Organisations
L'impossible dialogue social au Centre hospitalier public du Cotentin
Nous venons de recevoir des agents du Centre hospitalier public du Cotentin la lettre ci-dessous, pour informer des difficultés qu’ils rencontrent pour dialoguer.
Ils veulent simplement travailler dans de bonnes conditions et obtenir le respect de leurs droits. Ce contre-exemple de dialogue est à méditer. Comment peut-on apporter le moindre crédit au dialogue social quand il n’y a personne pour écouter, comprendre et agir ?
Lisez, nous nous retrouvons en fin de lecture.
Bonjour,
Nous vous interpellons pour vous informer de ce que subit notre établissement avec 21 millions d'euros de déficit cumulé. L’ARS a diligenté un audit afin de faire un état des lieux et de proposer des pistes pour un retour à l’équilibre.
Une nouvelle direction s’est mise en place à la rentrée de septembre 2012. Cette direction, en s’appuyant sur l’audit, impose un certain nombre de changements qui vont fortement affecter le personnel et les organisations de travail.
Nous sommes conscients que certains changements sont nécessaires afin de redynamiser l’établissement. Mais les effets se font uniquement sur le personnel non médical et au détriment de la qualité des soins :
Ce paradigme technocratique voudrait nous faire croire que tout est codifiable, protocolisable. Les soignants et les médecins passent un temps considérable à cocher des cases dans des dossiers. On en vient à considérer que la procédure est plus importante que l’acte réalisé.
Notre engagement ne se limite pas à ce que nous sommes formellement tenus de faire : dans quelle case cocher que tel soignant est resté tenir la main d’un mourant ? Quand prend-on en compte la dimension informelle et invisible de l’empathie ?
On nous prône la polyvalence à tout va, cette attitude néglige totalement l’élément majeur qu’est la confiance mutuelle entre membres d’une équipe. Dans un service de soins, le fait que les soignants se connaissent et sachent sur qui et sur quels aspects des personnes ils peuvent compter représente un élément important de la qualité des collaborations et des soins. Les nouvelles organisations risquent de mettre à mal cet esprit d’équipe.
L’audit PHME relève beaucoup de désorganisations médicales avec de nombreuses conséquences, en particulier financières. Dans le dernier bilan social, nous constatons que 30 % des passages aux urgences sont suivis d’hospitalisation alors que la moyenne nationale est de 22 %. De plus, les mesures ne tiennent absolument pas compte de la spécificité géographique.
Les auditeurs ont refusé d’intégrer les représentants du personnel dans les groupes de travail. Le personnel non médical ou non cadre était sous-représenté, voire absent. Notre vision du soin n’a-t-elle donc aucun intérêt ?
Tout le monde allait soi-disant dans le même sens… Résultat : les paramédicaux tournent sur toutes les spécialités, se retrouvent en difficulté, craignent l’erreur, manquent de formation.
La mutualisation des services : ils ont créé une « grande » chirurgie, sans concertation avec les médecins. Résultats : les médecins refusent de travailler avec les IDE qui ne sont pas issues de leur spécialité, les IDE sont doublées 2 jours, puis lâchées seules, sans formation, sur un week-end. Même pas peur !
Ils ferment des lits de pneumologie par manque d’effectifs médicaux. Résultats : les patients relevant de la pneumologie sont éparpillés dans l’hôpital et attendent parfois 48 heures avant d’être vus par un médecin.
À Cherbourg, malheureusement, de nombreuses entreprises ont travaillé avec l'amiante. Donc la pneumologie est essentielle pour nos travailleurs amiantés.
Depuis des années, nous dénonçons une problématique au bloc opératoire, l’activité est au plus bas, les nouveaux chirurgiens s’enfuient parfois seulement au bout de 3 semaines, certains médecins en viennent aux mains !
La direction ne réagit pas.
On décourage des jeunes médecins en leur interdisant d’exercer certains actes car cela pourrait faire de la concurrence au privé, alors que le but est d’éviter que certains patients soient sortis du circuit soins faute de moyens. Déplorable.
Nos arguments lors des négociations sociales sont écoutés mais pas entendus.
Nous nous heurtons à un mur d’incompréhension. Le climat social commence à fortement se dégrader, la tension monte. Il y a rupture du dialogue social. Deux débrayages ont déjà rassemblé plus de 600 agents à chaque fois ; malgré cela la direction garde les mêmes positions
Quand les organisations syndicales, au vu de la grande mobilisation des agents, dénoncent des mesures injustes et demandent à la direction de revenir à de réelles négociations, notre directeur répond qu'il a manqué de pédagogie, qu'il va ré-expliquer aux agents l'intérêt de ces mesures et qu'une fois qu'ils auront compris, les agents accepteront !
Mais M. le directeur, c'est vous qui ne comprenez pas. Les agents ont bien saisi : on leur fait les poches pour combler un déficit dont ils ne sont pas responsables !
L’absence d’interlocuteurs responsables
Nous avons alerté les élus locaux, notre ancien député, actuellement Ministre du Budget. Nous avons boycotté les instances et adressé un courrier de rupture du dialogue social.
