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30 / 10 / 2017 | 14 vues
Max Masse / Membre
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Futur schéma directeur de la formation professionnelle dans la fonction publique : un défi pour le dialogue social

Les évolutions de la fonction publique récentes et à venir, le contexte des réformes administratives structurelles et opérationnelles, les reconfigurations apportées par la formation à distance, le numérique et la digitalisation et les transformations occasionnées du travail, des métiers et des activités rendent une nouvelle fois essentielle, d’une part, la place donnée à la formation professionnelle des agents entrant ou en poste et, d’autre part, la nécessité de fixer un cadre cohérent conceptuel et méthodologique adapté et coordonné, doté des moyens humains, techniques et budgétaires à la hauteur des enjeux.

Face à ces changements, le dialogue social devient un enjeu majeur car les représentants des organisations syndicales vivent en permanence au quotidien les points forts des réalisations et trop souvent les alertes sur les dysfonctionnements.

Depuis fin 2016, en sa qualité de DRH de l’État, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) s’est vu attribuer une nouvelle mission en matière de formation professionnelle qui va une nouvelle fois interpeller les parties prenantes du dialogue social.

Toutefois, à l’instar de la « santé et de la sécurité au travail », la « formation professionnelle » constitue un objet et un sujet qui fait globalement consensus dès le départ sur ses objectifs fondamentaux. L’enjeu consiste donc à faire vivre un dialogue social ouvert, dynamique et pragmatique pour construire les modalités organisationnelles d’un schéma directeur de la politique de formation professionnelle de sa conception, de sa gestion et de son suivi. Nous verrons que, s’il constitue l’élément primordial de la démarche, il lui restera à s’incarner dans un schéma opérationnel qui doit être intégré dans la démarche en amont pour être approprié et donner les meilleurs résultats en aval.

Un nouveau cadre d’action

La DGAFP doit donc élaborer, en lien avec les ministères, un schéma directeur de la politique de formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l'État*. Ce schéma :

  • définit les priorités de formation dans les domaines communs à l'ensemble des ministères ;
  • coordonne leur action et celle des opérateurs à cet effet ;
  • et fixe les objectifs et modalités pour développer des formations numériques accessibles à tous les agents publics.

Les plans ministériels de formation doivent être rendus compatibles avec les orientations du schéma directeur et sont transmis à la DGAFP.

La DGAFP doit :

  • élaborer le cadre réglementaire nécessaire à la mise en œuvre d'actions de formation ;
  • assurer coordination et soutien nécessaires pour le développement et l'évaluation, par les différents départements ministériels, de leurs documents d'orientation, plans et actions de formation ;
  • veiller à la mutualisation des actions de formation ;
  • animer le réseau des écoles et organismes chargés de la formation initiale et continue des agents publics de l'État, en lien avec les différents départements ministériels.

* Article 34 du décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007 (formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l'État) et décret n° 2016-1804 du 22 décembre 2016 relatif à la DGAFP et la politique de ressources humaines dans la fonction publique.

Pour de multiples enjeux

La formation tout au long de la vie offre une dynamique vertueuse parce qu’elle détermine les conditions du et de travail, la vie au travail, le bien-être tout au long de la vie professionnelle (cf. préambule de l'accord SST 2009) et, par voie de conséquence, la qualité du service public.

Rappelons que la formation est un droit fondamental du point de vue juridique mais également sociétal pour prendre en compte les évolutions du travail et la gestion des carrières des agents.

Car la formation se situe au cœur d’interactions qui font le système, elle est déterminée par des politiques publiques (réforme de l’État, label 2022) et dépend des stratégies en ressources humaines  RH (recrutement, GPEEC…) comme de la gestion au quotidien des ressources humaines, logistiques, matérielles, numériques et des budget mis à disposition. Elle concerne l’ensemble des activités professionnelles sur l’ensemble du territoire pour l’ensemble des parties prenantes.

Plus précisément, la formation se trouve à la rencontre entre trois perspectives en tension qui doivent se répondre : les intentions des organisations (employeur public, organisations syndicales, organismes de formations), le développement professionnel des agents et le développement personnel des agents.

Enjeu de territorialités et de territoires, les formations mobilisent des relations inter-fonctions publiques, interministérielles, aux niveaux national, régional et départemental entre administrations centrale, services déconcentrés, régions et départements (dont les DDI) mais également inter-directionnelles et inter-métiers. On pourrait aussi questionner les porosités possibles entre formations fonction publique et secteur privé.

