Géolocalisation : tout n’est pas possible !
Si un employeur peut unilatéralement mettre en place un système de géolocalisation, il doit au préalable respecter une certaine procédure. Outre l’information personnelle des salariés concernés par le dispositif ou susceptibles de l’être (l’information porte sur la ou les finalités poursuivies, les catégories de données de localisation traitées, la durée de conservation des données, le ou les destinataires des données, l’existence d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition et les modalités d’exercice), il doit consulter, pour avis, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (compte tenu des conséquences sur les conditions de travail et le comportement des salariés, la consultation du CHSCT est fortement recommandée) ainsi que procéder à une déclaration auprès de la CNIL. À défaut de respecter une telle procédure, la preuve obtenue par le dispositif est irrecevable.
Compte tenu du risque d’atteinte à la vie privée des salariés, la Commission nationale informatique et libertés considère que la géolocalisation n’est justifiée que pour un nombre limité de finalités, qui peuvent éventuellement se cumuler (CNIL délibération n° 2015-165 du 4 juin 2015) :
le respect d’une obligation légale ou réglementaire imposant la mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés ;
le suivi et la facturation d’une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d’une prestation de services directement liée à l’utilisation du véhicule ainsi que la justification d’une prestation auprès d’un client ou d’un donneur d’ordre (ramassage scolaire, déneigement routier, des moniteurs d’auto-école…) ;
la sûreté ou la sécurité de l’employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge, en particulier la lutte contre le vol du véhicule (ex. : des travailleurs isolés ou transportant des marchandises dangereuses ou de valeurs…) ;
une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, notamment pour des interventions d’urgence (ex. : des chauffeurs de taxis ou des flottes de dépannage…) ;
le contrôle du respect des règles d’utilisation du véhicule définies par le responsable de traitement, sous réserve de ne pas collecter une donnée de localisation en dehors du temps de travail du conducteur.
Le traitement peut avoir pour finalité accessoire le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être réalisé par un autre moyen, sous réserve notamment de ne pas collecter ou traiter de données de localisation en dehors du temps de travail des employés concernés.
À l’opposé, un tel système n’est pas justifié :
lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de ses déplacements (visiteurs médicaux, VRP…) ;
en dehors des horaires de travail. Sous-entendu, le recours à un tel dispositif ne doit pas conduire à un contrôle permanent des salariés. Les salariés doivent avoir la possibilité de désactiver le système à l’issue de leur temps de travail ;
lorsque le salarié se déplace dans le cadre d’un mandat électif ou syndical.
Le traitement des données doit être entouré de garanties. Les données collectées (localisation, kilomètres parcourus, façon de conduire…) doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles le système est mis en place. Sans faire obstacle à la réglementation particulière du transport routier, il est interdit de relever des informations relatives au dépassement des limitations de vitesse, seule la vitesse moyenne peut être retenue. L’accès aux données de géolocalisation doit être limité aux seules personnes qui, dans le cadre de leurs fonctions, peuvent légitimement en avoir connaissance (ex. : responsable des ressources humaines, personnes en charge de planifier les interventions…).
Les données recueillies ne peuvent être conservées, sauf cas particuliers, plus de deux mois. La durée de conservation peut être supérieure à deux mois si une réglementation spécifique le prévoit ou être fixée à un an si la conservation des données est rendue nécessaire, soit dans un objectif d’historique des déplacements à des fins d’optimisation des tournées, soit à des fins de preuve des interventions effectuées, s’il n’est pas possible d’apporter la preuve par un autre moyen. Dans le cadre d’un suivi du temps de travail, seules les données relatives aux horaires effectués peuvent être conservées pour une durée de cinq ans.
Un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l’employeur pour d’autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la CNIL et portées à la connaissance des salariés. Le détournement de la finalité d’un système est sanctionné pénalement par cinq ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende (art. 226-21 du code pénal).
Garante des libertés individuelles, la Cour de cassation veille à ce que le dispositif soit justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché. Il ne doit pas exister d’autres moyens moins intrusifs pour le salarié, plus respectueux des libertés individuelles.
Pour la Cour de cassation comme pour la CNIL, le contrôle du temps de travail par un système de géolocalisation n’est justifié que lorsque ce contrôle ne peut être fait par un autre moyen.
Au surplus, un tel système n’est pas licite dans le cas où le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail (Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-18036 ; Cass. soc., 17 décembre 2014, n° 13-23645).
L’idée générale est que la géolocalisation, comme tout système de surveillance, ne doit pas conduire à un contrôle permanent des salariés concernés.
Si le dispositif mis en place ne respecte pas ces règles, le salarié ou le syndicat peut notamment se rapprocher de la CNIL.