Nous avons saisi les médecins par une déclaration pour les alerter des changements qui vont affecter le personnel. Nous avons rencontré l'ARS qui nous a demandé de retourner à la table des négociations car il faut faire des « économies sur le personnel ». C'est une honte !
Un préavis a été déposé pour une grande manifestation avec les usagers le jeudi 30 mai à 14h30. Cette manifestation a réuni 1 200 personnes dans les rues de Cherbourg : agents, usagers, DCNS, AREVA... Nous avons été reçu en mairie par M. Houllegatte qui a dénoncé un protocole injuste et dont la variable d'ajustement est encore et toujours le personnel non-médical. Le lendemain, en conseil de surveillance, le maire a de nouveau dénoncé ce protocole et a demandé au directeur de revoir sa copie. De plus, les élus locaux, deux députés, un sénateur et le maire de Cherbourg ont interpellé Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la santé.
Ce matin, nous sommes retournés à la table des négociations et nous sommes ressortis avec le sentiment que nous ne sommes toujours pas entendus et que l'on cherche à nous faire taire en lâchant une petite mesure et rien sur les 12 heures, les RTT, les mises en stages...
Exemple : en 2012, l’établissement a compté 60 000 heures supplémentaires. Cette année, fin mai, nous en sommes déjà à plus de 70 000 heures supplémentaires, essentiellement sur le personnel soignant. Elles ne sont ni payées, ni récupérées ! Les directions obligent les agents à ouvrir des comptes épargne temps qui ne sont pas financés.
Quelques services sont en 12 heures dans notre établissement : les agents concernés cumulent les heures supplémentaires et leurs CET sont pleins.
Ils sont rappelés sur les arrêts maladie de leurs collègues. Les temps partiels ne sont pas respectés.
La direction veut nous supprimer 7 RTT sous prétexte que notre temps de repas est en partie pris sur le temps de travail. Bravo, mais depuis des années nous dénonçons l’impossibilité de prendre nos repas faute de temps, lié à une organisation médicale défaillante.
Nos RTT vont disparaître et nous ne prendrons pas davantage nos repas !
Le personnel du Centre hospitalier public du Cotentin
Alors, si vous êtes partisans de la relance du dialogue social, pouvez-vous donner aux hospitaliers de Cherbourg les solutions adaptées dans le cadre du dialogue social ?
Comment préserver leurs conditions de travail et le respect de leurs droits tout en supprimant 21 millions d’euros à leur établissement ?
Comment peut-on améliorer les conditions de travail du personnel hospitalier en supprimant des emplois ?
Ils veulent simplement travailler dans de bonnes conditions et obtenir le respect de leurs droits. Ce contre-exemple de dialogue est à méditer. Comment peut-on apporter le moindre crédit au dialogue social quand il n’y a personne pour écouter, comprendre et agir ?
Lisez, nous nous retrouvons en fin de lecture.
Bonjour,
Nous vous interpellons pour vous informer de ce que subit notre établissement avec 21 millions d'euros de déficit cumulé. L’ARS a diligenté un audit afin de faire un état des lieux et de proposer des pistes pour un retour à l’équilibre.
Une nouvelle direction s’est mise en place à la rentrée de septembre 2012. Cette direction, en s’appuyant sur l’audit, impose un certain nombre de changements qui vont fortement affecter le personnel et les organisations de travail.
Nous sommes conscients que certains changements sont nécessaires afin de redynamiser l’établissement. Mais les effets se font uniquement sur le personnel non médical et au détriment de la qualité des soins :
- suppression de la moitié de nos RTT,
- passage en 12h de plusieurs services en alternance jour/nuit obligatoire avec suppression des RTT,
- étalement de la période de congés d’été du 1er juin au 30 septembre,
- diminution des effectifs dans les services.
Ce paradigme technocratique voudrait nous faire croire que tout est codifiable, protocolisable. Les soignants et les médecins passent un temps considérable à cocher des cases dans des dossiers. On en vient à considérer que la procédure est plus importante que l’acte réalisé.
Notre engagement ne se limite pas à ce que nous sommes formellement tenus de faire : dans quelle case cocher que tel soignant est resté tenir la main d’un mourant ? Quand prend-on en compte la dimension informelle et invisible de l’empathie ?
On nous prône la polyvalence à tout va, cette attitude néglige totalement l’élément majeur qu’est la confiance mutuelle entre membres d’une équipe. Dans un service de soins, le fait que les soignants se connaissent et sachent sur qui et sur quels aspects des personnes ils peuvent compter représente un élément important de la qualité des collaborations et des soins. Les nouvelles organisations risquent de mettre à mal cet esprit d’équipe.
L’audit PHME relève beaucoup de désorganisations médicales avec de nombreuses conséquences, en particulier financières. Dans le dernier bilan social, nous constatons que 30 % des passages aux urgences sont suivis d’hospitalisation alors que la moyenne nationale est de 22 %. De plus, les mesures ne tiennent absolument pas compte de la spécificité géographique.
