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01 / 06 / 2011 | 27 vues

Élections chez Avenance Enseignement et Santé : démocratie contrôlée et dirigée ?

Par requête du 14 octobre 2010, le syndicat CAT d'Avenance Enseignement & Santé (groupe Elior), auquel s'est associé le syndicat SNHR SUD, a saisi le tribunal d'instance de Puteaux aux fins de contester la régularité des opérations électorales.

Le syndicat CAT a fait valoir la violation du principe d'égalité de moyens entre les différentes organisations syndicales au cours de la période transitoire en vue des premières élections déterminantes de la représentativité, la nullité des candidatures des syndicats CGT, CFTC, et CGT-FO, l'irrégularité tirée de l'absence de remise des votes par correspondance aux bureaux de vote, l'absence de communication des informations nécessaires aux contrôles des effectifs ainsi que l'absence de représentation ou de représentation proportionnelle des employés, selon la constitution des collèges.

Suite au jugement rendu par le TI de Puteaux en date du 8 mars 2011 annulant les élections professionnelles au sein de la SAS Avenance Enseignement & Santé sous prétexte d'avoir constaté l'irrégularité du scrutin professionnel du 28 septembre 2010, la société a dans un premier temps formé un pourvoi en cassation (pièce jointe) à caractère non suspensif. Pourvoi au demeurant recevable dans un jugement rendu en dernier ressort. La société de restauration collective invoque deux moyens de cassation.

Premier moyen de cassation


Il est fait grief au jugement attaqué d’avoir déclaré le tribunal d’instance de Puteaux incompétent uniquement pour statuer sur les questions relatives à l’insuffisance ou à l’absence de représentation du collège employés, et d’avoir constaté l’irrégularité du scrutin professionnel s’étant déroulé le 28 septembre 2010 (premier tour) au sein de la société Avenance Enseignement & Santé, en vue de l’élection des membres du comité d’établissement et des délégués du personnel et a annulé ces opérations électorales, qui devront être réitérées dans les conditions légales…

Second moyen de cassation (subsidiaire) 

 

Il est fait grief au jugement attaqué d’avoir constaté l’irrégularité du scrutin professionnel s’étant déroulé le 28 septembre 2010 (premier tour) au sein de la société Avenance Enseignement & Santé, en vue de l’élection des membres du comité d’établissement et des délégués du personnel et a annulé ces opérations électorales, qui devront être réitérées dans les conditions légales…

  • L'argumentation de la société Avenance Enseignement et Santé méconnaît un principe, qui est, que le respect de l'égalité des moyens est un aspect fondamental de la régularité des élections. Un mémoire en défense a été produit (pièce jointe).

Le SNHR SUD et la CAT font valoir sur le premier moyen


Le moyen manque radicalement en fait et repose sur une dénaturation des demandes formées par la CAT devant le TI.

Le TI est compétent pour statuer tant sur le contentieux de l'électorat que sur la régularité des opérations électorales. En effet, l'article R.2314-27 du Code du Travail dispose que « les contestations relatives à l'électorat et à la régularité des opérations électorales prévues à l'article L.2325 sont de la compétence du tribunal d'instance, qui statue en dernier ressort ».

Ces dispositions ont une portée générale et autorisent le tribunal à statuer sur tout litige né à l'occasion de l'élection.

En l'espèce, c'est à bon droit que le TI de Puteaux a énoncé qu'« en matière d'élections professionnelles, le TI est compétent de manière exclusive sur les questions liées à l'électorat, à l'éligibilité des candidats et au déroulement des opérations électorales ce qui comprend notamment le protocole d'accord préelectoral, la liste électorale, le déroulement du scrutin et les résultats. Tous les contentieux qui se rattachent au processus électoral entrent dans cette compétence ».

Le TI a légalement justifié sa décision de se reconnaître compétent dès lors qu'il a relevé avoir été saisi pour statuer sur des demandes tendant à l'annulation du scrutin, en se fondant sur les conditions de déroulement des opérations électorales et sur la validité des candidatures.

Contrairement à ce qu'affirme le pourvoi, le TI n'était pas saisi d'une demande visant à apprécier la conformité d'accords d'entreprise au principe constitutionnel d'égalité.