Nous voyons que l’ensemble des parties prenantes est impliqué : les services de la DGAFP, les dirigeants et l’encadrement supérieur, les DRH des ministères / établissements publics, l’ensemble des agents, les stagiaires des écoles de service public, les universités, les structures en réseau (IAE et CEPAG), les maîtres de stage, les tuteurs, les membres de jury, les prestataires et les usagers.

Ces publics participent aux préparations au concours comme aux formations statutaires, aux formations continuée et continue sans oublier les formations préalables à la prise de poste (ISST, par exemple) ou les formations réglementaires (CHSCT). C’est ainsi que la formation tout au long de la vie concernent l’entrée dans la fonction publique et les évolutions professionnelles (promotion, mobilité…).

Les directions du schéma

D’un point de vue plus opérationnel, s’inter-fertilisent les savoirs (champs théoriques et conceptuels de compétences), les compétences (attentes institutionnelles), les connaissances (acquis et besoins projetés), les activités (travail réel) ; les systèmes de formation, leurs dispositifs, leurs référentiels, leurs outils et leurs protagonistes ayant pour mission de conceptualiser, concevoir et réaliser une forme de synthèse cristallisatrice.

La tâche est ardue, du fait de la diversité des horizons qui demandent une approche pluridisciplinaire entre sciences de gestion, du travail, de l’éducation, de la formation et de la professionnalisation ou encore les sciences du numérique…

Sont conditionnées les méthodes d’apprentissage, les déterminants des dispositifs, l’hybridation des formations, la prise en compte des expériences antérieures et les thématiques toutes considérées plus ou moins prioritaires et par-delà, leurs modalités de choix, la conception et la réalisation des modules, les niveaux de déploiement.

Souvent « bête noire » des services de RH, les « plans » de formation hésitent faute de lisibilité organisationnelle entre le projet global (principes et axes fondateurs), les modalités de recueil des besoins, les modalités de conception et de réalisation, la programmation annuelle/pluriannuelle, le planning des dates etc. sous fond de budget sous pression.

La plus grande disparité (pour ne pas dire cacophonie) fait se côtoyer l’évaluation des stratégies, des projets, des dispositifs, des modules, des formateurs et des agents en oubliant que l’évaluation peut être sommative ou formative et, à chaud ou à froid, qu’elle peut concerner le degré de satisfaction comme les connaissances et compétences acquises, qu’elle peut avoir pour objet la certification ou la labellisation et, enfin, qu’elle est susceptible d’interpeller les structures internes (services) ou les parties prenantes externes (usagers). J’ajouterais volontiers que l’évaluation côté formation n’a de véritable sens que si l’on a quelques repères sur l’évaluation du travail prescrit et réel.

Il en va de même pour la notion de qualité où il est parfois difficile de la départager pour identifier les objets et les sujets sur lesquels elles est sensée porter : la stratégie de la formation, la gestion de la formation, les dispositifs mis en œuvre, l’intervention des prestataires, l’apprentissage et les effets produits par la formation…

Des schémas d’apprentissage pour adultes

Assumons des méthodes d’apprentissages dynamiques fondées sur le travail réel.

Avant de conclure, je ne puis oublier la « substantifique moelle » de la formation professionnelle qui concerne les processus d’acquisition de connaissances et de développement de compétences des adultes.

La formation professionnelle dans la fonction publique concerne dans sa plus grande majorité un public d’adultes ne possédant pas d'expériences personnelles, professionnelles et/ou universitaires qu’il s’agit de prendre en compte. Par ailleurs, ces derniers ont pour souci d’apprendre à bien faire leur travail seuls et avec les collectifs de travail avec lesquels ils sont en interactions. On peut formuler l’hypothèse que les commanditaires des formations ont également le souci de bien faire leur travail.

Alors construisons des cahiers des charges sur les principes des théories de l’apprentissage (socioconstructivisme, andragogie…), assumons des méthodes d’apprentissages dynamiques fondées sur le travail réel (analyse de situations de travail, mises en situations professionnelles, rapports d’étonnements…), acceptons que les dispositifs puissent comprendre un idéal, un cadre conceptuel, du fonctionnel et du vécu, mobilisons l’hybridation formative, intégrative et collaborative, diversifions les outils (présentiel/distanciel, alternance, extranet, plates-formes de partages, forums ouverts, world café, MOOC, blog…).

