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18 / 08 / 2015 | 122 vues
Sébastien Baccon / Membre
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L’analyse de pratiques professionnelles : outil de prévention des RPS

Pour pouvoir traverser et survivre à la crise multi-factorielle qu’elles connaissent depuis quelques douloureuses années déjà, nos entreprises semblent plus que jamais se pencher sur l’amélioration de leurs conditions de travail. Elles le font plus précisément sous l’angle du bien-être au travail (entendez « l’amélioration du ressenti des individus qui la composent »).

Dans ce contexte difficile, tout nouvel outil ou méthode permettant de limiter et de prévenir les risques psychosociaux (RPS) est bienvenu. L’analyse de pratiques professionnelles (APP) a le vent en poupe depuis quelques années (ANACT, 2012), s’agit-il pour autant d’un outil pertinent de prévention des RPS ?

Rappel : qu’est-ce que l’analyse de pratiques professionnelles ?

Animée par un professionnel extérieur, l’APP prend la forme d’un espace de discussion entre pairs

Il s’agit pour chacun de parler de son travail dans les dimensions suivantes :

  • ce que l'on fait et dont on ne parle pas parce que ça ne correspond pas forcément à ce qui est prescrit (différence entre travail prescrit et travail réel) ;
  • ce que l'on souhaiterait faire et qu'on n'arrive pas à faire ( « empêchements d'agir » et « idéal professionnel ») ;
  • ce que l'on fait et qu l'on aimerait ne pas faire ;
  • ou ce que l'on fait sans vraiment avoir conscience qu'on le fait, soit qu'il est plus confortable de ne pas le savoir, soit que cet agir est tellement « incorporé » qu'on ne le voit plus du tout comme modalité de notre action.

Méthodologie

L’APP ne se limite pas seulement à un espace de discussion, car « l’analyse » se fait en réalité à plusieurs niveaux. Pour que les séquences de travail  conduisent finalement à une mise en action à faire autrement, c’est tout un processus qui doit se dérouler. À commencer par un cap important à passer : l’instauration d’un climat de confiance. Là où le groupe apprend à entrer dans la confidence, où chacun prend le temps d’oser dire qu’il ne sait pas, n’y arrive plus, ne sait plus faire et cela grâce au cadre bienveillant, dans le respect et le non-jugement, mis sous la responsabilité de l’animateur.

Une fois que les barrières tombent et que la confiance s'instaure, il est alors possible d’aller plus loin, d’explorer les situations problématiques de chacun, de quitter ses croyances désuètes et envisager autrement les situations. Nous visitons alors les questions et les silences, compagnons de l’introspection, tout aussi nécessaires aux transpositions que chacun fera sur sa propre réalité professionnelle. Tout cela est très vivant, libérateur pour tous… S’il y a des moments de vives émotions, celles-ci sont toujours libératrices du stress, de l’isolement et du doute.

 

Intérêts de l’APP

 

L’APP consiste à faire évoluer ce qui ne fonctionne pas ou mal, à apprendre à faire autrement. On se situe donc assez loin de l’approche théorique du travail et bien plus dans les explorations concrètes. C’est à partir de ce terreau fertile qu’il est possible de faire émerger de nouvelles pratiques professionnelles.

Ainsi, chaque participant prend conscience de ses pratiques et vient se nourrir de celles des autres (rupture de la solitude et de l’isolement). Elles se confrontent dans un cadre précis et bienveillant à l’aide d’une animation adaptée. Ce travail a pour objectifs de :

  • favoriser la résolution de problèmes ;
  • développer la coopération et l’entraide entre collègues ;
  • contribuer au développement des compétences des participants ;
  • permettre aux participants l’identification de marges de manœuvre (apprentissage de trucs et astuces, identification de ressources (pairs etc.) pouvant être sollicitées).

Ainsi, l’APP est une sorte de fenêtre ouverte sur un espace permissif, un champ des possibles. Parce que l’environnement change, parce que  les collègues changent, parce que nous-mêmes changeons. il n’y a rien de surprenant à ce que nous ayons individuellement et collectivement besoin de faire évoluer nos façons de travailler.

