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09 / 10 / 2018 | 30 vues
Secafi (Groupe Alpha) / Abonné
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Agir pour l’emploi et le travail des seniors

Dans le cadre de sa collection des guides AGIR pour l’amélioration des conditions de travail, destinée à mieux appréhender les questions de santé et de qualité de vie au travail, Secafi publie un 14e opus qui se propose d’analyser la place des seniors dans l’entreprise et de présenter des pistes pour permettre à toutes les générations, au sein d’une même structure, de s’articuler efficacement.

  • L’enjeu est de taille : 40 % des gens qui liquident aujourd’hui leur retraite ne travaillent déjà plus et, d’ici 2070, les seniors devraient représenter un quart de la population active.

État des lieux avec Corinne Deregnaucourt, consultante chez Secafi et spécialiste des questions de politique sociale et des problématiques d’emploi, de compétences et d’égalité.

Dans le préambule du 14e guide AGIR, vous vous demandez ce que peuvent faire les représentants du personnel pour améliorer l’emploi et le travail des seniors. Comment y répondez-vous ? Avec quels outils ou méthodes ?

Le sujet est très vaste et il convenait de clarifier les enjeux les plus percutants pour les représentants du personnel que nous accompagnons autour des deux dimensions essentielles que sont l’emploi et le travail des seniors. Une fois celles-ci constatées et cadrées dans un diagnostic préalable, selon le contexte dans lequel nous évoluons, nous sommes davantage en mesure, au regard des données disponibles sur ce thème, de les mettre en perspective et, surtout, d’identifier et de proposer aux représentants du personnel, en bonne connaissance de cause, des leviers d’action. D’où notre souci, dans les fiches de ce 14e guide AGIR, de poser collectivement le problème sous toutes ses dimensions. Comme beaucoup, nous avons constaté que l’emploi des seniors est mal dimensionné, mal défini et mal traité. Nous devions aller plus loin et identifier la problématique : est-ce un problème de santé, de conditions de travail, de transfert de compétences, particulièrement à l’heure du tout-numérique, ou de qualité de vie au travail ? Sur quelles thématiques se situe-t-on lorsque que l’on parle de « senior » ? Cela dépend évidemment des secteurs, des entreprises et des situations étudiés.

C’est la raison pour laquelle nous avons voulu présenter les fiches de ce 14e guide AGIR sous une déclinaison bien précise, en suivant les étapes de clarification de ces enjeux vis-à-vis de l’emploi des seniors : être au plus près des situations de travail réelles dans l’entreprise ; établir un diagnostic des populations concernées ; raccorder les premiers constats aux thématiques identifiées, à savoir les conditions de travail, les connaissances numériques, le temps de travail, la formation, la place des seniors dans le dialogue social etc.

Une fois connues la notion de senior dans l’entreprise considérée et les approches multidimensionnelles qui s’y rapportent, il nous semble important de mieux appréhender les enjeux de maintien dans l’emploi pour définir les outils et méthodes les mieux adaptés, sachant qu’il en existe déjà de nombreux, souvent peu utilisés. Ce travail de défrichage pour identifier ceux qui conviennent est essentiel mais il est lourd et fastidieux. C’est toutefois un travail passionnant car toutes les problématiques de la vie en entreprise sont passées en revue et on se rend compte que l’on n’accompagne pas suffisamment en amont la progression de l’âge. On ne devient pas senior au lendemain de ses 45 ou 50 ans. On doit pouvoir accompagner ce passage bien plus sur le long terme que ce n’est le cas actuellement et ne pas se limiter à mettre en place des dispositifs liés à l’âge mais bien penser en termes de vieillissement au travail, dès l’entrée dans la vie professionnelle.

Dans le cadre de vos expertises, quels sont les tout premiers conseils que vous dispensez aux représentants de personnel ?

J’en retiendrai surtout trois, dès lors que le diagnostic est posé. D’abord, saisir l’occasion de l’information-consultation sur la politique sociale pour mettre le sujet sur la table et obtenir de consacrer un temps d’échange sur la place des seniors dans l’entreprise ainsi que sur les actions prévues envers eux. Ensuite, être force de proposition pour négocier un accord « seniors » spécifique, même si ce n’est plus une obligation légale (avec la disparition de l’obligation d’un contrat de générations depuis les ordonnances Macron). On pourra également incorporer un volet « senior » dans les accords sociaux existants (ou en cours de négociation), tels que la GPEC, l’égalité, la formation etc. En bref, il convient de donner une dimension de premier plan à cette problématique. En troisième point central, veiller à l’évolution de l’accord que l’on a signé ou des plans d’actions que l’on a permis de mettre en place, communiquer, leur donner l’occasion d’être connus par tous les salariés, les faire vivre et les actualiser.

Qu’avez-vous appris de cette analyse ?

La place des seniors constitue une question de plus en plus cruciale aujourd’hui. Certains sont heureux de partir en retraite tandis que d’autres veulent continuer à travailler, ne serait-ce que pour transmettre leur savoir-faire. D’autres, encore, ont peur d’une certaine précarité quand approche l’âge de la retraite. J’ai été frappée par de réelles souffrances en fin de vie professionnelle, que je ne soupçonnais pas. Nous sommes confrontés à une vraie usure professionnelle dans certains métiers, qui n’a pas été traitée à la hauteur des enjeux, ni suffisamment prise en compte. J’ai été étonnée par la force de cette usure morale chez ces gens alors que j'aurais, au contraire, pensé qu’ils étaient plus sereins à l’approche de la retraite. Mais nous sommes malheureusement dans une société qui met davantage l’accent sur le quantitatif/productif. Les seniors, eux, sont arrivés à un moment de leur parcours professionnel au cours duquel ils privilégient plutôt la dimension humaine/qualitative et ils ne se reconnaissent pas dans cette vision de leur entreprise.

Nous disposons de données sur les seniors, il convient donc aujourd’hui de les dépasser pour bâtir une nouvelle relation au sein de l’entreprise, reposant sur la reconnaissance de leurs apports. Ce qui est fait pour les seniors d’aujourd’hui bénéficie à toutes les générations, en travaillant notamment sur la prévention de l’usure, l’amélioration des conditions de travail ou la transmission des compétences. En matière d’analyse des situations de travail réelles, les représentants du personnel au CHSCT et au CSE sont les mieux à même de remonter les informations du terrain et d'ainsi soulever une problématique spécifique au travail des salariés âgés, tout en veillant, naturellement, à agir, par exemple, dans le cas de la santé au travail, sur les conditions de travail plutôt que sur les individus pour éviter tout effet stigmatisant pour les plus âgés.

Retrouvez les 13 premiers numéros de la collection SECAFI des guides AGIR pour l’amélioration des conditions de travail sur notre site en cliquant ici.

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