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03 / 03 / 2011 | 5 vues
Ray Zunino / Membre
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France Télécom : quels seront les impacts de la crise sociale et de sa gestion par les syndicats sur les élections du personnel ?

Les premières élections chez France Télécom (FT) en 2006 ont été un signe fort de la mutation de l’ex-direction générale des Télécoms vers une entreprise privée. Première historique : FT avait jusqu'à alors des instances de représentation du personnel de type fonction publique. Cette première élection de 2006 a instauré des instances du droit commun, comme dans toute entreprise privée. À cette occasion, l'opérateur historique s’est doté d'un comité central d'entreprise (CCE) et de 3 000 délégués du personnel, titulaires et suppléants.

En 2009, de sensibles évolutions sont apparues dans les résultats électoraux avec une baisse importante de la CGT (26,04 % / - 2,12 points) et de SUD (22,29 % / - 2,15 points), une stagnation de FO (12,25 % / - 0,04 point) et de la CFTC (6,77 % / - 0,3 point) qui n’avait pas atteint le seuil de 10 % de représentativité et une progression sensible de la CFE CGC alliée a l'Unsa (9,79 % / + 2,81 points) et dans une moindre mesure de la CFDT (21,91 % / +1,40 point).

  • Alors que la crise sociale tend à l’apaisement, les élections du personnel à France Télécom a l’automne prochain devraient être un test majeur au niveau national pour les syndicats, juste avant la grande échéance sur la représentativité de 2012.
  • Ces élections sont aussi une équation à plusieurs inconnues au regard de la pertinence de la stratégie des syndicats dans la gestion de la plus grave crise sociale que la France ait connu depuis la seconde guerre mondiale.

Les inconnues sont encore nombreuses même si certains constats semblent établis.

La CFTC

La CFTC aura beaucoup de mal à atteindre le seuil des 10 % imposés par la loi sur la représentativité de 2008. Dans sa dernière alliance avec FO pour l’élection de 2010, des administrateurs représentant le personnel au conseil d’Administration de France Télécom,  elle a péniblement atteint 14,5 % des voix. Résultat en trompe-l’œil puisqu’en additionnant les résultats des deux centrales aux élections de 2009, elles auraient légitimement pu atteindre ensemble plus de 19 % (12% pour FO et 7 % pour CFTC). L’alchimie entre les deux centrales, très mal préparée, engagée en substitution à une vraie réflexion stratégique, n’a pas vraiment fonctionné. Elle est apparue comme une fuite en avant de la dernière chance. La CFTC en est la première touchée vitalement, elle est aussi victime du départ de plusieurs de ses dirigeants qui ont demandé leur réintégration. Dans beaucoup d’endroits, les troupes sont passées à FO (ou parfois à la CFDT et, dans une moindre mesure, à la CGC).

SUD

En dépit de l’action de son leader charismatique Patrick Ackerman, fondateur de l’observatoire du stress et des mobilités forcées (aux cotés de Pierre Morville de la CFE CGC) reconnue par tous, le syndicat SUD pourrait passer derrière le syndicat CFDT en raison de l’évolution de l’électorat.

  • Comme la CGT et FO, les potentiels électoraux de SUD sont en effet affectés par les départs en congés de fin de carrière des fonctionnaires, au nombre de 15 000 au cours de ces dernières années et les nombreux départs en temps partiel seniors.
  • En 2010, la direction de FT a recruté environ 3 800 jeunes cadres et va en recruter entre 2 000 et 3 000 en 2011. Ces jeunes cadres votent plus aisément pour la CFDT et la CFE CGC.

Enfin, les salariés pourraient porter grief à SUD pour sa gestion des œuvres sociales, à dire vrai perfectible, mal conseillé par l’expert comptable qu’il avait choisi. SUD, qui mobilise de faibles troupes de permanents, a dû mouliner durement pour se sortir de cette épreuve financière qui a aussi touché la CGT dans le cadre de l’accord de gestion (partagé aussi par la CFE CGC moins exposée en raison de sa bonne gestion sur ses positions CE majoritaires).

Malgré tout, SUD garde une image très attractive dans une époque marquée par la contestation et l’exigence de renouveau, en particulier pour les fonctionnaires attachés à une certaine conception de la vie en entreprise faite de respect, de tolérance et de qualité du service rendue aux clients. Enfin, SUD a joué un rôle prépondérant dans l’animation et la survivance de l’observatoire du stress.

