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18 / 12 / 2018 | 422 vues
Adelphe De Taxis Du Poet / Membre
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La SCIC Les trois colonnes : viager éthique et solidaire, un oxymore ?

Le viager a mauvaise presse, assimilé qu’il est à une spéculation sur la mort d’autrui. Pour preuve, le nombre très limité de « transactions » qui s’élève à 5 000 par an, soit 0,5 % des ventes immobilières, alors que certains intermédiaires ou investisseurs se vantent d'une rentabilité supérieure à celle de l’immobilier neuf ou ancien, alors que 70 % des personnes âgées sont propriétaires de leur logement.

Pourtant, face au vieillissement de la population, le viager pourrait être l’une des solutions permettant le maintien à domicile des nos aînés. Celui-ci est à la fois la solution que nos anciens plébiscitent et un frein à la perte d’autonomie, aussi paradoxal que cela puisse paraître.

Cette solution pourrait être d’autant plus souhaitée que le nombre de personnes âgées ne va cesser de croitre, que les tensions budgétaires liées à la prise en charge de la dépendance vont continuer d'augmenter, que les conditions de travail dans les EHPAD se dégradent (comme en témoignent les récentes grèves pour une situation déjà dégradée) et c'est aussi une solution pour les finances des départements, dont la compétence sociale en fait les financeurs premiers de la dépendance.

C’est ce qu’ont compris les fondateurs de la SCIC Les trois colonnes, créée en 2013.

À l’origine, l'expérience personnelle du fondateur, happé par sa vie active et qui n’a pu accompagner la fin de vie de sa grand-mère. Spécialiste de l’immobilier locatif, il a alors vu dans le « viager solidaire » une alternative permettant aux personnes âgées, fragiles et modestes de rester dans leur logement et d’éviter l’EHPAD : la SCIC Les trois colonnes achète le bien au propriétaire vieillissant qui touche une soulte, lui assurant ainsi une rente mensuelle.

Le propriétaire devenu « crédirentier » reste locataire de son domicile et est ainsi dégagé des responsabilités de propriétaire. « Notre épanouissement professionnel et personnel devait passer par la création d’une structure aux objectifs humanistes, une société de personnes. Donner du sens à l’objet social, réunir des sociétaires et concentrer l’énergie vers la poursuite d’un but d’utilité collective », explique Sébastien Tchernia, son fondateur.

« Les logements ainsi transformés seront par la suite cédés à des bailleurs sociaux ou destinés à être loués à d’autres personnes âgées qui désirent terminer leur vie dans leurs logements », précise encore Sébastien Tchernia.

Si des initiatives institutionnelles d’achats en viager se développent, portées par la Caisse des dépôts, des mutuelles ou institutions de prévoyance, la SCIC Les trois colonnes présente des caractéristiques propres.

Comme tous les fonds institutionnels, la SCIC garantit au crédirentier le versement durable de sa rente mensuelle, à l’inverse de toute opération passée avec un acquéreur individuel toujours faillible.

Par ailleurs, n’étant pas soumise à la pression d’actionnaires (fussent-ils institutionnels ou mutualistes recherchant une rentabilité de « marché »), la SCIC, tout en se focalisant sur les populations modestes, est en capacité d’offrir un bouquet plus généreux à ses bénéficiaires.

Néanmoins, elle doit assurer son modèle économique et une rentabilité à ses sociétaires et apporteurs de  capitaux, rentabilité apportée par l’avantage fiscal attaché à l’achat de parts sociales et par la valorisation de son patrimoine immobilier. Ce qui a conduit la coopérative à rechercher et obtenir l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » et le label Finansol pour ses parts sociales.

Acteur de la « silver economy », la SCIC Les trois colonnes ne se contente pas « d’offrir le gîte » aux locataires ; elle s’organise pour faciliter leur maintien à domicile. La personne âgée bénéficie de services adaptés à sa situation physique et psychique, portage de repas à domicile, activité physique, service de soins infirmiers et hospitalisation à domicile, guichet d’évaluation et d’orientation à domicile, service intergénérationnel (de location de chambres) et télé assistance.

En parallèle, la SCIC Les trois colonnes adapte le logement à l’évolution de l’autonomie de l'intéressé et un large réseau de partenaires a été mis en place, répondant à l’ensemble des besoins.

Enfin, elle accorde une grande importance à la proximité et à la convivialité, organisant sorties, déjeuners, rencontres thématiques, ateliers etc. mêlant salariés et bénéficiaires à l’ensemble des activités. Au demeurant, la dénomination même de la SCIC Les trois colonnes témoigne de cette approche globale qui vise, à partir du financement viager, à créer une économie solidaire du maintien à domicile : la première colonne est le viager solidaire, la deuxième est « la maison de retraite à domicile» (Sébastien Tchernia) et le troisième est le « recyclage » du logement.

D’où aussi l’organisation de la gouvernance qui manifeste ce souci d’intégration de toutes les parties prenantes.

Quatre catégories la structurent :

  • les salariés en CDI comptant 6 mois d’ancienneté ;
  • la « génération inactif solidaire » qui regroupe les crédirentiers volontaires ;
  • la « génération actif solidaire » qui réunit toutes les personnes physiques et morales, devenues membres, soutenant financièrement la coopérative ;
  • les partenaires, rassemblant les prescripteurs, les gestionnaires ou toute personne physique ou morale contribuant activement à l’activité de la société.

Au total, en six ans, la SCIC Les trois colonnes a collecté plus de 25,6 millions d'euros auprès de financiers institutionnels (BPI, Crédit coopératif, SCOPinvest, IDES...) ou des personnes (plus 1.100 sociétaires et 150 partenaires). Principalement en Auvergne-Rhône-Alpes, 130 logements ont pu être acquis grâce à la dizaine de salariés qu’emploie la SCIC. L’entrée à son capital à hauteur de 100 000 euros complétés par 2 millions d'euros sous forme de titres participatifs de la Caisse des dépôts sous sa marque « La banque des Territoires » va désormais permettre un déploiement national et le renforcement de son modèle économique.

Innovante, la SCIC l’est ainsi à plusieurs égards. Elle apporte une approche globale avec non seulement une dimension éthique et équitable au viager mais elle en enrichit la notion par l’adjonction de services à la  personne, l’organisation d’une proximité et communauté et d’une solidarité intergénérationnelle, qui donne toute sa chair et sa profondeur à cette société de personnes que les fondateurs de la SCIC Les trois colonnes revendique.

Cette approche a mené la BPI à agréer la démarche et à lui accorder la reconnaissance d’« entreprise innovante » pour les montages juridico-financiers mis en place. À cet égard, la logique de la SCIC Les trois colonnes se rapproche autant de l’économie circulaire que de celle de la fonctionnalité en dissociant usage et propriété.

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