Il devait statuer sur une demande en annulation d'élections professionnelles qui impliquait notamment d'apprécier l'application faite par la société Avenance d'accords d'entreprise sur les moyens octroyés aux organisations syndicales.

Le TI était nécessairement compétent pour trancher ce litige et rechercher si les moyens donnés aux OS lors de leur campagne électorale avaient permis d'assurer le principe fondamental d'égalité qui doit présider au déroulement du scrutin.

Sur le second moyen


La SAS AES prétend qu'un accord collectif peut réserver l'octroi d'avantages et notamment de moyens matériels et financiers de diffusion d'information aux seuls syndicats représentatifs.

Selon la SAS AES, le TI aurait violé par fausse application le principe constitutionnel d'égalité et les articles 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et 1,5 et 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, en considérant que le syndicat CAT, qui n'était pas représentatif dans l'entreprise et qui avait créé une section syndicale, devait bénéficier des moyens accordés aux syndicats représentatifs par les accords d'entreprise du 22 mai 2003 et du 4 octobre 2005, sur le fondement du principe d'égalité entre organisations syndicales qui implique nécessairement qu'au cours de la période transitoire et dans la perspective d'élections professionnelles déterminantes de l'audience de chaque organisation syndicale et donc de sa représentativité, chacune d'elles puisse bénéficier de moyens identiques afin de promouvoir son action syndicale.

Il reproche ensuite au TI d'avoir reconnu l'irrégularité des candidatures de la CFTC, sans avoir précisé :

  • l'origine de son information selon laquelle c'était la section syndicale et non le syndicat qui avait présenté les listes à l'employeur (deuxième branche),
  • en quoi l'irrégularité constatée avait exercé une influence sur le résultat des élections ou avait été déterminantes de la qualité représentative des OS dans l'entreprise ou du droit pour un candidat d'être désigné délégué syndical (troisième branche).

Il est fait grief au jugement attaqué d’avoir déclaré le tribunal d’instance de Puteaux incompétent uniquement pour statuer sur les questions relatives à l’insuffisance ou à l’absence de représentation du collège employés, et d’avoir constaté l’irrégularité du scrutin professionnel s’étant déroulé le 28 septembre 2010 (premier tour) au sein de la société Avenance Enseignement et Santé, en vue de l’élection des membres du comité d’établissement et des délégués du personnel et a annulé ces opérations électorales, qui devront être réitérées dans les conditions légales…
  • L'argumentation de la société Avenance Enseignement et Santé méconnaît un principe, qui est, que le respect de l'égalité des moyens est un aspect fondamental de la régularité des élections. Un mémoire en défense a été produit (pièce jointe).

Enfin, il tire argument de ce que le TI a écarté les autres irrégularités invoquées pour lui reprocher de ne pas avoir relevé qu'elles auraient été déterminantes de la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise ou du droit pour un candidat d'être désigné délégué syndical.  

Ainsi, la question qui est posée à la Cour de Cassation :
 
Les premières élections professionnelles, dont l'enjeu comporte la reconnaissance de la représentativité des OS depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, doivent elles être annulées dès lors que les organisations syndicales ayant participé au scrutin n'ont pas bénéficié des mêmes moyens matériels et financiers ? 
 
Le TI de Puteaux a légitimement répondu à cette question par l'affirmative.
 
L'enjeu du scrutin professionnel, et en particulier celui du premier scrutin organisé après la loi du 20 août 2008, implique de veiller au strict respect du principe d'égalité de moyens conférés aux organisations syndicales, qu'elles soient ou non représentatives, dès lors qu'elles ont constitué une section syndicale et peuvent présenter des candidats aux élections. 
 
Le contrôle de l'égalité de moyens des syndicats doit être d'autant plus exigeant qu'un tel scrutin s'inscrit dans le cadre de la période transitoire au cours de laquelle s'opposent des syndicats bénéficiant encore d'une présomption de représentativité à des syndicats naissants. Ne pas veiller à l'égalité de moyens aurait pour effet d'écarter définitement l'émergence de nouveaux syndicats.
 
