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18 / 06 / 2018
Didier Cozin / Membre
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En France, nous avons inventé les 35 heures mais pas le temps pour apprendre...

Alors que les députés discutent à l'infini des mérites et contours du compte de formation en euros (au lieu d'un compte en heures), les autres pays de l'Union européenne disposent d'une réglementation à la fois simple, lisible et efficace pour accompagner les salariés.

En France, la pseudo-générosité s'adosse à une complexité et à une inefficacité croissantes. Au lieu de prendre acte de l'échec du compte personnel de formation (CPF), de sa logique d'accumulation (d'heures et bientôt d'euros) et du leurre que constitue la mutualisation des budgets de formation (les « gros » paieraient pour les petits), le Parlement (à la suite du Ministère du Travail) va une fois de plus entraîner le pays dans un probable marasme éducatif.

1) Une école sur laquelle repose à la fois l'essentiel des budgets et des responsabilités

Si l'école de la République traverse aujourd'hui une crise profonde (crise des vocations, crise de fonctionnement et crise en matière de contenu), c'est parce que nous lui avons confié l'intégralité des missions éducatives du pays : éduquer tous les enfants et jeunes de 3 à 25 ans, former aux métiers (des années 1950), se substituer aux familles (éducation sexuelle, civique et sociale) et aux entreprises (formation professionnelle initiale).

2) Une déresponsabilisation croissante des travailleurs et des employeurs

Face à l'effondrement des compétences professionnelles des travailleurs en France (nous sommes au dernier classement de l'OCDE, PIAAC, 24e sur 27 pays étudiés), nous avons choisi de nous réfugier derrière des compteurs de formation (l'équivalent de notre ancienne ligne Maginot), censés nous protéger de la déqualification.

3) Notre incapacité à faire de la formation une véritable activité commerciale de services

Plutôt que d'admettre que la formation était devenue un marché de services (aux entreprises), comme peut l'être la culture ou la littérature (chacun paie pour aller au théâtre ou acheter un livre), nous avons fait de la formation à la fois une icône sociale (parée de toutes les vertus) et un exercice règlementaire total (chaque aspect de la formation est contrôlé, décortiqué et réglementé).

4) L'absence de mobilité sociale empêche la formation de devenir un moteur social et économique

Ayant posé une fois pour toutes que l'école était la fondation et le pilier d'une vie sociale et professionnelle, que les diplômes sanctifient l'effort éducatif de chacun et que tout étant écrit avant 20 ans, il fallait protéger les plus « vulnérables » (la vulnérabilité se confondant avec le handicap éducatif sans le dire), nous avons immobilisé l'ensemble du corps social (une « société bloquée ») derrière des protections illusoires (le statut du salariat, l'avancement à l'ancienneté, la formation statutaire, les concours etc.).

Ailleurs en Europe, la formation est une réalité, simple et accessible.

  • En Allemagne (dans certains Länders), les salariés disposent de 5 jours de formation par an. Ils sont payés par leur employeur durant ces formations mais ils financent personnellement leur formation.
  • En Espagne, tous les employeurs paient 0,6 % de la masse salariale pour la formation et les salariés cotisent également 0,1 % de leur salaire.
  • En Finlande, les diplômes peuvent être obtenus aussi bien par la voie de l'enseignement que par la voie professionnelle (pas besoin de mendier sa VAE).
  • En Belgique, chaque travailleur a droit de 80 à 180 heures de formation par an tout en percevant sa rémunération.

En France, nous avons inventé les 35 heures mais pas le temps pour apprendre.

Donc si dans la plupart des pays développés la formation est à la fois de la responsabilité du travailleur, s'il finance souvent lui-même sa formation et si l'employeur (qui n'est pas soumis à la diminution du temps de travail) offre en général du temps pour apprendre, il en est tout autrement en France, nous demeurons fixés dans des schémas antédiluviens (datant de l'après-guerre) dans lequel :

  • le salarié est subordonné à son employeur (y compris pour apprendre), il n'est pas responsable du développement de ses compétences ;
  • il ne peut trouver du temps libre pour apprendre (dans la nouvelle loi en discussion, on limite la formation à 30 heures par an sur le temps libre) ;
  • il ne peut voir son « pouvoir d'achat » écorné par ses propres achats de formation ;
  • s'il est petit (PME/TPE), l'employeur ne peut payer pour la formation de ses salariés ;
  • la sécurisation passe par la multiplication de compteurs sociaux (CPF, CPA et CEC) et de dispositifs nationaux et bureaucratiques (CEP, FPSPP, France compétences etc.).

La simplicité et l'efficacité ne font pas partie de la réforme de 2018.

En s'accrochant à des notions dépassées (la qualification, les référentiels, la certification et la diplomation), en s'ingéniant à développer des systèmes lourds et complexes de capitalisation de formation (désormais le CPF en euros) tout en prétendant que l'informatique résoudrait nos impasses sociales (une application magique pour se former avec son CPF), nous réglementons une nouvelle fois à outrance ce qui devrait relever du simple bon sens social (celui qui n'apprend pas ne pourra plus travailler et devra en assumer les conséquences).

Un déclassement social et professionnel probable et inéluctable

Notre pays ne pourra rester encore longtemps dans le G7, dans une Union européenne au sein de laquelle chacun fait d'énormes efforts pour apprendre et changer s'il n'est pas capable de refonder ses systèmes sociaux, éducatifs et professionnels.

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