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Loi anti-démembrement d’EDF 2024: Le Sénat adopte le projet en 2e lecture
Le 24 janvier, le Sénat a approuvé en seconde lecture le projet de loi de Philippe Brun. Pour rappel, au plus fort de la crise énergétique, ce député socialiste avait déposé, en décembre 2022, un texte invoquant la nationalisation d’EDF. Depuis, EDF a subi son OPAS (Offre Publique d'Achat Simplifiée). L’entreprise a ainsi été étatisée avec un actionnaire unique 100 % État en expropriant notamment ses actionnaires salariés.
Le bras de fer continue avec un nouveau passage à l’Assemblée nationale le 29 février prochain.
Le texte pourrait être définitivement adopté contre l’avis du gouvernement.
Le texte a été approuvé par les sénateurs au travers de ces 4 points :
- Qu’EDF détienne en totalité le capital de la société gestionnaire des réseaux publics de distribution. L’objectif est bien de sanctuariser Enedis au capital d’EDF et empêcher un Hercule bis.
- Permettre aux salariés et anciens salariés d’EDF de détenir du capital de l’entreprise. Il s’agit d’ouvrir au minimum 2 % du capital d’EDF à ses salariés et anciens salariés.
- Rétablir l’extension des TRVE aux TPE et petites communes. Les sénateurs demandent d’avancer le dispositif de déplafonnement de 36 KVa à août 2024 et non pas au 1er janvier 2026, comme le prévoit le projet de loi sur la « souveraineté énergétique».
- Remplacer les contraintes sur l’entreprise par une logique d’objectifs prévue dans la loi et déclinée dans une convention décennale. Cette partie du texte est en phase avec la nouvelle raison d’être du groupe souhaitée par les parlementaires en faisant d’EDF une société d’intérêt national.
Le Pôle Public de l’Énergie Décarbonée défendu par notre fédération trouve un écho plus que favorable à ce projet.
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Un premier round en demi-teinte…
Le 29 février, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une proposition de loi du député socialiste de l’Eure, Philippe BRUN.
Un projet de loi dont nous nous félicitions il y a plusieurs mois, mais qui depuis a fait l’objet d’un accord avec le gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat pour aboutir à un texte profondément remanié…
Que faut-il en retenir?
Une protection contre le projet Hercule Le texte voté stipule qu’EDF reste une SA d’intérêt national détenue à 100 % par l’état.
Nous prenons acte de l’engagement du gouvernement par cette loi. Nous estimons, en effet, qu’il est essentiel d’organiser la transition énergétique plutôt que de fragiliser EDF pour répondre avec dogmes à un marché de l’électricité européen incontrôlable. Une mesure en faveur des TPE et petites communes
Les Tarifs Règlementés de Vente d’Electricité pourraient être étendus à un million de TPE et 10000 petites communes.
Le gouvernement a revu sa position.
Il estimait, il y a un an, que cela aurait coûté 18 milliards d’euros à l’État. Cependant, avec la récente baisse des prix de l’énergie, cette extension ne représente désormais plus de coût pour l’État.
Une déception Concernant ENEDIS, le texte initial proposait une détention d’ENEDIS à 100 % par EDF.
Un des compromis demandés par le gouvernement a été de supprimer cet alinéa. Celui-ci pourrait désormais ouvrir le capital d’Enedis sans la retirer du groupe EDF. Ce sujet est renvoyé à la prochaine loi de souveraineté énergétique.
Ce schéma est bien loin du «Pôle public de l’Énergie décarbonée» porté par notre fédération .
Un camouflet
Pour les salariés qui portaient un espoir sur la possibilité de trouver du pouvoir d’achat à travers « l’actionnariat salarié», celui-ci devient une option et fait partie des compromis pour l’adoption de ce texte.
Notre fédération estime que ce projet de loi est un premier round d’un combat idéologique, mais le résultat ne permet pas de donner à la nation un outil au service de la transition et de la souveraineté énergétiques…
Quant au pouvoir d’achat des personnels d’EDF, pas d’augmentation générale, pas de participation, pas de retour sur investissements à la hauteur des efforts réalisés et des bénéfices enregistrés.
Ce projet de loi passera au Sénat le 3 avril pour, normalement, son adoption définitive.
Décryptage d’un texte de compromis avec l’exécutif
La loi anti-démantèlement d’EDF vient d’être votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 29 février après avoir été largement vidée de son sens initial.
Après une année entière de débats parlementaires, ce projet de loi, porté par le Parti Socialiste et le Parti Communiste, pourrait être considéré comme un échec retentissant pour le service public de l’énergie. Pourtant, il présente une portée culturelle audacieuse, s’opposant à un exécutif davantage orienté vers le libre-échange et intrinsèquement opposé au service public.
On peut voir dans ce vote davantage un combat idéologique qu’une réelle possibilité d’aboutissement. Il y a un an, l’objectif était ambitieux, redonnant espoir à de nombreux employés de l’entreprise. FO Énergie soutenait pleinement le texte initial, car il replaçait EDF dans son rôle de service public de l’énergie, véritablement nationalisé et surtout intégré.
Ce positionnement rejoignait la vision de FO sur la nécessité de créer un pôle public de l’énergie décarbonée.
Cette «petite loi » a finalement émergé en tant que résultat d’un compromis avec le gouvernement, étant donné que ce dernier a menacé de saisir le Conseil constitutionnel.
Le risque était de rendre caduque l’intégralité du texte issu de la deuxième lecture adoptée par le Sénat, incluant :
- La détention totale d’Enedis par EDF
- Le rétablissement de l’actionnariat salariés
- L’extension des Tarifs Réglementés de Vente d’Electricité (TRVE aux TPE et aux petites communes
- La mise en place d’une convention décennale entre EDF et l’État
Selon les dires du rapporteur du texte, le député Philippe BRUN : «Nous avons repoussé les limites de ce que l’opposition pouvait accomplir dans la Ve République. » Son objectif principal était surtout de forcer le gouvernement à débattre du capital d’EDF au sein du Parlement. Cependant, le chapitre n’est pas encore refermé.
