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Intelligence artificielle générative : amie ou ennemie des représentants du personnel ?
Un moteur de recherche répond d'ores et déjà immédiatement aux principales questions que se posent les salariés sur leur droit au travail. Une intelligence artificielle générative comme ChatGPT y met désormais la forme. Risques ou opportunités pour les représentants du personnel ? Retrouvez la synthèse des échanges du direct organisé par Miroir Social le 6 juillet en partenariat avec Technologia.
"Le salarié qui interroge une IA sur ses droits au travail veut obtenir une réponse immédiate qu'il croit à priori bonne. Même si elle se révèle actuellement parfois erronée, cette attente d'une réponse instantanée doit être intégrée par les représentants du personnel. Ils doivent se l’approprier afin de proposer un cadre de confiance pour personnaliser les réponses comme aucune IA ne pourra le faire", lance Marc Chenais, le directeur Général de Technologia qui propose aux CSE, en partenariat avec UpCoop, une solution d'interaction baptisée MaViePro où les salariés accèdent à une barre de recherche puisant dans une foire aux questions balayant leurs principaux accords d'entreprise avant de leur proposer des mises en relation avec les élus de leur choix pour répondre en fonction de situations particulières.
Entraînement croisé
C'est avec la même logique que la CGT de Microsoft a développé au printemps 2023 un chatbot uniquement dédié à la RCC qui venait d’être lancé. 80 % des usages se sont fait immédiatement après l'annonce de la RCC et 30 % des salariés concernés ont utilisé au l'outil pour obtenir des réponses aux questions les plus générales. "Cela a été un gain de temps mais ce n'est pas de l'intelligence artificielle car nous avons structuré l'arborescence des réponses possibles. Sur un seul accord, le champ d'exploration est trop limité pour qu'une IA générative soit efficace. Il y a en revanche un potentiel très intéressant à exploiter sur la base publique Légifrance de tous les accords d'entreprise", explique Matthieu Trubert, délégué syndical CGT chez Microsoft et co-animateur du collectif numérique de l'UGICT CGT. Les réponses seront pertinentes dans la grande majorité des cas. "Nous entraînons actuellement une IA qui croise les accords d'une entreprise, sa convention collective de rattachement et le droit du travail. Nous donnons un cadre d'apprentissage à la machine", illustre Marc Chenais.
Former aux usages
Dans un cadre trop large, les IA peuvent en effet aussi induire en erreur dès lors que les situations sont trop spécifiques. "Une IA n'est pas capable de faire la différence entre les salariés de droit privé et les fonctionnaires, or les cadres qui s'appliquent sont spécifiques. Il faudrait passer par une longue réécriture des accords pour qu'elle puisse saisir la nuance", souligne Sébastien Crozier, le président de la CFE-CGC Orange où 25 % de l'effectif en France est encore fonctionnaire. Et celui-ci d'insister sur le besoin de formation des adhérents et en premier des militants : "Formuler des questions s'apprend mais il faut surtout apprendre à détecter les incohérences dans les réponses que la machine va fournir pour ne pas creuser une fracture numérique". Le besoin de formation ne s'arrête pas là.
Réinvestir le temps gagné
Pour Franca Salis-Madinier, secrétaire nationale CFDT Cadres et auteure d'un ouvrage en forme de "Guide de l'intelligence artificielle au travail" en janvier 2022 (axé sur les droits des salariés face aux algorithmes), "l'IA permet de gagner du temps pour produire les comptes rendu des réunions ou encore pour traiter les résultats des sondages. Tout ce qui est susceptible de permettre de gagner du temps doit être réinvesti par les syndicats dans la multiplication des points de contact physiques avec les salariés. C'est d'autant plus essentiel à un moment où le nombre de salariés isolés grandit et que les contacts humains sont très fragilisés. L'IA apporte certes un premier niveau de réponse aux salariés mais seuls les représentants des salariés sont en capacité de contextualiser les réponses en fonction des situations".
Et Eric Peres, le secrétaire général de FO Cadres de rebondir : "L'IA va redonner du pouvoir d'agir aux syndicats mais cela doit aller de pair avec une transparence sur les modalités de traitement des données. Cela commence par dire que la production de telle ou telle ressource est issue d'une IA. La finalité du recours à l'IA doit être discutée." Cela vaut bien entendu autant pour les directions que pour les syndicats.