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31 / 10 / 2025 | 39 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Technologia

Quelles relations entre les représentants du personnel et l'inspection du travail ?

Plus les élus montrent qu'ils ont déjà actionné toutes leurs prérogatives, plus l'inspecteur du travail va être enclin à prendre en compte leur demande d'intervention. Le tri est sévère au regard des moyens humains réduits. Retour sur le direct du 21 octobre organisé par Miroir Social en partenariat avec le groupe Technologia.
 


Ça commence par là mais les représentants du personnel ne sont pas nécessairement à l'aise pour simplement se présenter à l'inspection du travail sans rien demander. "Il ne faut pas attendre le danger grave et imminent pour le faire. Cette prise de contact est d'autant plus importante que la méconnaissance du rôle et des modalités d'intervention des inspecteurs entretient une part de peur. Celle par exemple de voir la direction considérer qu'une alerte adressée à l'inspection du travail par un représentant du personnel constitue une déclaration de guerre", rappelle Valentine Brégier, la directrice juridique et RH du groupe Technologia. 


A la peur s'ajoute l'incapacité des 1500 inspecteurs du travail réellement en poste sur le terrain à répondre aux demandes potentielles de 22 millions de salariés et de leur représentant du secteur privé. D'autant qu'ils doivent porter la même attention aux employeurs.Des inspecteurs du travail par ailleurs trop souvent sollicités sur des demandes génériques de premier niveau censées être traitées par les services d'accueil téléphonique sur le droit du travail du ministère du travail, dont les effectifs sont trop réduits et en déficit de formation.


De fait, 43 % des 150 représentants du personnel participant au direct du 21 octobre ont pris contact avec l'inspection du travail sur les 12 derniers mois. 29 % ont eu un retour. 


Mieux vaut donc être en capacité de justifier une demande d'intervention en caractérisant au mieux le signalement et en montrant que les prérogatives de la représentation du personnel ont été activées. Il faut fournir les éléments qui vont amener un agent d'une DREETS à répondre à un représentant du personnel lui demandant de participer à une réunion du CSE, de constater une infraction ou sollicitant de l'aide sur une enquête.

 

Pas facile pour les inspecteurs du travail de dégager du temps. Richard Letourneur, délégué syndical CGT chez Socotec fait partie de ces militants qui ne manquent pas d'activer toute la palette de leurs prérogatives, notamment en matière de santé au travail sur la base des neufs principes généraux de prévention. C'est ainsi qu'il a déclenché des droits d'alertes et des enquêtes internes pour danger grave et imminent sur 3 sites sur le sujet de l'amiante. "La même demande, instruite de la même façon, adressée à trois agents de l'inspection a reçu deux retours sous la forme d'un courrier adressé à la direction. Un an après ma demande, je n'ai toujours pas de réponse du troisième inspecteur du travail", illustre Richard Letourneur qui précise se présenter systématiquement à eux en amont et les informer de la planification des visites de site.

Capteurs sociaux

"Il est essentiel d'être à l'écoute des représentants du personnel qui sont des capteurs. Beaucoup ne contactent pas les services d'inspection alors qu'il devraient le faire. A l'inverse, il m'est arrivé de devoir clarifier les choses avec les élus qui avaient tendance à me sursolliciter. C'est contre productif", explique Dominique Vandroz, ex inspecteur du travail et directeur du travail honoraire depuis un peu plus d'un an qui note une baisse de la participation des agents aux réunions des CSE car la santé au travail se trouve diluée dans l'ordre du jour. Cela était beaucoup plus facile de s'organiser du temps des CHSCT.
 

"Il faut identifier les réunions clés auxquelles participer, notamment celles où vont être restitués les rapports d'expertise. Notre présence vise à inciter les employeurs à agir", souligne Jean-Louis Oswath, ancien inspecteur du travail qui participait à 2 ou 3 réunions de CHSCT par mois. Des rapports d'expertises qui ne manquent pas de mettre en perspective les actions de l'inspection du travail. "Nous sollicitons régulièrement les inspecteurs du travail pour alimenter nos rapports mais leurs retours ne sont pas systématiques", précise Valentine Brégier.
 

Quand des PV sont dressés, l'inspection du travail peut aussi parfois regretter un manque de soutien des syndicats. "Aucun syndicat ne s'est porté partie civile dans le cadre d'un cas de discrimination sur un congé maternité alors que j'avais pourtant dressé un PV pour appuyer une action judiciaire", se souvient Jean-Louis Oswath qui ajoute : "les inspecteurs du travail ne peuvent pas agir à la place des élus. Nous ne sommes pas des zorros".
 

Il y a des cas où l'interrelation entre les représentants des salariés et les agents du ministère du travail s'impose. Notamment dans le cadre des procédures de licenciements des salariés protégés. Dans le cadre des PSE également. Dans ce cas, ce sont avec les agents des pôles emploi des directions territoriales du travail que se tissent les liens. Et Dominique Vandroz de conclure, "les élus apportent des informations essentielles qui permettent à l'administration de nourrir un débat contradictoire".