Intelligence artificielle en entreprise: Le dialogue social en action
Deuxième décision judiciaire en quelques mois : la justice confirme l’importance du rôle du CSE dans l’introduction de l’intelligence artificielle au travail.
Le 15 juillet 2025, le tribunal judiciaire de Créteil a ordonné à deux filiales du groupe Infopro Digital – le Groupe Moniteur et le Groupe Industrie Services Info (GISI) – de suspendre l’usage d’outils d’intelligence artificielle tant qu’un processus d’information-consultation des comités sociaux et économiques (CSE) n’aura pas été mené à terme.
Cette décision intervient quelques mois seulement après une première ordonnance sur un sujet similaire, confirmant que la question de la place de l’IA dans l’entreprise entre désormais dans le champ contentieux et qu’elle appelle une vigilance renforcée sur le terrain du dialogue social.
Une technologie qui transforme le travail journalistique
L’outil en question, intégré à l’intranet interne, permet notamment de transcrire des enregistrements audio et d’assister à l’écriture d’articles. Son déploiement, opéré sans consultation préalable des instances représentatives du personnel, a suscité la réaction des syndicats, inquiets de l’impact de ces technologies sur les conditions de travail, l’organisation des tâches et les métiers eux-mêmes.
La juge des référés rappelle d’ailleurs qu’il est « sérieusement incontestable que l’IA est une technologie nouvelle susceptible d’affecter les conditions de travail », justifiant ainsi le droit du CSE à être consulté.
Une suspension sous astreinte
Outre la suspension, le jugement impose une astreinte de 1 000 euros par jour en cas de non-respect, ainsi que 7 000 euros de dommages et intérêts versés aux CSE. La décision vaut pour les deux entités concernées.
Du côté des représentants du personnel, cette décision est perçue comme un précédent structurant : « Ce n’est pas l’outil que nous combattons, mais l’opacité dans laquelle il est déployé », résume un représentant syndical. (source : Le monde)
Vers une structuration du dialogue social sur l’IA
Cette affaire souligne à quel point l’introduction de l’IA au travail doit être pensée collectivement. Plusieurs syndicats plaident pour des accords collectifs ou la création de commissions spécialisées au sein des CSE, afin d’encadrer les usages, anticiper les transformations de l’emploi et garantir un accompagnement des salariés.
L’intelligence artificielle en entreprise ne peut se passer d’un dialogue social structuré. Cette décision judiciaire vient le rappeler avec force. Et elle n’est sans doute que la deuxième d’une longue série.
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Un rapport d'information plaide pour la formation et le dialogue
Un rapport parlementaire sur les effets de l’intelligence artificielle vient de pointer les lacunes françaises en matière de formation et de gouvernance. De quoi étayer plusieurs positions défendues par FO-Cadres.
Former, requalifier, anticiper
Les rapporteurs soulignent un paradoxe : alors que l’OCDE estime que l’IA génère chaque année plus de 80 000 postes (56 000 pour la conception des outils et 25 000 pour leur diffusion), seuls 24 % des cadres ont bénéficié d’une formation dans ce domaine. Pourtant, 72 % des salariés expriment le besoin d’acquérir ces compétences. Entre 2022 et 2024, à peine 1 110 demandeurs d’emploi ont été formés à l’IA par France Travail.
Six mesures dédiées à la formation sont donc envisagées, comme intégrer l’IA dans les conventions des Opco, sensibiliser les apprentis, mobiliser le CPF et la VAE ou créer un fonds de transition numérique conditionné à des actions de formation. Une attention particulière est accordée aux TPE-PME, jugées trop vulnérables sans soutien public. Ces recommandations corroborent le constat fait de longue date par FO-Cadres : la diffusion des technologies IA doit impérativement s’accompagner d’un effort massif d’acculturation et de montée en compétences.
Le plaidoyer FO-Cadres :urlr.me/ShRPgy
Inscrire l’IA dans le dialogue social
Au-delà de la formation, les parlementaires estiment que l’IA ne peut pas être réduite à une question technique. Ils recommandent d’inscrire son déploiement dans le cadre du dialogue social : consultation obligatoire des CSE dès la phase expérimentale, intégration de l’IA dans les négociations annuelles obligatoires, possibilité d’un accord national interprofessionnel.
Ce besoin d’un dialogue social renforcé rejoint également les positions de FO-Cadres, qui rappelle que les technologies « ne sont jamais neutres » et qu’elles doivent être discutées collectivement afin d’éviter qu’elles ne deviennent des instruments de surveillance ou de déqualification. La mise en débat syndical permet de garantir une IA au service des conditions de travail et de l’autonomie des salariés plutôt qu’une seule logique de productivité.
Converger vers une IA éthique et sociale
Les 68 propositions du rapport visent à faire de l’IA un levier de compétitivité et de souveraineté. Pour FO-Cadres, l’enjeu est également de garantir que ce développement respecte des principes éthiques : finalité, proportionnalité, loyauté, transparence et protection de la vie privée.
À travers ce rapport, la représentation nationale confirme que l’IA engage tout autant les choix technologiques que l’avenir du travail. Pour les cadres comme pour l’ensemble des salariés, il s’agit d’un sujet à la fois de formation et de droit collectif. Deux leviers indissociables pour construire un usage éthique et responsable de l’intelligence artificielle.
Le rapport : urlr.me/dYKPyA