Ici, cela passe par un temps de compréhension de ce qui ne fonctionne pas aussi bien qu’on le voudrait, pour pouvoir modifier ce qui est possible, de le tester et peu à peu d'en faire une nouvelle pratique efficiente.

La situation actuelle : APP et rapports sociaux au travail

À l’origine, l’APP a été surtout utilisée dans le secteur médico-social, celui-ci comporte une composante relationnelle prédominante  (métiers : médecins, travailleurs sociaux). L'un des objectifs est de travailler sur les rapports sociaux au travail, que ce soit entre collègues ou bien avec un public (phénomènes d’agressivité et d’incivilités).

Le secteur médico-social se caractérise aussi par la difficulté de concilier l’aspect économique avec le service rendu : « je dois respecter certaines procédures ainsi que des impératifs de productivité qui vont à l’encontre de la qualité de service et de l’accompagnement que je dois à mes patients, adhérents et résidents ». Nous sommes donc, là aussi, dans le conflit de valeurs qui est l'une des principales sources de RPS.

Si, comme nous y invite Yves Clot, nous parvenons à convertir les risques psycho-sociaux en ressources psycho-sociales des salariés, alors nous aurons fait un pas de plus vers le « bien-vivre » au travail. 

Ce qui nécessite alors que la direction d’entreprise fasse également face aux problèmes que rencontrent ses salariés, et œuvre avec eux pour trouver des solutions. C’est remettre un fil conducteur entre les exigences de performances économiques de l’entreprise et les exigences de qualité du travail réalisé, par ceux-là mêmes qui réalisent le travail. Parce qu’en réalité, ce que chacun d’entre nous souhaite, c’est de pouvoir trouver satisfaction dans ce qu’il fait chaque jour au travail.

Autres facteurs de RPS (rapport Gollac / Bodier, 2011)

Les quatre autres facteurs de RPS sont l’insécurité au travail, le manque d’autonomie, la charge émotionnelle et l’intensité du travail. Le fait d’échanger entre pairs dans le cadre de l’analyse de pratiques apparaît positif : voir comment les pairs gèrent ces situations et difficultés permet de progresser.

En effet, il est possible que les groupes d’APP produisent des choses très concrètes et généralisables (ex-guides de bonnes pratiques) pour aider à faire face à certaines situations, déjà rencontrées, déjà analysées en APP et pour lesquelles des comportements, réactions, procédures efficaces sont élaborées. Il y a ici capitalisation sur l’expérience.

Pour conclure, le plus important dans la prévention des RPS, c’est le dialogue ; celle-ci passe en effet par un exercice de discussion sur le travail (« comment on fait le travail au quotidien » Aravis novembre 2014). Cet espace de discussion que constitue l’APP permet ainsi de générer du collectif par la mutualisation des compétences.

Pour aller un peu plus loin, l’expérience montre que chaque fois que l’on fait travailler des professionnels en APP, il en ressort toujours une force créatrice, notamment parce qu’une grande part est donnée à la créativité de chacun, pour sortir d’une situation problématique.

Préconisations

  • Il apparaît même très pertinent d’articuler la démarche avec d’autres formations de type « sensibilisation aux RPS » dans une démarche de prévention primaire.
  • Mentionner clairement les principes d’engagement, de volontariat, de respect de la confidentialité ainsi que de régularité dans les ateliers permet d’instaurer un sentiment d’appartenance et un climat de confiance propice à la parole (Pezé, Journaud 2012).
  • Traiter des problématiques relationnelles mais aussi les situations de travail concrètes de façon à identifier l’origine des RPS (Pezé, Journaud 2012).
  • Il serait bon de recréer ou maintenir un lien entre les apports (ressources) des séquences d’APP et la direction pour que de nouvelles pratiques, méthodes et procédures puissent être réellement mises en œuvre.
  • Pour une efficacité maximale, nous recommandons une journée (7h) d’APP toutes les 5 à 6 semaines, pour un groupe de 7 à 8 personnes. maximum sur 10 mois.

Cet article a été corédigé avec Valérie Mamert, psychopraticienne Gestalt, coach formatrice en accompagnement des projets et des hommes.

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