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09 / 09 / 2009 | 12 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Menaces de blocage des ports de commerce pour débloquer une grève de la faim

Depuis le 13 août dernier, Alain Bourgeois, délégué syndical CFDT de la Société Nouvelle de Remorquage du Havre (SNRH) mène une grève de la faim pour dénoncer les modalités de l'organisation du travail dans cette société de remorquage qui semble vouloir jouer à fond à la carte de la flexibilité. "Je ne demande que l'application de la loi", lance Alain Bourgeois qui a fait l'objet de trois mises à pied sans salaire et d'une proposition de transaction à 50 000 €.

C'est en 2005 que la SNRH voit le jour et s'implante dans le port du Havre avec le soutien de Kotug, sa maison-mère néerlandaise. À noter que les initiateurs de la SNRH sont d'anciens responsables et actionnaire des Abeilles Le Havre, opérateurs qui avait jusqu'alors le monopole du remorquage au le port du Havre. En 1991, le groupe Bourbon rachète Abeilles Le Havre pour finalement céder l'ensemble de son activité de remorquage portuaire au groupe espagnol Bodula.

Le contentieux s'articule principalement sur le temps de travail et les congés payés. SNRH optimise ses effectifs : 54 marins sur 6 remorqueurs tandis que Bodula emploie 120 marins sur 7 remorqueurs. Dès 2006, SNRH qui n'utilisait alors que 4 remorqueurs s'était engagé à passer de 54 à 64 marins. Chez SNRH, l'organisation du temps de travail type est la suivante : 7 jours de travail suivis de 7 jours de repos. Un système qui permet d'assurer un service permanent à deux par poste. Chez Bodula, c'est le 24 / 48 qui s'applique : 24 heures de services suivies de 48 heures de repos/congés.

  • Pour soutenir le mouvement symbolisé par Alain Bournois, une intersyndicale s'est formée avec la CGT, la CFDT et la CFE-CGC. Une union locale syndicale a même été créée à la faveur du ralliement de la fédération des travailleurs portuaires qui voit les risques d'une ouverture à la concurrence.


L'intersyndicale des marins a été reçue le lundi 7 par Jean-François Carenco, directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo, le Ministre de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer. La menace d'un blocage des ports est avancée.

Jean-François Carenco connait bien le dossier de l'ouverture à la concurrence du remorquage sur le port du Havre puisqu'il était préfet de la région Haute-Normandie en 2005, au moment de l'arrivée sur le marché de Kotug au travers de la SNRH. Kotug qui lorgne aujourd'hui du côté du port de Marseille.

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SYNTHESE DU DOSSIER REMORQUAGE

 

 

 

Cette synthèse s’impose aujourd’hui. Dans un but de clarification pour la profession entière et dans l’intérêt général de toute les professions, portuaires ou non. Cette synthése s’adresse aux médias et aux salariés de la profession.

 

Que se passe t il dans le remorquage ?

 

Avant l’arrivée d’un 2ème opérateur dans le port du Havre, les entreprises jouissaient d’un monopole naturel ou de fait. Qu’est qu’un monopole de fait ? Il s'agit en général d'activités dont les coûts d'investissement (coûts fixes) sont si élevés qu'il ne serait pas viable de les multiplier pour permettre l'introduction de la concurrence. Un exemple évident : le tunnel sous la Manche, en l’espèce le remorquage.

 

Pour des raisons économiques, le Port a décidé de confier à cet opérateur en plus de sa mission commerciale, une mission de service public à savoir la sécurité dans le port. Pratiquement en dehors de son service commerciale, l’opérateur doit pouvoir justifier auprès du port qu’il arme en permanence 8 remorqueurs prêt à intervenir dit en veille permanente, si un navire casse ses amarres, prend feu ..

 

De manière plus générale, l’opérateur devait démontrer en fait qu’il avait suffisamment de remorqueurs pour assurer

 

1)      la fluidité du trafic portuaire

2)      la sécurité des infrastructures portuaires

3)      a titre annexe la sécurité du littoral.

