Grand angle
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31 / 03 / 2021 | 387 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Quelles stratégies numériques pour instaurer de nouvelles relations entre élus et salariés ?

Lors du direct du 26 février sur les stratégies digitales instaurées par les élus pour développer de nouvelles relations avec les salariés organisé par Miroir Social, trois représentants des salariés d'Atos, Leroy-Merlin et HPEF ont partagé les modalités de leurs actions syndicales respectives et la place que cela laissait au CSE pour proposer une porte d’entrée commune de tous les salariés, comme c’est le positionnement de MaViePro, l’application mobile co-développée par Technologia et Up, qui propose notamment un « service après négociation » des accords d’entreprise.

 


 

« Sommes-nous au cœur du capitalisme de connivence dans la stratégie de gouvernance ? », s’interroge Alia Iassamen, coordinatrice CFDT d’Atos, dans une vidéo de 4 minutes du 26 octobre 2020, à l’intention d’Édouard Philippe, nouvel administrateur (remplaçant Nicolas Bazire, condamné en 2020 dans le cadre de l’affaire Karachi) d’un groupe illustrant la porosité des liens entre la politique, les affaires et la finance, selon le syndicat. Le tout après avoir rappelé que l’ex-ministre des finances Thierry Breton était arrivé de Bercy avec son équipe quand il a été nommé PDG d’un groupe qui est « l’antichambre de la commande publique ». L’occasion d’interroger l’ex-premier ministre sur ce qu’il comptait faire pour aligner la réalité de la RSE avec les discours et sur les 12 salariés atteints de cancers alors qu’ils étaient particulièrement exposés à des ondes électromagnétiques. 

L’édito vidéo

Cette vidéo percutante en forme d’édito a été visionnée plus de 4 000 fois sur YouTube, bien plus que la « lettre à Édouard » qui l’a inspiré. « De par son caractère viral, la vidéo syndical pèse bien plus dans le rapport de force avec la direction qu’avec le format écrit. Nous allons développer ce format d’édito vidéo pour placer la direction face à ses responsabilités. Les sujets ne manquent pas », explique Alia Iassamen qui précise que « le format est court mais il y a un temps de préparation important pour « éditorialiser » au mieux. Nous sommes une équipe de quatre à nous occuper de la communication ». La coordinatrice CFDT du groupe développe son réseau sur LinkedIn avec la même volonté de personnaliser le message : « c’est l’occasion de nouer des contacts avec les salariés. Nous avons identifié plusieurs candidats aux élections professionnelles via ce canal ».

Le Facebook live

De son côté, FO Leroy Merlin s’est approprié les Facebook lives qui s’enchaînent au fil de l’actualité sociale pour redescendre la teneur des informations moulinées de façon explicative et digeste aux salariés, lors des CSE qui se succèdent depuis des mois. Cela accroche avec des centaines de salariés qui suivent ainsi l’actualité et posent leurs questions par messagerie privée, quelle que soit leur localisation géographique. Un vrai service dans une entreprise dont les 19 500 salariés se trouvent répartis dans 111 magasins. Le ton porté par le délégué syndical central lors des directs qui durent désormais un maximum de trente minutes ne se veut pas polémique. « Notre objectif est d’expliquer et de rappeler aux salariés des droits en matière de planification du travail par exemple, qui ont été négociés dans les accords qui ne sont pas toujours respectés actuellement au nom de l’urgence. Dans chaque direct, le sujet est précis pour éviter de se disperser et je sais d’avance ce que je ne vais pas dire pour ne pas franchir la ligne rouge d’une direction qui surveille nos directs », explique Bernard Vigourous, délégué central FO de l’enseigne qui a investi moins de 50 euros pour un avoir un éclairage adapté. Comme à la CFDT d’Atos, FO expérimente aussi de nouveaux formats vidéos avec des questions/réponses sur des formats courts.

La téléconférence mensuelle sur l’actualité réservée aux adhérents

Pas de Facebook live public pour la CFTC d’HPEF qui préfère organiser une téléconférence mensuelle sur l’actualité de l’entreprise. Celle-ci est réservée aux adhérents qui représentent près de 20 % de l’effectif de la société. « Nous sommes en moyenne 100 participants », explique Jean-Paul Vouiller, le coordinateur du syndicat et initiateur de l’un des blogs syndicaux les plus inspirants, il y a quinze ans, avec 1 000 sujets postés et 70 000 commentaires, le plus souvent via des questions rendues anonymes dont aucune ne reste sans réponse. Si le trafic a été divisé par 3 du fait de la saturation informelle des salariés, des dizaines de questions sont encore posées lors de chaque publication. Voilà pour le volet syndical de la stratégie du responsable de la CFTC mais quel rôle peut dès lors assurer un CSE numérique en soutien à ces actions ?


« Quand je suis secrétaire du CSE, je ne suis plus CFTC et je fais en sorte que le collectif puisse fonctionner au mieux. Dans ce cadre, une semaine après les réunions du CSE, nous leur adressons une note de synthèse indépendante qu’ils retrouvent dans un espace réservé et nous organisons des téléconférences sur des sujets comme l’épargne salariale, l’aide au logement ou encore le développement durable qui réunissent également beaucoup de participants », souligne Jean-Paul Vouiller. Il s’agit d’identifier les complémentarités entre les actions respectives des syndicats et la marge de manœuvre que le CSE peut se donner pour agir en son nom propre. 

Questions / réponses sur les accords : un terrain pour le CSE

« On négocie de plus en plus dans les entreprises mais il faut ensuite être capables de répondre aux salariés. Nous proposons une application mobile où l’ensemble des accords sont convertis sous formes de questions/réponses rédigées pour être faciles à lire et à comprendre. Si le salarié veut en savoir plus, il lui suffit de choisir les élus avec lesquels il souhaite échanger par tchat. Nous lui laissons le choix de choisir ses interlocuteurs à partir d’un guichet unique. Le tout avec la garantie de la confidentialité des échanges », explique Marc Chenais, directeur général de Technologia qui a développé une application mobile qui vise les CSE et non les syndicats, en partenariat avec Up : MaViePro. Élaborée sur mesure pour chaque CSE, cette nouvelle solution intègre NosDroits par défaut, un autre application mobile développée par Technologia qui ouvre gratuitement les portes du code du travail en mode questions/réponses, avec la possibilité de tchatter avec des juristes. 
 

Pour Alia Iassamen, « c’est une illustration de la mutation du conseil juridique dont la mise en place au niveau d’un CSE sous-entend d’être capable de travailler en intersyndicale et de trouver le bon moment pour le faire. Pas juste avant une échéance électorale, par exemple ». « Il faut avant tout sortir de la posture syndicale quand on porte une action en tant que CSE », considère Bernard Vigourous. Selon Arnaud Breuil, directeur des partenariats et de la vie coopérative du groupe Up, « dans le panel des solutions que nous proposons aux CSE, il manquait la brique permettant aux salariés d’avoir la bonne information au bon moment sur tout le cadre conventionnel de leur entreprise tout en ayant la possibilité d’avoir une réponse personnalisée. C’est un service d’autant plus nécessaire dans les entreprises très dispersées géographiquement où le élus sont loin d’être présents sur tous les sites ».