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16 / 11 / 2018 | 31 vues
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Gilets jaunes et syndicats : encore une preuve du divorce des dirigeants syndicaux et la base ?

Samedi, dans toute la France, des gens manifesteront sans banderole, sans dirigeant, sans organisation et avec comme seul mot d’ordre l’exaspération face à une nouvelle hausse des carburants.

Issue de la base, cette initiative collective aurait dû rencontrer l’approbation des dirigeants syndicaux, surtout de la CGT, qui, sur le papier, veut que toute impulsion collective venant de la base soit légitime.

Au-delà des excellentes explications de Dominique Andolfatto, qui rappelle que les syndicats se croient le réceptacle de toutes les colères sans avoir à partager l’organisation, que l’attentisme leur fournira l’occasion de récupérer le mouvement ou non, il convient de noter certains points...

Tous les syndicats ne réagissent pas de la même manière, même s’ils ne participent pas à cette journée d’action.
  • Si la CFDT « comprend et soutient les salariés qui manifestent leur mécontentement face à une nouvelle hausse des prix du carburant », Solidaires et la CGT refusent de se mêler à ce qu’ils qualifient de manifestation d’extrême droite et ne montrent aucune empathie pour les Gilets Jaunes.  

La CGT se dit interpelée jusque dans ses rangs par l’ampleur de l’apparente mobilisation. Ce n’est donc pas le motif qui interpelle le syndicat mais la facilité avec laquelle cette initiative a eu lieu. Bluffée ? Vexée ?

La CGT dit que de nombreux militants font savoir que c’est une manifestation d’extrême droite. On notera la qualité et l’indépendance de la source mais on cherchera les preuves de cette assertion. Pas l’ombre d’un doute pour la centrale syndicale.

Peu importe d’où vient cette manifestation pour la CGT ; du moment qu’elle a été récupérée par d’autres, elle doit être écartée car une vidéo très regardée sur les réseaux sociaux appelant à la manifestation viendrait d’un militant politique de droite. Le syndicat amalgame la source réelle de l’initiative et la tentative de récupération dont elle fait l’objet par un militant politique. Du soutien à la récupération, il n’y a qu’une marge mince. « Il est tentant de se dire que l’on pourrait profiter de ce qui semble une manifestation massive pour y faire entendre les revendications de la CGT ». Sous-entendu, si l’opposition de droite et extrême droite n’avait pas été la première à dégainer, nous aurions tenté voire osé tirer profit de cette manifestation.

  • « Nos propositions sont issues d’un travail collectif, débattues et validées démocratiquement ». Sauf que :
    • les Gilets Jaunes n’ont pas de propositions, c’est juste l’expression d’un ras le bol fiscal ;
    • la CGT a-t-elle consulté sa base pour savoir si elle souhaitait manifester et si elle approuvait cette initiative populaire ? Hélas non. Faites ce que je dis…

La CGT place son action dans le cadre de l’opposition des intérêts du capitalisme et ceux des travailleurs mais aussi dans la lutte contre les idées d’extrême droite. Les Gilets Jaunes n’inscrivent pas leur initiative dans le cadre ci-dessus, ni contre ce cadre et pas plus dans le combat des idées d’extrême droite. C’est en partie ce qui constitue la grande différence entre les syndicats et les Gilets Jaunes : les uns se battent contre des idées, les autres contre des faits.

Au lieu de tirer les conclusions de l’analyse de la composition socio-économique du mouvement des Gilets Jaunes allant au-delà du champ d’action syndicale (regroupements de travailleurs salariés mais aussi d’inactifs, de professions indépendantes, patrons et militants politiques) en qualifiant cette initiative de purement politique et absolument pas syndicale, la CGT, vexée par l’ampleur du mouvement et le fait de ne pas avoir été conviée, se présente en donneuse de leçons, tout en reconnaissant que la récupération aurait été de mise si elle avait été plus prompte à réagir. Aurait-il été plus sage de se mettre en retrait, en affirmant ne pas vouloir mélanger politique et syndicalisme ?

Si la CGT s’interroge sur la facilité de propagation et de succès médiatique, c’est qu’elle n’a pas compris que les Gilets Jaunes ont fait le rapprochement entre la décision d’augmenter les taxes sur le carburant, ce qui a été immédiatement constaté par tous, partout et au même moment. En revanche, les dégâts infligés au Code du travail par les différentes réformes législatives des dernières années ne sont pas vécues par tous, partout, ni au même moment.

La CGT s’autorise à penser que l’initiative du 17 novembre pourrait renforcer l’exploitation des travailleurs. On attend encore ce qui permet d’en arriver à un telle conclusion. En revanche, aucune empathie pour les difficultés financières rencontrées par les manifestants.

Au lieu de rester dans la posture du sphinx et de prendre précautionneusement ses distances, la CGT s’est mise en porte à faux vis-à-vis de nombreux Gilets Jaunes. Elle n’en tirera un bénéfice que si certaines dérives sont observées. En janvier 2014, la manifestation « Jour de Colère » contre François Hollande avait été lancée de la même manière sur les réseaux sociaux et se présentait comme une initiative rassemblant de simples citoyens. De nombreux groupes d’extrême droite y avaient appelé et avaient participé. Résultat : une manifestation parisienne antisémite, où l’on a entendu « juif, la France n’est pas à toi ! » et vu des saluts nazis.

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