Dès lors, le principe constitutionnel d'égalité commande que des accords d'entreprise qui ont prévu de renforcer les moyens légaux octroyés aux syndicats par l'intermédiaire de leur section syndicale, bénéficient également aux syndicats non représentatifs qui ont créé une section syndicale et désigné son représentant. 
 
C'est à bon droit que le TI qui a constaté la rupture d'égalité de moyens au détriment du syndicat CAT a décidé d'annuler les élections dont l'enjeu était déterminante de sa représentativité. 
 
Sur les candidatures de la CFTC faîtes par la section syndicale, c'est à juste titre que le TI a considéré que ces candidatures étaient irrégulières dès lors que seul le syndicat qui a la personnalité morale peut le faire. Les dispositions de l'article L.2314.24 étant d'ordre public, l'irrégularité en cause étant une cause de nullité, le TI n'avait pas à rechercher si une telle irrégularité avait ou non une influence sur le résultat.
 
Il est demandé que le pourvoi formé par la SAS AES soit rejeté. 
  
Dans un second temps, la SAS AES a cru bon de devoir interjeter appel du jugement devant la Cour d'Appel de Versailles (pièce jointe). Ce recours n'est pas prévu dans le dispositif du jugement rendu et encore moins dans le Code de procédure civil.

Ainsi, la SAS AES a entendu ouvrir une voie de recours abusive et dilatoire en prétendant, à tort, que le TI de Puteaux aurait commis une erreur en rendant un jugement en dernier ressort en lieu et place d'un jugement rendu en premier ressort, et ainsi, l'aurait privé de la possibilité d'interjeter appel. L'objectif étant pour la société AES, filiale du groupe Elior, de ne pas se conformer au jugement du TI, d'empêcher des syndicats véritablement revendicatifs tels que la CAT et SUD de parvenir à la représentativité et ainsi de contribuer avec le temps à les empêcher de développer leur influence. 

La société requérante considère que la Cour d'Appel se dira compétente pour connaître de ce dossier dans la mesure où le tribunal d'instance a :

  • rendu à tort une décision en dernier ressort,
  • s'est prononcé à tort sur les conditions et modalités d'application d'accords d'entreprise autres qu'un protocole d'accord préélectoral,
  • modifié l'objet et le champ d'application des accords d'entreprise du 22 mai 2003 et 4 octobre 2005.
Le SNACATPRCA, en la personne de son secrétaire général Daniel Cordellier, la Confédération Autonome du Travail secteur privé et le SNHR SUD ont constitué avoué près la Cour d'Appel de Versailles pour soulever l'irrecevabilité de l'appel et faire condamner la SAS AES :

  • à une amende civile de 3000 €  pour recours abusif et dilatoire ;
  • à 120 000 € de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession que la CAT secteur privé et son syndicat affilié le SNACATPRCA et, le SNHR SUD représentent.

Si la Cour d'Appel devait se déclarer compétente, des conclusions au fond seront produites et ces chefs de la demande maintenus.
 
À ce jour, la société Avenance, filiale du groupe Elior, n'entend pas se corformer au jugement rendu par le TI et considère pouvoir maintenir le fonctionnement des IRP avec la collaboration du club des cinq (CFDT,CFTC, CGT, CFE-CGC et FO). Ces faits sont significatifs d'un non-respect patent des valeurs républicaines, entravent la démocratie et portent atteintes aux intérêts individuels et collectifs de la profession que représentent la CAT et SUD. 

Néanmoins, en vue de faire appliquer le jugement rendu par le TI de Puteaux en date du 8 mars 2011 annulant les élections professionnelles. Daniel Cordellier, secrétaire général du SNACATPRCA, et Annick Rhul Pinot, du SNHR SUD, ont déposé une requête aux fins d'enjoindre à la SAS AES de procéder aux élections professionnelles en son sein. Dans le cadre d'une nouvelle actualité, ce thème sera développé.

Selon la jurisprudence, caractérise le délit d'entrave le fait pour l'employeur de se refuser de mettre en place les IRP. Une citation directe devant le Tribunal correctionnel est en préparation.

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