FO

Le syndicat FO parviendra-t-il à enrayer son déclin ? Et à rebondir suffisamment pour éviter le couperet des 10 % de la représentativité ? Le changement de direction, réputée trop proche de l’ancienne direction de FT, a à la fois désorganisé les troupes mais aussi, semble-t-il, libéré et galvanisé certaines énergies, en particulier en province. En effet, c'est en région que ce syndicat jouera sa représentativité. Émerge désormais une nouvelle génération de cadres, à l'image de Nabyl Beldjoudi qui s’est beaucoup exprimé dans la presse au cours de la crise sociale. Le syndicat cherche encore ses marques entre critiques radicales (il a refusé de signer les accords sur FT) et propositions proactives pour un véritable changement à FT. Le syndicat cherche à la fois à être en proximité locale (les salariés désirent la proximité) et à se faire entendre au niveau national. Ce qui est encore loin d’être le cas. La parole étant largement mobilisée dans les médias par Sébastien Crozier et Pierre Morville (de la CFE CGC Unsa) et par SUD (Patrick Ackerman).

FO, moyenne centrale, pourrait bénéficier de plusieurs avantages. La déshérence probable de la CFTC qui lui profite en priorité en raison de sa défiance vis-à-vis des grandes organisations. Les membres des petites organisations syndicales portent un jugement décapant sur les stratégies de la CGT et de la CFDT, accusées d’avoir pactisé avec Xavier Bertrand pour signer la loi sur la représentativité en 2008. Les recalés potentiels au niveau du terrain éviteront de se rendre sous les fourches caudines des deux grandes centrales. Par ailleurs, la crise qui a touché la gestion des œuvres sociales dans lesquelles CGT et SUD sont encore un peu engluées pourrait lui profiter. Enfin, la lassitude des salariés de FT qui tolèrent de moins en moins les actions médiatiques. Néanmoins, ce syndicat pour être au dessus des 10 %, doit attirer les nouveaux cadres. Or, les cadres du privé votent encore peu pour FO, à seulement 5 %. Le syndicat devrait donc se situer juste au-dessus de l’axe pivot des 10 %. Pour FO, un nouveau revers (après ceux déjà enregistrés dans plusieurs grandes entreprises) serait inquiétant sur le plan national à la veille de 2012.  

La CFDT

Autre inconnue, portée par le rajeunissement du corps électoral et une meilleure image chez les cadres, la CFDT ravira-t-elle la première place à la CGT ? Les écarts entre les deux syndicats tendent à se restreindre au cours des deux dernières élections. Peu les sépare désormais.

La CFDT, qui pourrait être la première centrale chez FT, pourrait cependant perdre la primauté dans le collège de l’encadrement. La CFDT sera-t-elle dépassée dans le collège cadre par la CFE CGC ? C’est là encore l'un des enjeux de cette élection. Lors de la dernière élection pour le CA d’administration, seuls quelques 450 votants séparaient les deux centrales au profit de la CFDT.

Si elle n’a pas participé à l’observatoire du stress, qui semble désormais moins actif en interne à FT qui en a autorisé l’usage, la CFDT semble ne pas en avoir trop souffert. Elle a su se remobiliser fortement dans la mission nationale pour l'amélioration des conditions de travail, sous-tendue par la mission d'audit confiée au cabinet Technologia. Pour rappel, 80 % des salariés ont répondu au questionnaire du cabinet et près de 1 000 salariés ont été interrogés.

Elle a su demeurer un acteur décisif dans les négociations des accords dont elle demande expressément aujourd’hui à Stéphane Richard qu’ils soient appliqués et ne restent pas lettre morte. Refusant de faire de l’habillage, ses leaders moins connus (J. Dubois et F. Terseur) s’impliquent dans de multiples réunions de terrain.

La CGT

La CGT fait confiance aux places dans les instances. Elle dépense une grande énergie pour s’affirmer aussi en tant que leader pour démontrer ainsi sa suprématie en désertant, sans doute un peu le terrain. La CGT reste très présente au CCUES et au comité de groupe.