 

(Ces trois points ont fait d’ailleurs l’objet d’une recommandation adressée par l’OMI aux gouvernements)

 

Un seul opérateur assurait donc pour des raisons économiques naturelles un service commercial de remorquage à tous les « usagers » du port. Le port s’affranchissait ainsi d’avoir ses propres remorqueurs en veille permanente pour assurer la sécurité du port, mais néanmoins permettait aux opérateurs de répercuter le surcoût de cette veille dans la tarification, encadré par une « Commission de remorquage portuaire », ces tarifs étaient soumis au préfet.

 

Contre toute attente et toute logique économique le 1er  janvier 2006, et après 10 ans de bataille juridique et surtout à la faveur de la présomption d’un vote favorable sur la deuxième proposition de directive Européenne sur la libéralisation des services portuaires (1), un 2ème opérateur s’installe au Havre.

 

 

(1) Cette proposition prévoyait la libéralisation totale des services techniques portuaires –lamanage, pilotage, remorquage- et des services de manutention. Fait unique dans l’histoire de l’Europe elle sera rejeté une deuxième fois le 6 janvier 2006  par le parlement.

 

Quels ont été les Effets Immédiats de l’arrivée de ce nouvel opérateur sur le trafic portuaire et sur les tarifs ?

 

Sur la fluidité du trafic :

 

Le nouvel opérateur est arrivé avec 5 remorqueurs dont une coque dite de réserve. Si un remorqueur est indisponible, il peut toujours répondre à son obligation de 4 coques en veille permanente et donc à ses obligations sécuritaire.

 

Pour l’activité commerciale, les choses sont tout à fait différentes. Le nouvel opérateur a passé des contrats avec ses propres clients, et immédiatement la notion d’usagers disparaît donc. L’inconvénient est supporté par le port, en effet ce changement fondamental s’accompagne d’une rupture de la fluidité du trafic et ce  alors que le nombre de remorqueurs dans le port est plus important. Explication : lorsque les remorqueurs du 2ème opérateur sont tous occupés, un de ses clients peut se présenter et ne pas être servi, alors que des remorqueurs de l’opérateur historique sont à quai. Il devra donc attendre.

 

Sur les tarifs :

 

Si le tarif officiel existe toujours, l’arrivée du deuxième opérateur a immédiatement créé une guerre commerciale et donc les tarifs ont enregistré une baisse quasi immédiate de 25 à 30%.

Ce qui peut paraître énorme mais qui doit être relativisé. Les coûts fixes d’escale d’un porte container au Havre se décompose ainsi : 50% frais de port-25%-remorquage-25% pilotage lamanage. (2) et représentent 30% des coûts d’escale. Ce rabais ramené aux coûts fixes représente pour l’armateur une économie d’environ 8% sur ces derniers. Ramené sur le coût global de l’escale une économie de 1,5 à 2%. Un armateur prendrait il le risque de faire attendre en rade un de ses navires pour gagner 1,5 à 2% sur son coût d’escale ?

 

L’arrivée de ce nouvel opérateur a donc immédiatement et naturellement  brisé la fluidité du trafic portuaire et généré une baisse des tarifs insignifiante au regard du coût global d’une escale. Est-ce ce constat qui a amené aujourd’hui la commission Européenne à revoir sa position sur la libre concurrence portuaire ? En effet cette dernière infléchi en janvier 2009 sa  en laissant la possibilité aux états membres de déclarer ces services d’intérêt économique général, en clair de les déclarer en tant que service public.

 

(2) A Rotterdam ces coût fixes représente 40 à 45% des coûts d’escale, alors qu’au Havre ils ne représentent que 30% (Source Charles BERGANO-Juillet Août 2002)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Concurrence rime avec Dumping Social :

 

Les enjeux sociaux :

 

Bien évidemment pour s’implanter et prendre rapidement des parts de marchés (30 à 35% du trafic) le nouvel opérateur ne disposait que de la masse salariale comme variable d’ajustement pour équilibrer ses comptes en proposer des tarifs 30% plus bas que le tarif officiel.

 

Au delà du fait que pour y parvenir il a employé tous les moyens à sa disposition, harcèlement syndical, lobbying , recours en justice systématique, répression et divisions des salariés, politique très ciblée de recrutement etc…il n’en est pas moins vrai que l’opérateur historique se trouve confronter devant un choix stratégique.

 

1)      Lutter commercialement tout en préservant les emplois.

2)      Se mettre au même niveau de conditions salariales que son attaquant.

