L’avenir de Vivendi, et donc de Canal+, se jouerait sur les bords de la Méditerranée
Comme souvent à pareille époque, les grands patrons des entreprises de Vivendi se « séminarisent ».
Ils ont choisi cette année le bleu calme de la Méditerranée pour valider une stratégie et surtout définir le « bon » périmètre du groupe.
Révolution chez SFR, retour sur investissement de la filiale Maroc Telecom, développement au Brésil, périmètre du groupe Canal+, un groupe à l’intérieur du groupe alors que se décide pour lui en ce moment un autre avenir mais dans une instance différente : l’autorité de la concurrence…
C’est dans un contexte un peu houleux provoqué par la dégringolade du titre et la poussée des financiers que Jean-René Fourtou et Jean-Bernard Levy vont affiner leur communication auprès des institutionnels, mais aussi des salariés du groupe.
Un Vivendi redessiné ?
Tout est possible. C’est ce qu’a affirmé Jean-René Fourtou lors de la dernière assemblée générale. Tout est possible, y compris des cessions d’actifs, des mises sur le marché d’entités internes, de nouveaux partenariats…
Quelle est la problématique ?
Financière avant tout. C’est la grogne des investisseurs qui poussent nos dirigeants à inventer une riposte à la mesure de leur colère. Ils ont de quoi être déçus. Le titre Vivendi se rapproche dangereusement de son plus bas niveau historique, celui de l’époque de l’éviction de J6M… 9 €, c’était le cours de l’action, une descente vertigineuse alors que ce cours fleurtait avec les 150 ou 170 € quelques années auparavant.
Encore une fois, comme dans de nombreuses entreprises, c’est le simple regard boursier qui pourrait orienter l’avenir de nos entreprises.
Vivendi se trouve donc de nouveau, dix ans après son sauvetage, à la croisée des chemins. Mais le problème de Vivendi, c’est d’abord le problème de ses filiales. SFR secouée par Free, Canal+ devant affronter de nouveaux vents mauvais, la musique toujours confrontée au piratage, les jeux surfant sur le succès de quelques créations originales mondialement connues...
Faut-il avoir travaillé au redressement du groupe pour aujourd’hui le démanteler ?
Cette perspective étonne et inquiète. Elle étonne car Vivendi rassemble une majeure partie des activités nouvelles qui vont faire le XXIème siècle de la communication et du divertissement. Ces métiers soi-disant si différents sont en fait complémentaires. Elle inquiète les dizaines de milliers de salariés qui travaillent dans ses entreprises.
Les salariés justement… Des créateurs de valeur ?
Pas d’innovation sur ce terrain-là, la réflexion sera exclusivement financière.
Un oubli, les 58 318 salariés au 31 décembre 2011, qui n’auront pas voix au chapitre. Ils apprendront par la presse, par leurs représentants du personnel, par leurs patrons, par les rumeurs etc. les décisions qui vont peser sur leur avenir.
À l’image d’une France incapable de moderniser et d’intégrer le dialogue social comme élément fondateur du renouvellement des entreprises, Vivendi répond avant tout aux injonctions des marchés financiers… Pas de ses salariés !
Car là comme ailleurs, c’est le revenu du capital qui oriente les questions, fixe les limites du débat, organise le périmètre du groupe.
Séparons-nous de ces jeux qui n’ont rien à voir avec les télécoms, entend-on ici ou là.
Développez-vous à l’étranger, séparez-vous de Canal+, la TV c’est pas du tuyau… Tout y passe et de lourdes décisions sont attendues, parfois avec un brin d’angoisse, par les salariés du groupe. Dans quel état allons-nous sortir de ce Monopoly ?
Les instances sociales ne manquent pourtant pas pour élargir le dialogue et l’échange.
Un comité de groupe qui réunit des représentants des filiales françaises, une instance européenne à laquelle participent notamment nos amis allemands, tout est en place pour favoriser le dialogue, la réflexion, l’échange et partager les remontées collectives des différentes entreprises.
De ce point de vue, Vivendi, entreprise du nouveau siècle, reste ancrée dans un modèle managérial du siècle passé, celui d’une représentation monarchique du pouvoir.
Hommes et femmes de ce groupe ne seraient donc pas intéressés par la création de valeur que pourrait générer leur activité ? Ce n’est évidemment pas la vérité.
Mais c’est dans l’air du temps, alors que les corps intermédiaires semblent à nouveau valorisés par le nouveau gouvernement, nos entreprises restent sourdes aux réflexions de leurs salariés et de leurs représentants.
Or, la performance d’une entreprise n’est pas individuelle mais collective… Serait-on revenu aux beaux jours de J6M quand il affirmait « just make me more money » ?
Nos entreprises font plus que de l’argent. Elles produisent de la valeur culturelle, des programmes, des technologies, de la culture, de l’information, des jeux, de la musique…
C’est pourquoi nous estimons que les acteurs de la création de valeur devraient être traités d’égal à égal. Encore une fois, l’essentiel des décisions sera pris loin de l’activité quotidienne. On ne peut que le regretter. Un nouvel équilibre social est nécessaire, il passe par les salariés et leurs représentants.
Le soleil méditérranéen aurait pu éclairer d’un jour nouveau les salariés d’un groupe qui ne cherchent qu’à redevenir des collaborateurs intégrés aux processus de décision et d’organisation. Un vrai défi que pourrait relever Vivendi avec juste un brin de volonté coercitive...