Les auditeurs ont refusé d’intégrer les représentants du personnel dans les groupes de travail. Le personnel non médical ou non cadre était sous-représenté, voire absent. Notre vision du soin n’a-t-elle donc aucun intérêt ?
Tout le monde allait soi-disant dans le même sens… Résultat : les paramédicaux tournent sur toutes les spécialités, se retrouvent en difficulté, craignent l’erreur, manquent de formation.
La mutualisation des services : ils ont créé une « grande » chirurgie, sans concertation avec les médecins. Résultats : les médecins refusent de travailler avec les IDE qui ne sont pas issues de leur spécialité, les IDE sont doublées 2 jours, puis lâchées seules, sans formation, sur un week-end. Même pas peur !
Ils ferment des lits de pneumologie par manque d’effectifs médicaux. Résultats : les patients relevant de la pneumologie sont éparpillés dans l’hôpital et attendent parfois 48 heures avant d’être vus par un médecin.
À Cherbourg, malheureusement, de nombreuses entreprises ont travaillé avec l'amiante. Donc la pneumologie est essentielle pour nos travailleurs amiantés.
Depuis des années, nous dénonçons une problématique au bloc opératoire, l’activité est au plus bas, les nouveaux chirurgiens s’enfuient parfois seulement au bout de 3 semaines, certains médecins en viennent aux mains !
La direction ne réagit pas.
On décourage des jeunes médecins en leur interdisant d’exercer certains actes car cela pourrait faire de la concurrence au privé, alors que le but est d’éviter que certains patients soient sortis du circuit soins faute de moyens. Déplorable.
Nos arguments lors des négociations sociales sont écoutés mais pas entendus.
Nous nous heurtons à un mur d’incompréhension. Le climat social commence à fortement se dégrader, la tension monte. Il y a rupture du dialogue social. Deux débrayages ont déjà rassemblé plus de 600 agents à chaque fois ; malgré cela la direction garde les mêmes positions
Quand les organisations syndicales, au vu de la grande mobilisation des agents, dénoncent des mesures injustes et demandent à la direction de revenir à de réelles négociations, notre directeur répond qu'il a manqué de pédagogie, qu'il va ré-expliquer aux agents l'intérêt de ces mesures et qu'une fois qu'ils auront compris, les agents accepteront !
Mais M. le directeur, c'est vous qui ne comprenez pas. Les agents ont bien saisi : on leur fait les poches pour combler un déficit dont ils ne sont pas responsables !
L’absence d’interlocuteurs responsables
Nous avons alerté les élus locaux, notre ancien député, actuellement Ministre du Budget. Nous avons boycotté les instances et adressé un courrier de rupture du dialogue social.
Nous avons saisi les médecins par une déclaration pour les alerter des changements qui vont affecter le personnel. Nous avons rencontré l'ARS qui nous a demandé de retourner à la table des négociations car il faut faire des « économies sur le personnel ». C'est une honte !
Un préavis a été déposé pour une grande manifestation avec les usagers le jeudi 30 mai à 14h30. Cette manifestation a réuni 1 200 personnes dans les rues de Cherbourg : agents, usagers, DCNS, AREVA... Nous avons été reçu en mairie par M. Houllegatte qui a dénoncé un protocole injuste et dont la variable d'ajustement est encore et toujours le personnel non-médical. Le lendemain, en conseil de surveillance, le maire a de nouveau dénoncé ce protocole et a demandé au directeur de revoir sa copie. De plus, les élus locaux, deux députés, un sénateur et le maire de Cherbourg ont interpellé Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la santé.
Ce matin, nous sommes retournés à la table des négociations et nous sommes ressortis avec le sentiment que nous ne sommes toujours pas entendus et que l'on cherche à nous faire taire en lâchant une petite mesure et rien sur les 12 heures, les RTT, les mises en stages...
Exemple : en 2012, l’établissement a compté 60 000 heures supplémentaires. Cette année, fin mai, nous en sommes déjà à plus de 70 000 heures supplémentaires, essentiellement sur le personnel soignant. Elles ne sont ni payées, ni récupérées ! Les directions obligent les agents à ouvrir des comptes épargne temps qui ne sont pas financés.
Quelques services sont en 12 heures dans notre établissement : les agents concernés cumulent les heures supplémentaires et leurs CET sont pleins.
Ils sont rappelés sur les arrêts maladie de leurs collègues. Les temps partiels ne sont pas respectés.
La direction veut nous supprimer 7 RTT sous prétexte que notre temps de repas est en partie pris sur le temps de travail. Bravo, mais depuis des années nous dénonçons l’impossibilité de prendre nos repas faute de temps, lié à une organisation médicale défaillante.
Nos RTT vont disparaître et nous ne prendrons pas davantage nos repas !
Le personnel du Centre hospitalier public du Cotentin
Alors, si vous êtes partisans de la relance du dialogue social, pouvez-vous donner aux hospitaliers de Cherbourg les solutions adaptées dans le cadre du dialogue social ?
Comment préserver leurs conditions de travail et le respect de leurs droits tout en supprimant 21 millions d’euros à leur établissement ?
Comment peut-on améliorer les conditions de travail du personnel hospitalier en supprimant des emplois ?
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