 

En fait aujourd’hui nous sommes en phase terminale du premier choix. Et la crainte fondée des partenaires sociaux et de voir se profiler le début du 2ème choix. Avec des vagues de licenciement sec dans tout le secteur. Si ce nouvel opérateur peut travailler en bafouant toutes les règles antérieures, pourquoi pas un autre opérateur ?

 

Comment en est on arrivé là ?

 

Un bon avocat :

 

Tout est possible avec un bon avocat qui jette le trouble dans les textes, même les plus clairs, et qui bien évidemment pousse son client à jouer la stratégie du juridique jusqu’auboutiste. Exemple avec ce nouvel opérateur : Attaque des accords de branche en conseil d’état, recours hiérarchique, attaque de la nomination du délégué syndical devant le tribunal d’instance, attaque de l’arrêté préfectoral, recours contre le ministère en cour d’appel administrative etc….Pendant que la justice travaille, l’opérateur travaille en toute impunité.

 

Une administration déficiente :

 

Devant un tel avocat l’administration local et désarmée. Et dans sa prudence légendaire, cède sur tous les points peur de se voire confronter à une procédure devant le tribunal administratif.

 

Un agrément qui met trop d’entités en jeu :

 

Pour être agrée un opérateur de remorquage portuaire, doit obtenir du port un « agrément » , le remorquage entre dans le cadre de la « police du port ». Pour obtenir cet agrément, les autorités maritimes doivent délivrer dans le cadre d’un contrôle a priori une fiche d’effectif, mais et c’est là l’incohérence du système sans nécessairement tenir compte des conditions imposée de veille permanente. Il est demandé aux affaires maritimes d’accorder ses fiches d’effectif indifféremment selon que le remorqueur est utilisé pour le remorquage côtier (non soumis a agrément) ou pour le remorquage portuaire (soumis a agrément).

 

 

 

On pourrait dés lors penser que l’inspection du travail puisse intervenir dans le cadre d’un contrôle à posteriori. Mais à quoi bon, lorsqu’on sait que cette dernière peut difficilement transmettre un rapport sur une entreprise privée à un tiers. C’est une impasse. Néanmoins dans ce dossier, cette dernière a été amené en avril 2008 a donné son avis (lors d’un renouvellement des fiches d’effectif du nouvel opérateur) dans le cadre du contrôle à priori. Malgré un avis défavorable transmis aux autorités maritimes, l’agrément a été renouvelé.

 

Et demain :

 

Dans le pire des cas l’histoire se répète comme à Hambourg dans la fin des années 1990. Le même scénario a conduit l’opérateur historique à s’aligner sur les conditions de travail de l’entrant. Aujourd’hui, les « anciens combattants » s’entendent, se louent mutuellement des remorqueurs et l’opérateur historiquement en place achète même des remorqueurs à son ancien ennemi, après bien entendu s’être mis d’accord pour remonter ensemble les tarifs. Il n’y a plus de guerre commerciale, un nouveau monopole « économique », s’est créé. Le profit du secteur redevient plus important pour les actionnaires au détriment des salariés et des usagers. Hambourg affiche les tarifs de remorquage les plus hauts d’Europe du Nord.

 

Quel gain pour l’état ?

 

Il faut savoir que le remorquage portuaire, comme généralement toute activité maritime, n’amène aucune rentrée d’impôt à l’état. Le montage est simple, l’opérateur de remorquage n’est pas propriétaire de ses remorqueurs. Des sociétés basées à Malte en sont les propriétaires (une société par navire), ces sociétés touchent les locations des sociétés opératrices (2000 Euros par jour et par navire en ce qui concerne le remorquage). Ces contrats de location sont renouvelables a tout moment et la location ajustée de manière à ne pas faire payer trop d’impôt à la société opératrice. Pour rapatrier l’argent Maltais, rien ne vaut une bonne convention européenne fiscale entre les Pays Bas et Malte. (Par exemple). Tout est parfaitement légitime. !!!

 

Une note d’optimisme. Un coût d’arrêt peut être désormais donné en adoptant la « récente » (3) volonté des Armateurs et des Ports qui est de déclarer les services techniques portuaires comme étant des services publics soumis à un cahier des charges : à chaque renouvellement d’agrément, un appel d’offre Européen étant lancé.