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La réforme Macron des retraites : un vaste chantier à haut risque
A quoi faut-il s’attendre ? Que prévoit le projet gouvernemental de réforme des retraites ? Quelles conséquences sur les retraites ?
Pour nous permettre d'en savoir plus sur ce sujet anxiogène, Philipe Pihet, Secrétaire confédéral FO chargé du secteur des retraites, a bien voulu apporter pour La Lettre de l'UCR (bulletin d'information de l'Union confédérale Force ouvrière des retraités) des réponses aux nombreuses questions que l'on se pose...
Les projets de réforme des retraites suscitent beaucoup d’inquiétude chez les retraités et chez les français en général. La proposition d’un système universel de retraite soulève la crainte d’une baisse du niveau des retraites. Le processus de rencontres et de concertations pour mettre en place une nouvelle loi cadre d’abord prévue pour le premier trimestre 2018 puis reportée à l’horizon 2019, est en route. Comment se présente ce chantier ?
Avant tout, une certitude : le gouvernement a certainement conscience que le dossier de la réforme des retraites n’est toujours pas un "long fleuve tranquille". Chacun a certainement gardé en mémoire l’ampleur des grèves et des manifestations de 1995 contre la réforme Juppé et plus récemment de celles de la réforme Fillon des retraites de 2010.
A l’aune de ces expériences, on comprend le pourquoi de la démarche gouvernementale qui a consisté à désigner un haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, ex-président du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Il aura la tâche de piloter une réforme systémique des retraites. Il est donc le "Monsieur retraites" et le processus de consultation des partenaires sociaux commence.
La volonté du gouvernement est d'uniformiser les modalités de calcul des retraites et, pour y parvenir, de mettre en place un régime de retraite universel par répartition dans lequel tous les actifs seraient soumis aux mêmes règles quel que soit leur statut. Le slogan de la campagne présidentielle "un euro cotisé garantit à tous les mêmes droits à pension", constitue la feuille de route de Jean-Paul Delevoye. N’est-ce pas en réalité une façon de remettre en cause les régimes de retraite spéciaux ?
A l’occasion des premières rencontres avec le haut-commissaire à la réforme des retraites, nous avons exprimé notre souhait d’éviter toute précipitation et, en tout état de cause, nous avons déjà signifié qu’il n’était pas question pour nous que la future loi casse les statuts.
En l’absence de proposition à ce jour, nous avons souligné, comme l’avait fait la commission pour l’avenir des retraites, que les taux de remplacement dans le privé comme dans le public, sont très proches.
En d’autres termes, les formules de calcul de retraite différentes n’engendrent pas la divergence de traitement souvent citée en exemple, à tort, par les tenants du «régime unique».
De surcroît, il faut rappeler qu’avec les réformes successives, il y a eu déjà beaucoup d’éléments de convergence. Ainsi l’âge de départ à la retraite est le même pour les fonctionnaires et les salariés du privé. La durée d’activité pour un taux plein sera portée pour tous à 43 ans à partir de la génération 1973. Les régimes deviennent ainsi de moins en moins « spéciaux ».
La mise en place d’un régime de retraite universel, promesse du candidat Macron, semble s’inspirer du modèle de retraite à points Suédois en vigueur dénommé "système à compte notionnel". Comment ce sujet est-il abordé par Force Ouvrière ?
Le système des comptes notionnels entraîne un calcul de pension en fonction de la génération du ou de la retraité(e), et un pilotage «automatique». Entendez par là que les ressources du système étant déterminées, la seule variable d’ajustement est le niveau de la pension. Par exemple en Suède, après 2008, le pilotage automatique aurait eu pour effet de diminuer considérablement le montant des pensions déjà liquidées. Devant le risque social, le gouvernement suédois a dû arrêter le fameux pilotage automatique !
