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23 / 11 / 2012 | 174 vues
Didier Porte / Membre
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L'amplitude et la charge de travail doivent rester raisonnables

Malgré la décision du Comité européen des droits sociaux, qui, fin 2010, avait jugé le forfait jours contraire à la Charte sociale européenne, ratifiée par la France, la Cour de Cassation en avait validé le principe en juin 2011 mais sous conditions d’application strictes. Ainsi, le 26 septembre dernier, les hauts juges ont estimé qu’était nécessaire une garantie que « l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables », ainsi qu’« une bonne répartition, dans le temps, du travail ».

Dans une décision du 29 juin 2011, la Cour de Cassation avait validé la technique du forfait jours malgré sa condamnation par le Comité européen des droits sociaux, en l’encadrant malgré tout strictement.

Pour la Haute juridiction, le forfait jours n’était valable que si l’accord collectif l’instituant était de nature à garantir le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Elle affirmait à cette occasion que le droit à la santé et au repos était au nombre des exigences constitutionnelles (Cass. soc., 29 juin 2012, n° 09-71107 ).

Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision du 29 juin 2011, la Cour de Cassation était amenée à se prononcer sur la validité de l’accord du 28 juillet 1998 relatif à l’organisation du travail dans la métallurgie.

Elle avait validé cet accord en raison des règles très précises sur le contrôle et le suivi de la charge de travail. Cet accord précisait que le forfait jours devait s’accompagner d’un contrôle du nombre de jours travaillés, afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises.

Il prévoyait :

  • que l’employeur était tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaire, congés payés, jours RTT...). Ce document pouvait être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ;
  • que le supérieur hiérarchique devait assurer le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail ;
  • un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique, durant lequel devaient être évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité ;
  • que l’amplitude et la charge de travail devaient rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.


À l’heure actuelle, cet accord dans la métallurgie instituant le forfait jours apparaît comme le modèle à suivre.

Par la suite, la Cour de Cassation a censuré l’accord-cadre du 8 février 1999 sur l’organisation et la durée du travail dans l’industrie chimique, celui-ci n’étant pas de nature à garantir la protection de la sécurité et de la santé des salariés au forfait. L’accord en question se contentait de renvoyer à la convention individuelle de forfait, conclue entre le salarié et l’employeur, le soin de fixer les modalités de contrôle du nombre de jours travaillés, ainsi que la nécessité d’un entretien annuel d’activité du cadre avec sa hiérarchie.

L’accord d’entreprise du 3 février 2000, pour sa part, se bornait à affirmer que les cadres soumis à un forfait en jours étaient tenus de respecter la durée minimale de repos quotidien et hebdomadaire. L’insuffisance de ces garanties conventionnelles avait pour conséquence de priver d’effet dans ce secteur les conventions individuelles de forfait conclues sur la base de ces accords (Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 10-19807).

Dernièrement, elle a également sanctionné l’accord ARTT du 14 décembre 2001 pris en application de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970.

Reprenant la formulation de l’accord relatif à l’organisation du travail dans la métallurgie, la Cour de Cassation énonce que l’accord instituant le forfait jours doit garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé (Cass. soc., 26 septembre 2012, n° 11-14540).

En d’autres termes, la Cour de Cassation exige que l’accord prévoie un suivi régulier et précis de la charge et de l’amplitude de travail. Tel n’est pas le cas lorsque l’accord se contente de prévoir un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique et un examen trimestriel par la direction des informations communiquées sur ces points par la hiérarchie.

L’encadrement strict du forfait jours, dispositif qui doit assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, a pour effet de mettre un terme aux semaines de 78 heures que les salariés pouvaient effectuer sous ce régime.

À noter que si l’accord collectif instituant le forfait jours respecte bien les conditions posées par la Cour de Cassation (respect des repos journaliers et hebdomadaires, amplitude et charge de travail devant rester raisonnables...), encore faut-il que l’employeur respecte bien les dispositions conventionnelles et veille bien à assurer le suivi régulier de l’organisation du travail du salarié, à défaut de quoi la convention de forfait serait privée d’effet et le salarié pourrait éventuellement demander le paiement d’heures supplémentaires.

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