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11 / 10 / 2017 | 108 vues
Didier Cozin / Membre
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75 000 prestataires de formation en France, est-ce bien "ridicule" ?

Le Président de la République, tout comme son prédécesseur, aime à imaginer que la piètre formation des travailleurs serait due au trop grand nombre d'organismes de formation qui séviraient sur le marché. 

Non seulement nous pensons qu'il n'y a pas trop d'organismes de formation (de formateurs indépendants en fait) mais qu'on ne reproche à aucune autre profession d'être présente en trop grand nombre sur le marché (y a-t-il trop d'avocats, de médecins ou de professeurs, nul ne le prétend). 

Ce -supposé- trop grand nombre d'organismes de formation n'est en fait que le résultat de la gouvernance défaillante des pouvoirs publics qui (exemple unique en Europe sans doute) ont décrété depuis 1971 que l'argent de la formation était un impôt et donc de l'argent public dont il convenait de contrôler l'usage.

Chaque formateur indépendant est donc considéré comme un organisme de formation, avec un tas d'obligations administratives qui ne renforcent en rien la qualité des prestations de formation mais contribue à élever les couts, la bureaucratie et ces usines à gaz dont notre pays s'est fait le spécialiste (pendant que nous manipulons du papier les autres produisent, travaillent et apprennent). 

Il y aurait trop de formateurs en France alors qu'il y a plus de 3 millions d'entreprises et 6 à 10 millions de chômeurs ? 

 Il y a en France selon la DARES 63 000 organismes de formation, les formateurs indépendants représentent un quart de ces 63 000 organismes, mais seulement 3% du marché en valeur. Leur CA moyen est de seulement 28.000 euros.

Ces formateurs indépendants loin d'être un poids pour notre économie sont une chance pour le monde du travail

 Face à la segmentation des besoins, au torpillage du Plan de formation par la réforme de 2014, de plus en plus d'entreprises s'éloignent du stage classique en inter-entreprise (un organisme de formation reconnu lance  des sessions de formations standards pour lesquelles plusieurs entreprises inscrivent leurs salariés).

La formation continue adopte désormais majoritairement le sur-mesure

Sous le triple mouvement de la spécialisation des apprentissages, de la numérisation du monde et de l'individualisation  la formation a largement évolué vers le modèle de l'intra-établissement (un formateur forme les salariés de la même entreprise sur des besoins spécifiques et communs à un service).

Si la formation doit ainsi s'adapter aux organisations et aux individus le stage standard généraliste semble condamné mais aussi la formation pour les PME et TPE qui n'ont absolument pas les moyens organisationnels de mettre en oeuvre de telles formations en leur sein (comment former un groupe de 6 ou 10 stagiaires quand on compte seulement 3 salariés ?)

Disposer d'un très grand nombre de formateurs indépendants permet de former des salariés y compris dans de petites structures et sur tout le territoire

Bien loin de représenter un handicap ("ridicule") pour la formation les dizaines de millier d'organismes et de formateurs indépendants sont une chance pour le monde du travail

- ils sont souples et flexibles ce que ne offrir un grand organisme de formation

- ils sont répartis sur tout le territoire (ce qui est extrêmement difficile et couteux pour un organisme de formation)

- ils sont capables de s'adapter à des contextes très divers, au réseau immense des 3 millions de TPE en France

Personne ne trouve ridicule (bien au contraire) qu'il y ait 89 000 médecins généralistes en France. La sécurité sociale sait très bien qu'une bonne répartition sur le territoire de ces généralistes (ce qui est de moins en moins le cas) permet à la fois une médecine bon marché, de qualité et de proximité (ce que ne peuvent pas assurer les grands établissements hospitaliers, très couteux et insuffisamment proches des patients).

63 600 établissements scolaires en France, personne ne trouve ce chiffre ridicule et les parents comme les enfants sont heureux de ne pas tous avoir à parcourir 60 km par jour pour trouver une salle de cours et leur professeur.

75 000 organismes de formation ce n'est pas ridicule pour l'Etat mais il est impossible pour l'Etat de les contrôler et c'est là que le bât blesse

Le noeud du problème avec les organismes de formation c'est que l'Etat, depuis 1971, considère que l'argent de la formation serait de l'argent public (le fruit d'une cotisation obligatoire, un quasi impôt) et qu'il faudrait absolument contrôler l'utilisation de cet argent  public, rare et relevant de la responsabilité éducative de l'Etat.

L'Etat confond depuis trop longtemps le système d'éducation initiale financé, contrôlé et garanti par l'Etat : une éducation nationale monopolistique (mais en grave crise depuis l'après 68) et un système de formation professionnelle qui comme le réclame l'Europe devrait être un marché libre, ouvert et concurrentiel.

Si en France le marché de la formation était libre, ouvert et concurrentiel le problème de sa qualité ne se poserait plus

 Dans un véritable marché de services comme devrait l'être la formation professionnelle, chaque compétiteur est en concurrence avec les autres organismes de formation. Comme c'est le client (salarié, entreprise ou administration) qui paie celui-ci a tout intérêt à mettre en oeuvre des services de qualité et à choisir celui qui présente les meilleures prestataires.

En France le marché de la formation est biaisé

- Par l'Etat qui s'est senti dès 1972 l'obligation d'entrer sur le marché avec l'éducation nationale et ses Gretas (distorsion de concurrence puisque les Gretas s'appuient sur des ressources gratuites fournies par l'éducation nationale et ne sont pas soumis à la TVA ni  aux mêmes obligations que les organismes de formation privé)

- Par les règles fiscales qui instaurent deux poids et deux mesures : des organismes de formation sont sans raison dispensés de TVA (organismes et écoles publiques, associations...) alors que d'autres doivent facturer 20 % de TVA à leurs clients (que ce soit pour les formations mais aussi pour les accompagnements vers l'emploi)

- Par les règles faussés ou trompeuses introduites par le jeu des appels d'offres (publics). Ces appels d'offres expliquent en grande partie la mauvaise qualité des formations publiques en France (des appels d'offres lancés souvent sans réelles expertises et dont les critères de choix tendent vers le moins disant financier, social ou éducatif). 

- Par des contrôles à priori de l'activité de formation qui empêchent (depuis le décret qualité 2015) tout nouveau compétiteur de s'immiscer dans le marché de la formation. Ce décret "qualité" contraint les organismes de formation à prouver qu'ils ont déjà travaillé et fait leur preuve sur le marché et donc ne permet à quasiment plus aucun nouvel organisme de proposer ses services, fussent-ils innovants ou captivants.

Pour une formation de qualité il faut la libérer des pesanteurs de l'Etat et cesser d'en faire une monnaie d'échange sociale

Pour parvenir enfin à faire émerger une formation de qualité en France il faudra libérer totalement les apprentissages et ne pas penser que quelques milliers de mastodontes éducatifs permettront de former au numérique, à la transition environnementale ou à l'entreprenariat 30 millions d'actifs.

 

 

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