De plus cette solution ne peut pas convenir au Président de la République, puisqu’elle ne respecte pas le slogan de campagne, «un euro cotisé donne les mêmes droits…»
Les retraités sont-ils concernés par la réforme ?
Les retraités ne sont pas concernés par la réforme, ce qui ne veut pas dire qu’ils ont été épargnés par le matraquage fiscal et social ces dernières années. Dernier épisode en date, l’augmentation de la CSG, et pour dénoncer cette nouvelle baisse du pouvoir d’achat, ils se sont mobilisés le 15 mars. D’autre part, solidaires des actifs, ils ont écrit, avec les 8 autres organisations de retraités, une lettre ouverte au président de la République dans laquelle ils dénoncent tout système qui porterait le risque d’entraîner une baisse des pensions de retraite.
Pensez-vous que Jean-Paul Delevoye est prêt à entendre vos observations et à les prendre en compte ?
Fidèles à notre conception du syndicalisme, nous porterons les revendications de l’organisation, nous avons commencé à le faire.
Sur un plan général, nous rappellerons par exemple qu’il est totalement illusoire de penser que ″tout le monde″ doit être traité de la même façon. Le système actuel est le fruit de l’histoire, il mêle le contributif et la solidarité. Penser que demain il n’y ait plus que du contributif est méconnaître la réalité de la vie.
Il faudra comme aujourd’hui des cotisations pour le contributif et de l’impôt (CSG) pour la solidarité. Il faudra également tenir compte des métiers exercés. Pour illustrer mon propos, imaginez un régime universel où tout le monde peut liquider sa pension à 62 ans, du militaire aux danseurs étoile ? Au-delà du clin d’œil, on voit bien qu’il faudra tenir compte des spécificités de chacune et chacun, donc créer des ″conditions spéciales″ pour un quart des salariés, donc évoquer la pénibilité, appelée aussi service actif.
Sans qu’il soit question de procès d’intention, nous serons également extrêmement vigilants sur le niveau global de la retraite. Aujourd’hui elle représente 14% du PIB, pas question que la énième réforme aboutisse in fine à réduire la dépense, donc les pensions.
Pour nous permettre d'en savoir plus sur ce sujet anxiogène, Philipe Pihet, Secrétaire confédéral FO chargé du secteur des retraites, a bien voulu apporter pour La Lettre de l'UCR (bulletin d'information de l'Union confédérale Force ouvrière des retraités) des réponses aux nombreuses questions que l'on se pose...
Les projets de réforme des retraites suscitent beaucoup d’inquiétude chez les retraités et chez les français en général. La proposition d’un système universel de retraite soulève la crainte d’une baisse du niveau des retraites. Le processus de rencontres et de concertations pour mettre en place une nouvelle loi cadre d’abord prévue pour le premier trimestre 2018 puis reportée à l’horizon 2019, est en route. Comment se présente ce chantier ?
Avant tout, une certitude : le gouvernement a certainement conscience que le dossier de la réforme des retraites n’est toujours pas un "long fleuve tranquille". Chacun a certainement gardé en mémoire l’ampleur des grèves et des manifestations de 1995 contre la réforme Juppé et plus récemment de celles de la réforme Fillon des retraites de 2010.
A l’aune de ces expériences, on comprend le pourquoi de la démarche gouvernementale qui a consisté à désigner un haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, ex-président du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Il aura la tâche de piloter une réforme systémique des retraites. Il est donc le "Monsieur retraites" et le processus de consultation des partenaires sociaux commence.
La volonté du gouvernement est d'uniformiser les modalités de calcul des retraites et, pour y parvenir, de mettre en place un régime de retraite universel par répartition dans lequel tous les actifs seraient soumis aux mêmes règles quel que soit leur statut. Le slogan de la campagne présidentielle "un euro cotisé garantit à tous les mêmes droits à pension", constitue la feuille de route de Jean-Paul Delevoye. N’est-ce pas en réalité une façon de remettre en cause les régimes de retraite spéciaux ?