Les promoteurs du projet de loi ont fait la promesse de faire avancer l’idée d’un «pôle public de l’énergie» lors des prochains débats sur la loi de souveraineté énergétique.
Dans ce contexte, la réforme à venir de la loi Nome, avec la fin de l’Arenh, s’annonce comme un défi de taille.
Avant son dernier passage au Sénat le 3 avril prochain, que reste-t-il du texte initial?
1. La mise en place du contrat décennal entre EDF et l’État
Ce contrat établit les objectifs de l’entreprise en matière de trajectoire financière, d’investissements, de décarbonation de la production d’électricité, de maîtrise des prix pour les ménages et les entreprises, ainsi que d’adaptation des capacités de production à l’évolution de la demande d’électricité. Un rapport annuel est soumis au Parlement. Bien que la privatisation d’EDF ne soit actuellement pas à l’ordre du jour selon le gouvernement, comment garantir sa pérennité à l’abri d’une future initiative similaire à Hercule? Pour l’instant, EDF reste une Société Anonyme d’Intérêt National, comme stipulé dans le texte de loi.
2. L’extension des TRVE aux TPE et petites communes À la suite d’un changement de contexte économique avec des prix en baisse, le gouvernement a revu sa position. Il estimait il y a un an que cela aurait coûté 18 milliards d’euros à l’État. Cependant, avec la récente baisse des prix de l’énergie, cette extension ne représente désormais plus de coût pour l’État.
Ainsi, dès février 2025, un million de TPE et 10000 communes pourront bénéficier des Tarifs Réglementés de Vente d’Électricité [TRVe]. Nos boulangers, artisans, agriculteurs et élus locaux apprécieront ce geste après avoir été initialement ignorés. Il est à noter que cette disposition était initialement prévue dans la loi de souveraineté énergétique, actuellement reportée à 2027 en raison de bouleversements dans le calendrier politique.
Concernant le reste, deux amendements du gouvernement ont été déposés et approuvés à l’unanimité à l’Assemblée nationale ce jeudi 29 février, dans le cadre du fameux compromis visant à faire adopter les dispositions sur les TRVE et le contrat décennal.
Ces amendements comprennent :
- La suppression de l’alinéa phare tant attendu par FO Énergie, prévoyant qu’Enedis soit à 100 % détenue par EDF. Si pour le gouvernement cela semble évident que ce soit déjà le cas, pour FO cette certitude n’existe pas. La méfiance persiste, rappelant les promesses politiques antérieures, notamment sous SARKOZY, qui assurait que la privatisation d’EDF ne se concrétiserait jamais. L’inscription de cette mesure dans la loi visait à sécuriser un pan entier du service public de l’énergie.
Cependant, il s’agissait d’une ligne rouge pour le gouvernement, qui pourrait désormais ouvrir le capital d’Enedis sans la retirer du groupe EDF. Ainsi, le destin d’Enedis pourrait éventuellement suivre celui de RTE à l’époque, avec une détention de 50 % par l’État et 50 % par d’autres entreprises ou organismes publics.
Ce sujet est renvoyé à la prochaine loi de souveraineté énergétique.
- Rendre facultative l’ouverture du capital aux salariés
Désormais, l’ouverture du capital aux salariés devient facultative. Seuls les anciens salariés entretenant un lien avec l’entreprise et ceux adhérant au plan d’épargne groupe à la date de l’opération pourront potentiellement en rebénéficier.
Le plafond de détention du capital d’EDF par les salariés sera déterminé par décret et ne figurera plus dans la loi. La question du partage de la valeur reste ouverte, mais pourrait s’articuler autour des leviers de la participation et de l’intéressement, conformément aux dispositions de la loi PACTE.
Le 4 avril prochain, le Sénat sera chargé de légiférer sur cette question.
*Originalement, il était prévu d’augmenter à 2 % du capital de l’entreprise l’actionnariat salarié au prix «préférentiel » de 12 € [en référence au prix de 2023 lors de l’OPAS]. Cependant, cette partie du texte a été remodelée et reportée.
Ainsi, cet alinéa offre désormais la «possibilité» de réinstaurer un actionnariat salarié, mais dans des conditions qui nécessiteront une révision.
Pour l’instant, cela demeure «optionnel » et non obligatoire comme initialement prévu.
Pourquoi remettre l’actionnariat à plus tard?
Le report de la réintroduction de l’actionnariat salarié dans le contexte actuel s’explique principalement par la phase de consolidation financière que traverse le groupe. Il ne témoigne pas nécessairement d’une hostilité envers le retour des actionnaires salariés, mais plutôt d’une nécessité de repousser cette question en raison des enjeux plus vastes et liés à l’avenir des barrages hydrauliques.
Les discussions avec la Commission européenne, dans le cadre des négociations sur les barrages hydroélectriques français, ont complexifié ce sujet.
En effet, ces échanges ont introduit une perturbation, le risque étant que la privatisation des barrages électriques soit imposée. La règle stipule que pour que les barrages restent à 100 % sous le contrôle d’EDF, l’entreprise doit demeurer 100 % publique [conformément au droit des quasi-régies]. Actuellement, EDF et l’État négocient avec Bruxelles la possibilité de mettre en œuvre le « régime d’autorisation», qui permettrait le rachat des barrages hydrauliques à leurs exploitants actuels.
Ainsi, la question de l’actionnariat salarié est momentanément mise de côté dans ce contexte plus large et complexe.