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Échec et MAP !
Nous évoquions déjà début janvier la « MAP : de la RGPP à la RGPP++ » et nous avions détaillé et analysé en annexe les annonces faites par le Premier Ministre lors de la première réunion du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) du 18 décembre 2012.
Cela s’est traduit par 50 décisions [1] comprenant une centaine de mesures concrètes.
RGPP++
Si la MAP remplace la RGPP [2], il s’agit surtout d’un changement sémantique. La démarche de suppression des postes, des services et des missions publiques se poursuit selon un rythme accéléré et une méthode [3] qui s’apparente à celle de la RGPP.
Même le timing est similaire : les premières mesures RGPP ont été décidées en décembre 2007 puis avril 2008, celles de la MAP annoncées en décembre 2012 et avril 2013.
Comme la RGPP, le but affiché de la MAP est « d'améliorer les services publics » mais surtout de « permettre de dégager de nouvelles économies budgétaires » pour tenir les engagements gouvernementaux de réduction des dépenses publiques.
La MAP est aussi associée par le gouvernement à un souci de « compétitivité » : elle fait partie intégrante du « pacte de compétitivité » décidé par le gouvernement le 7 novembre 2012.
Il faut également noter que la MAP a pour objet de « moderniser » les 3 versants de la fonction publique (État, territoriale et hospitalière) alors que la RGPP s’était principalement concentrée sur la fonction publique de l’État.
La MAP élargit le processus RGPP à toute la fonction publique. À nouveau, il ne s’agit pas d’améliorer l’intervention publique et les moyens des services publics mais sous couvert d’une « modernisation » de l’action publique de justifier des économies budgétaires, principalement sur le budget de l’État.
Notre organisation a dénoncé un nouveau processus [4] qui conserve les objectifs de réduction de l’intervention publique. Avec désormais 80 décisions, la MAP se concrétise déjà par des mesures de suppressions de structures et de missions pour accompagner des décisions budgétaires d’austérité.
1 000 mesures
Sur les 561 mesures de la RGPP, environ 300 n’étaient pas terminées en mai 2012 (en cours, ou pas engagées).
Le Président de la République, le Premier Ministre et le gouvernement ont indiqué durant l’été 2012 qu’ils mettaient fin à la RGPP. Or, le CIMAP du 18 décembre 2012 a officialisé que les 300 mesures RGPP non abouties se poursuivent ou s’engagent pour aller à leur terme.
À cela s’ajoutent donc les 80 décisions MAP : 50 en décembre et 30 lors du CIMAP du 2 avril 2013, qui se traduisent en 200 mesures concrètes.
D’autres CIMAP sont d’ores et déjà annoncés par le gouvernement, trois autres d’ici la fin de l’année 2013. Ainsi, la liste des mesures de la MAP va encore s’allonger. Comme les mesures RGPP, ces 80 décisions n’ont jamais été concertées.
Viennent se rajouter de nouvelles réformes structurelles (fusions, mutualisations, suppressions etc) qui seront instaurées par chaque ministre, au second trimestre 2013, dans un « programme ministériel de modernisation et de simplification » (PMMS), couvrant la période 2013-2015 de façon à rentrer dans le cadre de réduction budgétaire imposé par la loi de programmation des finances publiques [5]. Ces PMMS sont en cours de finalisation dans les ministères.
À l’examen des premiers PMMS, on peut constater que la quantité des réformes structurelles est importante. C’est plus de 200 mesures ministérielles triennales qui vont être prises d’ici fin 2013.
Au final, les services publics vont être affectés par plus de 1 000 mesures concrètes, souvent génératrices de réductions de moyens, d’effectifs, de structures et de missions, du fait de la RGPP, de la MAP et des PMMS. Le tout sur une période très courte, à savoir 2008-2015.
CIMAP du 2 avril 2013
Les 30 décisions du CIMAP du 2 avril 2013 sont reprises en annexe, avec une première analyse de notre confédération.
Comme la RGPP, de nombreuses mesures MAP vont affecter l’usager directement, ou indirectement et parfois le salarié de façon spécifique.
Bien entendu, les fonctionnaires et les agents publics sont les premiers concernés par ces réformes structurelles, notamment avec des réductions de moyens de fonctionnement, des suppressions de poste et des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles imposées.
