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10 / 05 / 2012 | 114 vues
François Dubreuil / Membre
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L’alpha et l’oméga de la « performance sociale » (3/3)

Dans l’organisation médiatisée, l’objet et les modalités de la « conflictualité » sociale se déplacent. L’affrontement collectif interne permanent pour le partage des gains de productivité perd en prégnance, au profit de luttes ponctuelles, portant sur l’attribution de la responsabilité, des dommages subis par des parties prenantes tant internes qu’externes. On passe ainsi d’une conflictualité vécue quotidiennement à un risque permanent de mise en cause et d’une gestion de la conflictualité à une démarche de gestion préventive des risques. La performance sociale n’est donc pas « une aberration dangereuse » mais une expression qui dénote la transformation des formes de la lutte.

L’entreprise médiatisée cherche à prévenir les mises en cause de sa responsabilité autour des principaux enjeux sociaux : santé et bien-être, employabilité et compétence, équité de traitement, qualité de l’organisation et de la relation hiérarchique favorisant coopération et engagement. Elle se sait soumise à des obligations de résultat par les pouvoirs publics, confrontée au regard des parties prenantes et à l’action des militants associatifs et syndicaux qui révèlent des « scandales », engagent des poursuites juridiques. C’est pourquoi elle s’efforce de réguler les risques, en interne comme en externe pour ne pas être fragilisée socialement, juridiquement, économiquement et en termes d’image.

L’alpha (phénicien, symbolisation de la vache nourricière) de la performance sociale rassemble les 5 dimensions fondamentales de la performance sociale. Aujourd’hui, les entreprises sont souvent écartelées entre des directions focalisées sur la recherche de l’engagement dans l’entreprise (organisational commitment) tandis que les organisations syndicales se concentrent sur la prévention des risques psychosociaux. L’équité est un thème de préoccupation croissant dans les entreprises avec le renforcement des mesures réprimant les discriminations. C’est aussi la thématique qui assure l’équilibre entre la recherche de l’engagement et le risque d’épuisement dommageable à la santé, entre la multiplication des expertises et la capacité à travailler ensemble, et celle qui résume les autres à travers la notion d’employeur équitable.

Il s’agit de développer des interactions positives avec l’environnement économique et social local, « l’écosystème »,  pour y prospérer harmonieusement. La performance sociale est à côté des performances économique et environnementale un des trois piliers d’une stratégie de développement durable. Les dispositifs visant à objectiver cette performance sociale n’ont cessé de se renforcer depuis 20 ans, avec d’abord l’entreprise citoyenne, démarche peu structurée du début des années 1990 puis de responsabilité sociale, le développement de la notation sociale à partir du milieu des années 1990. La notion de performance sociale apparaît pleinement en France avec la remise en février 2010 du rapport Lachman, Larose et Pénicaud « bien-être et efficacité dans le travail ».  

 

L’oméga de la performance sociale distingue les actions à gauche qui recourent à la contrainte et les actions à droite qui recourent à l’incitation. En haut se situent les actions les plus aisées à mettre en œuvre, les moins irréversibles, en bas les actions les plus radicales.

  • Souvent les directions et DRH se limitent aux actions situées au sommet de l’oméga. Inciter financièrement les dirigeants et managers à améliorer la performance sociale, modifier la gouvernance de l’entreprise sont des actions plus rares. Vendre à ses clients son modèle social, ses actions de RSE est une compétence nouvelle pour les RH.

Concrètement, l’entreprise s’engage dans des démarches de prévention, de traitement et de réparation des dommages liés à son activité. Elle prévient ainsi des crises indissociablement internes et externes et entraîne l’adhésion de ses parties prenantes à son projet. Elle communique auprès des salariés, mais aussi des clients, des actionnaires, des collectivités publiques, des ONG, de la société civile sur sa performance sociale qui repose moins sur des accords « sociétaux » « vitrines »,  que sur des engagements crédibles qui se mesurent et se contrôlent (moyens, procédés…).

Nouveaux rôles pour la DRH et les élus

Dans ce nouveau contexte juridique et social, le DRH a pour mission d’intégrer un volet humain à la stratégie de l’entreprise pour assurer son caractère durable. Il contribue à bâtir un projet d’entreprise pensé pour être mis en œuvre par les opérationnels, projet qui favorisera la coopération de tous, en interne et, par ses réussites, au-delà de l’entreprise. Il s’engage dans la régulation des enjeux sociétaux en portant attention aux systèmes de fixation et d’évaluation des objectifs et à leur articulation avec l’organisation du travail et les valeurs affichées. Il s’implique pour assurer une régulation transverse en faisant mieux dialoguer services fonctionnels et parties prenantes. Il passe en somme d’un rôle de régulateur à celui d’architecte et de pilote médiatique.

  • Les élus des salariés, quant à eux, sont de moins en moins des représentants du personnel, tirant leur force du nombre d’adhérents et de militants mobilisés dans des actions collectives, mais de plus en plus des « lanceurs d’alertes », notamment  via le CHSCT (droit d’alerte).

Ils incitent à l’exercice du droit de retrait, et, plus généralement, cherchent à attirer l’attention en interne comme en externe sur des pratiques qu’ils jugent dangereuses, illégales ou inacceptables. Ils participent aussi, en véritables médiateurs, à la construction de politiques sociales équilibrées.

Dans la crise majeure que connaît l’économie mondiale, la contrainte financière peut conduire les entreprises à ne pas suffisamment tenir compte de ces sujets. Mais les crises sont aussi le moment où se creusent les écarts de performance. Il est probable que la capacité à établir des relations positives avec son environnement social sera dans cette crise un facteur discriminant de performance.

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