Former, disait, Pierre Goguelin, c’est donner l’être et la forme. Pour devenir un professionnel compétent, le premier enjeu est un truisme et c'est pouvoir accéder à ces formations. Or, c’est ici que le problème semble le plus crucial, la formation est trop souvent empêchée du fait de l’organisation du travail, de la charge de travail (toutes catégories), de l’« autocensure », de l’écart entre les besoins professionnels et les attentes personnelles, de l’éloignement (déplacements, la situation familiales), des coûts induits etc.

Heureusement, de nombreux relais nationaux et locaux externes spécialisés existent pour anticiper, favoriser, développer et intervenir à toutes les étapes des projets. On citera le réseau des écoles de services publics, les plates-formes de ressources humaines (SGAR) pour leur répartition territoriale et fonctionnelle, les IRA pour leur connaissance de l’interministérialité et l’ANACT et l’INTEFP pour le ministère en charge du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

Un défi pour le dialogue social

Cette démarche d’appropriation collective du sujet « formation » peut donc être porteuse d’un dialogue social de qualité.En balayant trop rapidement quelques-uns des champs et enjeux de la formation, on mesure le chantier qui attend la DGAFP, les départements ministériels et établissements publics mais également les membres du conseil commun et des trois conseils supérieur de la fonction publique pour ce qui les concerne, les membres des comités techniques et, dans une certaine mesure, ceux des CHSCT.

Le relatif consensus sur la formation devrait offrir des espaces conjoints de négociation (cf. annexes) et de concertation propices à un enrichissement mutuel national et territorial, d’une part, à l’élaboration d’un schéma directeur de qualité et, d’autre part, à une effet réseau sur l’ensemble du territoire national ; sous réserve que chacun s’y engage fermement, soit prêt à partager ses convictions et assume les responsabilités qui sont les siennes.

Cette démarche d’appropriation collective du sujet « formation » peut donc être porteuse d’un dialogue social de qualité qui ne dépend pas de formations ou d’intervenants externes au préalable mais d’une construction dans l’action et dans le débat pour produire un projet partagé parce qu’approprié (et inversement). Ensuite, la sollicitation d’expertises professionnelles ou scientifiques ciblées sur des questionnements bien précis pourront alors éclairer les travaux sous un jour complémentaire. Elle peut être source de professionnalisation durable qui favorisera les négociations et concertations suivantes.

Avec l’espérance que d’autres thématiques et que la formation puissent bénéficier de cette expérience singulière. Les partenaires sociaux des trois versants de la fonction publique ont montré l’exemple à plusieurs reprises depuis 2009 en matière de santé et de sécurité au travail.

Quelques références
- Négociation collective (loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social) : les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour participer, avec les autorités compétentes, à des négociations relatives […] 2° Au déroulement des carrières et à la promotion professionnelle, « 3° À la formation professionnelle et continue (art. 1).
- Conseil commun de la fonction publique (décret n° 2012-148 du 30 janvier 2012).
- Le conseil commun de la fonction publique peut également examiner toute question commune à au moins deux des trois fonctions publiques relative […] 5° À la formation professionnelle tout au long de la vie (art. 3.).
- Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (décret n° 2012-225 du 16 février 2012).
- Le conseil supérieur de la fonction publique de l’État peut examiner pour avis notamment sur la question relative : 1° Aux orientations de la politique de formation professionnelle (art. 3).
- La formation spécialisée, mentionnée au 3° du II de l’article 11, baptisée commission de la formation professionnelle, examine toutes les mesures tendant à coordonner les programmes de formation professionnelle de l’ensemble des ministères et des établissements publics de l’État et à promouvoir des programmes interministériels de formation professionnelle. Elle est consultée sur les principales questions relatives à l’élaboration et à la mise en œuvre des actions de formation professionnelle dans l’administration. Elle peut être consultée sur les projets tendant à créer un service ou un établissement public chargé, à titre principal, de réaliser des actions de formation professionnelle à destination des agents de l’État ou tendant à regrouper ou à réorganiser de façon substantielle des administrations chargées de telles missions. Elle est informée de la mise en œuvre de l’ensemble des mesures conduisant à réformer de façon substantielle l’organisation de l’appareil de formation professionnelle des agents de l’État (art. 16).
- Comités techniques de la fonction publique de l'État (loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social).
- Comités techniques fonction publique territoriale (loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social) : les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives […] 5° À la formation, à l’insertion et à la promotion de l’égalité professionnelle (art. 16).

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