Beaucoup de « simplifications pour les entreprises » sont prévues : procédures simplifiées, dématérialisations (justifiant ainsi au passage des suppressions de postes publics et de services publics territoriaux), dérèglementations nouvelles et suppressions de normes.
À l’occasion des 50 décisions du CIMAP du 18 décembre 2012, le gouvernement demandait [6] à l’ensemble des ministères d’identifier « à partir des attentes prioritaires des entreprises », les chantiers qui permettront de « faire baisser significativement la complexité perçue et vécue dans leurs champs de compétence ».
Quant aux attentes et besoins des salariés et des fonctionnaires, ils ne sont pas à intégrer par chaque ministère.
En revanche, la décision 28 du CIMAP du 2 avril 2013 propose d’interroger les agents publics pour que ceux-ci proposent « des mesures de simplifications ».
Décidément, avec les PMMS, l’automutilation est un des fondements de la MAP… D’une manière générale, la simplification peut être souhaitable et utile, mais elle suppose au préalable un débat sur les missions et les contrôles afin de garantir le service public républicain.
- Dans le cas contraire, la simplification devient le prétexte aux économies budgétaires dictées par une politique d’austérité.
C’est pourquoi FO a rappelé au gouvernement sa revendication, formulée en 2007 avant la RGPP et à nouveau en 2012 avant la MAP, qu’un débat global soit mené afin de répondre aux questions : « Quels besoins publics ? Quelles missions et politiques publiques pour y répondre ? Quelle organisation, quels moyens et quels services publics, dans le respect des 3 versants de la fonction publique de la République, pour leurs mises en œuvre ? ».
REATE 2
Parmi les 30 nouvelles décisions, la n° 12 arrête la création d’une mission (confiée à un préfet et à un ingénieur général) sur une nouvelle réforme de l’administration territoriale de l’État (REATE).
La première REATE date de 2010 dans le cadre de la RGPP [7]. Elle a notamment conduit à supprimer les directions départementales ministérielles pour créer dans chaque département 2 ou 3 DDI [8] : directions départementales interministérielles, au coup de fusions et de suppressions de services, d’effectifs et de missions. Ici, la REATE 2 doit poursuivre cette désertification départementale de l’État [9] selon une orientation déjà connue, car intégrée à l’origine de la réflexion en 2010 :
- les DDI sont menacées de suppression (1/3 des effectifs supprimés, 1/3 régionalisés par « remontée » de missions dans les directions régionales, le 1/3 restant intégrant la préfecture de département, devenant « sous-préfecture de région ») ;
- une réflexion sur une préfectorisation des directions départementales des finances publiques ;
- en lien avec les textes de l’acte III de décentralisation, de nombreuses missions techniques et opérationnelles de l’État seraient transférées aux collectivités sans se soucier de la capacité de celles-ci à pouvoir les exercer (c’est en particulier le cas en matière d’urbanisme, de logement et d’instructions sur le droit des sols) ;
- des sous-préfectures sont supprimées, jusqu’à 30 % (environ 80 sous-prefectures sont ainsi menacées) ;
- des nouvelles suppressions de gendarmeries et de commissariats (déjà plus de 25 supprimés depuis 2008 auxquels s’ajoutent 5 suppressions de commissariats officialisées le 11 avril) ;
- une logique de l’interministérialité en vigueur depuis 2010 au niveau des DDI remontée et appliquée au niveau des directions régionales de l’État : le préfet de région devenant de « responsable de tous les budgets opérationnels » et rompant, de ce fait, le lien entre ministères et directions régionales (après celui coupé entre ministères et niveau départemental en 2010).
Cette mission « REATE 2 », par le biais de laquelle le gouvernement refuse la concertation directe [10], pourrait renforcer la destruction de la présence départementale de l’État, de sa technicité et de sa capacité d’intervention et de conseils et instaurer de fait de véritables « zones de non-droit » [11].
Au final, le schéma « REATE 1 et 2 » pourrait conduire à une suppression effective des effectifs de l’État de l’ordre des deux tiers de ceux qui existaient en 2007 avant la RGPP.
On serait alors à l’opposé de la volonté exprimée en juin 2012 par la Ministre chargée de la Fonction publique de « sanctuariser les effectifs des DDI » et de l’engagement pris par le Premier Ministre en janvier 2013 de « renforcer le niveau territorial de l’État, et les DDI en particulier ».
