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Employeurs : les irrégularités liées au règlement intérieur peuvent vous coûter cher
Rappels sur le champ d'application du règlement intérieur
Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement (C. trav. art. L. 1321-1) :
1° Les mesures d'application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l'entreprise ;
2° Les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l'employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu'elles apparaîtraient compromises ;
3° Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur.
Sur ce troisième point lié à la discipline, précisons que le règlement intérieur doit obligatoirement rappeler les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés définis aux articles L. 1332-1 à L. 1332-3 ou par la convention collective applicable (C. trav. art. L. 1321-2).
L'établissement d'un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins 20 salariés (C. trav. art. L. 1311-2).
Il implique le respect de formalités très strictes, afin de pouvoir être légalement mis en œuvre par l’employeur.
Formalités d’entrée en vigueur du règlement intérieur
Le règlement intérieur ne peut être introduit dans l’entreprise que si les formalités suivantes ont été observées (C. trav. art. L. 1321-4) :
- Il doit avoir été soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l’avis du CHSCT.
- Il doit indiquer la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité, à savoir :
- Être porté, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l'embauche. (C. trav. art. R. 1321-1) ;
- Être déposé au greffe du conseil de prud’hommes du ressort de l’entreprise ou de l’établissement (C. trav. art. R. 1321-2).
Parallèlement à ces mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, le cas échéant, du CHSCT, doit être communiqué à l’inspecteur du travail en double exemplaire (C. trav. art. R. 1321-4).
L’avis des représentants du personnel est constitué par le procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise (et du CHSCT) ou par un document écrit donnant le compte rendu de la réunion des délégués du personnel (Circ. DRT n°5-83 du 15 mars 1983).
NB. Conformément aux solutions retenues par la jurisprudence et le Code du travail (dans d’autres matières que le règlement intérieur), la consultation du CHSCT doit être antérieure à celle du CE et ce dernier doit être en possession de l’avis du CHSCT.
Les dispositions susvisées s’appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur (C. trav. art. L. 1321-4, al. 4).
Conséquences des irrégularités liées au règlement intérieur
a. L’absence de règlement intérieur
Depuis un arrêt du 26 janvier 2010, la Cour de cassation considère que, dans les entreprises de 20 salariés et plus, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par le règlement intérieur (Cass. soc. 26 octobre 2010, n° 09-42.740).
La Cour de cassation fonde sa position sur les dispositions du Code du travail selon lesquelles le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur.
L’arrêt du 23 mars 2017 constitue une nouvelle illustration de cette jurisprudence : « une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l’article L. 1311-2 du code du travail. »
Ainsi, dans les entreprises ne respectant pas leur obligation de mise en place d’un règlement intérieur, sont nulles les sanctions telles que le blâme, l’avertissement, la rétrogradation et la mise à pied disciplinaire.
Les conséquences peuvent être lourdes pour l’employeur, qui s’expose à la remise en cause de ces sanctions, y compris en référé, ainsi qu’à la réparation du préjudice subi par le salarié.
b. Le non-respect des règles d’entrée en vigueur du règlement intérieur
Certaines entreprises employant habituellement 20 salariés sont dotées d’un règlement intérieur mais n’ont pas consulté les représentants du personnel avant sa mise en œuvre.
Cette situation survient lorsque l’entreprise n’a pas procédé à l’élection des représentants du personnel (et ne dispose pas d’un procès-verbal de carence valable) ou a omis de consulter ces derniers.
Par ailleurs, les entreprises ne respectent pas toujours tout ou partie des règles d’entrée en vigueur du règlement intérieur (communication à l’inspecteur du travail, dépôt au Conseil de prud’hommes, etc.).
Pour la Cour de cassation, le règlement intérieur ne peut produire effet que si l'employeur a accompli les formalités prévues par l'article L. 1321-4 du Code du travail (Cass. soc. 9 mai 2012, n° 11-13.687).
Ainsi, l’employeur ne peut reprocher au salarié un manquement aux obligations édictées par ce règlement s'il ne justifie pas avoir préalablement consulté les représentants du personnel et communiqué le règlement à l'inspecteur du travail.
En conclusion, soulignons que le licenciement est une mesure expressément prévue par le Code du travail (C. trav. art. L 1231-1 et s.). Ainsi, l'absence de règlement intérieur ou de consultation des représentants du personnel ne fait pas obstacle au droit de l’employeur de procéder au licenciement du salarié.