présentent pas les vêtements personnels du salarié, pour protéger ce dernier contre un risque particulier.
En l'espèce, un vendeur « casto » d’un magasin de bricolage sollicitait la prise en charge de l'entretien de sa tenue de travail se composant d'une chemise en coton et d'un pantalon en toile.
Celui-ci s'est heurté au refus de son employeur sous prétexte que la tenue de travail en cause n'avait pas pour finalité d'assurer la protection des vendeurs contre un risque pour leur santé et leur sécurité mais uniquement de permettre leur identification par la clientèle.
Quid de la prise en charge financière du « dress code » de l’entreprise dans le cas de vêtements imposés et codifiés tant dans leurs couleurs que dans leurs coupes ?Les hauts magistrats ont souligné que constituent des frais professionnels les dépenses exposées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur.
Ainsi, lorsque l'employeur impose au salarié, pour des raisons de contact avec la clientèle ou de stratégie commerciale, le port d'une tenue de travail qu'il met à sa disposition, l'entretien de cette tenue de travail n'engendre des frais professionnels que dans la mesure où il impose au salarié des dépenses plus élevées que celles qu'il aurait exposées pour l'entretien de ses vêtements personnels, s'il avait porté ces vêtements au travail.Dans le cas de la société Castorama France, le port d'une tenue de travail (se composant d'une chemise et d'un pantalon en coton ainsi que d’une parka ou d'un gilet en polaire pour les mois les plus froids) avait bien la spécificité d'être codifié tant en matière de couleurs que de coupes.
De plus, ce « dress code » s’avérait imposé à certaines catégories de personnel en contact avec la clientèle.
Dès lors, l'entretien de cette tenue de travail engendrait des frais supplémentaires par rapport à l'entretien des vêtements personnels que le salarié aurait portés s'il n'avait été tenu de porter ces vêtements aux couleurs de l'entreprise. Castorama France faisait valoir que sa prise en charge de l'entretien des tenues de travail obligatoires aurait eu pour effet de rompre l'égalité entre salariés puisque les salariés non soumis à l'obligation de porter une tenue de travail obligatoire ne pouvaient exiger un avantage comparable.La chambre sociale de la Cour de Cassation n’a pas voulu « découdre le fil conducteur de sa jurisprudence » et a mis en exergue le fait que seuls les frais que le salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés par ce dernier.
Peu importe donc que le contrat de travail du salarié prévoie expressément qu'il assurera l'entretien des vêtements de travail dont le port est exigé par ses fonctions et qui sont mis à sa disposition gratuitement par l'entreprise. Ce type de clause du contrat de travail est réputé non écrit.Castorama France avait souhaité faire du port d'une tenue de travail une obligation pour les salariés inhérente à leur emploi. Par conséquent, la prise en charge de leur entretien ne pouvait être éludée par une clause contractuelle contraire.
Aujourd’hui, rares sont les marques qui ne se représentent pas à travers l’aspect vestimentaire de leurs collaborateurs. Dans une société où l’apparence culmine dans les préceptes de consommation, les « dress codes » dans les entreprises n’ont pas fini de nous présenter leurs nouvelles collections…- Santé au travail parrainé par Groupe Technologia