A l’occasion des premières rencontres avec le haut-commissaire à la réforme des retraites, nous avons exprimé notre souhait d’éviter toute précipitation et, en tout état de cause, nous avons déjà signifié qu’il n’était pas question pour nous que la future loi casse les statuts.
En l’absence de proposition à ce jour, nous avons souligné, comme l’avait fait la commission pour l’avenir des retraites, que les taux de remplacement dans le privé comme dans le public, sont très proches.
En d’autres termes, les formules de calcul de retraite différentes n’engendrent pas la divergence de traitement souvent citée en exemple, à tort, par les tenants du «régime unique».
De surcroît, il faut rappeler qu’avec les réformes successives, il y a eu déjà beaucoup d’éléments de convergence. Ainsi l’âge de départ à la retraite est le même pour les fonctionnaires et les salariés du privé. La durée d’activité pour un taux plein sera portée pour tous à 43 ans à partir de la génération 1973. Les régimes deviennent ainsi de moins en moins « spéciaux ».
La mise en place d’un régime de retraite universel, promesse du candidat Macron, semble s’inspirer du modèle de retraite à points Suédois en vigueur dénommé "système à compte notionnel". Comment ce sujet est-il abordé par Force Ouvrière ?
Le système des comptes notionnels entraîne un calcul de pension en fonction de la génération du ou de la retraité(e), et un pilotage «automatique». Entendez par là que les ressources du système étant déterminées, la seule variable d’ajustement est le niveau de la pension. Par exemple en Suède, après 2008, le pilotage automatique aurait eu pour effet de diminuer considérablement le montant des pensions déjà liquidées. Devant le risque social, le gouvernement suédois a dû arrêter le fameux pilotage automatique !
De plus cette solution ne peut pas convenir au Président de la République, puisqu’elle ne respecte pas le slogan de campagne, «un euro cotisé donne les mêmes droits…»
Les retraités sont-ils concernés par la réforme ?
Les retraités ne sont pas concernés par la réforme, ce qui ne veut pas dire qu’ils ont été épargnés par le matraquage fiscal et social ces dernières années. Dernier épisode en date, l’augmentation de la CSG, et pour dénoncer cette nouvelle baisse du pouvoir d’achat, ils se sont mobilisés le 15 mars. D’autre part, solidaires des actifs, ils ont écrit, avec les 8 autres organisations de retraités, une lettre ouverte au président de la République dans laquelle ils dénoncent tout système qui porterait le risque d’entraîner une baisse des pensions de retraite.
Pensez-vous que Jean-Paul Delevoye est prêt à entendre vos observations et à les prendre en compte ?
Fidèles à notre conception du syndicalisme, nous porterons les revendications de l’organisation, nous avons commencé à le faire.
Sur un plan général, nous rappellerons par exemple qu’il est totalement illusoire de penser que ″tout le monde″ doit être traité de la même façon. Le système actuel est le fruit de l’histoire, il mêle le contributif et la solidarité. Penser que demain il n’y ait plus que du contributif est méconnaître la réalité de la vie.
Il faudra comme aujourd’hui des cotisations pour le contributif et de l’impôt (CSG) pour la solidarité. Il faudra également tenir compte des métiers exercés. Pour illustrer mon propos, imaginez un régime universel où tout le monde peut liquider sa pension à 62 ans, du militaire aux danseurs étoile ? Au-delà du clin d’œil, on voit bien qu’il faudra tenir compte des spécificités de chacune et chacun, donc créer des ″conditions spéciales″ pour un quart des salariés, donc évoquer la pénibilité, appelée aussi service actif.
Sans qu’il soit question de procès d’intention, nous serons également extrêmement vigilants sur le niveau global de la retraite. Aujourd’hui elle représente 14% du PIB, pas question que la énième réforme aboutisse in fine à réduire la dépense, donc les pensions.
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