Comme SUD, la CGT pourrait aussi payer une gestion des œuvres sociales qui ont fait l’objet de plusieurs dysfonctionnements. Enfin, la CGT n’a pas suffisamment anticipé sur les crises suicidaires, donnant parfois même l’impression qu’elle soutenait au sommet l’ancien président Lombard.

La CGT a subi l’observatoire du stress lancé par SUD et la CGC, Unsa étant mal à l’aise pour s’inscrire dans le débat national au cours de la crise. Cependant, elle a su s’adapter en exigeant en particulier l’application partout des propositions issues de l’étude nationale sur les conditions de travail.

La CGT qui a un ancrage très solide en régions devrait, si elle se mobilise, limiter le recul, voire profiter de la lassitude des salariés pour les envolées médiatiques et se maintenir comme la première organisation. Malmenée hier sur sa gauche par SUD, elle a su résister. Défiée aujourd’hui sur sa droite par la CFDT, elle devrait lutter pour se maintenir sur l’axe central sans lequel rien ne se fait à FT.

La CFE CGC


Quelle sera la progression de la CFE CGC qui, lors des dernières élections, a pour la première fois dépassé la CFDT au sein du collège cadre dans 7 CE sur 20. Si la CGC atteint les 15 % (elle était à 2,5 % en 2005) qu’elle espère, on pourrait avoir une inversion avec la CFDT dans le collège cadre.

La CFE CGC a su habilement gérer l’évolution de son positionnement de crise. À l’origine de la création de l’observatoire du stress et des mobilités forcées, Pierre Morville a su s’inspirer de l’observatoire du stress lancé par le Docteur Salengro au niveau national de la CFE CGC. Mais il a surtout compris le peu d’intérêt sociologique pour le baromètre social déployé au niveau national par la CFE CGC. Il a donc fait évoluer ce concept pour permettre de réunir des chercheurs, des universitaires et des experts au sein de cet observatoire. Cette plateforme en direction des sociologues (D. Linhart), psychologues et médecins psychiatres a ensuite été proposée aux autres syndicats. Repliés dans un syndicalisme conventionnel, tous ont refusé, sauf SUD qui a répondu.

Cette alliance détonante entre le syndicat des cadres et le syndicat « contestataire » a été l'une des grandes forces de cette initiative, en surprenant mais aussi en permettant de couvrir l’ensemble du spectre professionnel car les cadres et les agents de FT se sont retrouvés dans cette offre, étant eux-mêmes très affectés par les réorganisations engagées par le DG RH Olivier Barberot. 
   
La CFE CGC maîtrisant sa grande présence médiatique peut-elle poursuivre sa progression ? C’est probable en raison d’une part de l’activisme déployée par ses dirigeants. Ces derniers ont su appuyer le départ de l’ancien président et ont su appuyer l’arrivée de Stephane Richard. 

Aujourd’hui, ils se repositionnent comme un vrai syndicat de l’encadrement avec une position de soutien critique, tout en poursuivant le financement de l’observatoire du stress avec SUD.

Il demeure enfin une dernière inconnue. L’échec de la recomposition syndicale au niveau national entre l’Unsa et la CFE CGC, alliance qui demeure à FT comme un phénomène largement atypique, brouille les pistes pour les cadres du syndicalisme. La force va à la force. Le fait que la CFE CGC soit elle-même menacée au niveau national par la loi sur la représentativité peut dissuader bon nombre de cadres syndicaux de la CFTC de la rejoindre et peut générer en son sein des doutes qui épargnent la CFDT. Le cantonnement dans le troisième collège peut aussi être, à terme, un piège pour le syndicalisme de l’encadrement. Néanmoins, le rajeunissement des cadres, l’ouverture au privé, le fort niveau de recrutement et de départ à la retraite, et enfin le changement de pied stratégique peuvent lui profiter à moyen terme.

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Les 1ères élections IRP chez FT datent de janvier 2005, pas de 2006. Le "CCUS" s'appelle bien le CCUES. Et, non "la CGT ravira-t-elle la première place à la CGT ?", car le contexte de votre article parle plutôt de la CFDT ...

Peut ont vraiment comparer les élections CA de fin 2009 avec les élections CE/DP de début 2009 ? Lorsque l'on voit le taux de participation des 1ères (60 %) et des secondes (74 %), nous pouvons en douter ...

D'accord avec Paul : le terrain, le contact avec les salariés seront essentiels, plus que sans doute que la "communication" vers eux.