Enfin, il faut noter que cette REATE 2 aura des conséquences sur chaque ministère : ceux-ci n’auront plus la main sur l’action territoriale de l’État et sur les services déconcentrés chargés de mettre en œuvre leurs politiques publiques.
La réduction des effectifs et les réformes structurelles des niveaux départemental et régional seront décidés par la REATE 2. Du coup, l’essentiel des « coupes » à réaliser par le PMMS de chaque ministère devra se faire sur l’administration centrale et les services spécialisés.
La remise en cause des normes nationales
Un pan entier du CIMAP reprend le rapport Lambert-Boulard sur l’inflation normative (une autre mission sans aucune concertation préalable à la décision…).
L’un des auteurs du rapport avait déjà produit un rapport en 2007 dans le cadre de la RGPP sur « Les relations entre l’État et les collectivités locales », qui avait en grande partie inspirée la réforme des collectivités locales de décembre 2010.
Rappelons que les normes ont pour vocation d'assurer l’égalité de droit et à préserver le cadre de vie et la sécurité des citoyens, des usagers, des salariés, des consommateurs.
« interprétation facilitatrice du droit existant ».
Il peut s’agir de normes en matière de droit du travail, des conditions d’accès aux bâtiments publics pour les handicapés, de la qualité de l’air dans la salles de classes, de la préservation d’espaces naturels, des conditions de constructions parasismiques des bâtiments dans les zones à risques etc.
Les décisions 16 à 25 du CIMAP concernent les normes, leur réduction et leur modulation. Dès le 2 avril, une instruction du Premier Ministre a été donnée aux préfets pour qu’ils aient une « interprétation facilitatrice du droit existant ». Les normes n’ont pas à être « interprétées ».
Il s’agit d’une porte ouverte à l’arbitraire et à l’inégalité dans l’application des politiques publiques. L’autre remise en cause du principe d’égalité est dans l’objectif de mettre en place un principe de « proportionnalité des normes ».
Ainsi, en fonction des collectivités locales ou en fonctions des entreprises les règles appliquées pourront être différentes. Avec le projet d’acte III de décentralisation, qui comporte un volet identique sur l’interprétation et l’applicabilité territoriale des normes, il s’agit de promouvoir une « République des territoires aux droits et normes différents », ce que FO condamne.
Sur la MAP, FO condamne une méthode, des objectifs et des principes RGPP qui demeurent et sont renforcés.
Pour le service public, cette « modernisation de l’action publique », c’est « échec et MAP ».
[1] Voir annexe de janvier 2013.
[2] RGPP : révision générale des politiques publiques.
[3] Il est édifiant de constater que le CIMAP reprend les mêmes codes et organisations que les comités de modernisations des politiques publiques de la RGPP : les mêmes prestataires privés ont d’ailleurs été maintenus.
[4] Cf communiqués confédéraux du 19 décembre 2012 et du 11 mars 2013, et communications FGF-FO du 19 décembre 2012 et du 8 avril 2013.
[5] Avant, le comité de la RGPP décidait seul de « quel bras couper » à un ministère. Désormais, le ministre a l’obligation de « s’amputer » lui-même selon un PMMS, mais tout en respectant les coupes imposées antérieurement par la RGPP, les 80 nouvelles décisions du CIMAP et les futures mesures des prochains.
[6] Décisions 12, 13 et 14 du CIMAP du 18 décembre 2012.
[7] Circulaire 220/2009 du 7 décembre 2009 « mise en place de la réorganisation territoriale de l’État ».
[8] Les DDI sont des services déconcentrés de l’État relevant du Premier Ministre, placés sous l’autorité du préfet de département. Dans chaque département (sauf Paris, les 3 départements « petite couronne » et les DOM), ont été créées les DDI suivantes au 1er janvier 2010 :1/ une direction départementale des territoires (DDT) ou, dans 21 départements du littoral, une direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) ; 2/ et a) soit, une direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) dans les départements au dessous de 400 000 habitants ; b) soit, dans les départements de plus de 400 000 habitants, une direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) et une direction départementale de la protection des populations (DDPP).
[9] Communiqués FO des 11 et 27 mars 2013.
[10] FORCE OUVRIERE a obtenu l’engagement du Ministère chargé de la Fonction publique que les propositions des rapporteurs de la « mission REATE 2 » ne fassent l’objet d’aucune décision de la part du gouvernement sans une concertation préalable sur les scénarii proposés.
[11] Voir également analyse FO sur l’acte 3 de décentralisation.