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03 / 12 / 2007 | 11 vues
François Vélot / Membre
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De l’art de contourner l’obligation de discrétion des élus

Selon l’article L. 432-7 du Code du travail, les membres du comité d’entreprise sont soumis à une obligation de discrétion « à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le chef d’entreprise ». L’élu qui viole cette obligation s’expose à des sanctions disciplinaires (avertissement, mise à pied, voire licenciement). Quelles sont les informations concernées ? Il s’agit tout d’abord de celles qualifiées de confidentielles par la loi (documents comptables et financiers énumérés par l’article L. 432-4 ; informations communiquées dans le cadre de la procédure d’alerte). Mais il s’agit aussi, de manière plus générale, de tout document que l’employeur aura présenté comme confidentiel.

Celui-ci ne doit cependant pas abuser de cette prérogative et il est nécessaire que l’information revête objectivement un caractère confidentiel. Ainsi, l’employeur qui invoquerait la confidentialité pour un document dont la diffusion n’est pas susceptible de nuire à l’intérêt de l’entreprise et/ou qui intéresse au premier chef les salariés (par exemple un plan de sauvegarde de l’emploi) ne serait guère fondé à sanctionner l’élu qui aurait laissé diffuser l’information. Dans certains cas, il pourrait même être poursuivi pour entrave au fonctionnement du comité. Il faut en effet garder à l’esprit que les élus, s’ils sont soumis à une obligation de discrétion, ont aussi pour devoir d’informer les salariés des projets de l’entreprise susceptibles de les concerner. Ainsi, on imagine mal les membres du comité ne pas informer le personnel du contenu d’un projet de plan de sauvegarde de l’emploi et de l’état d’avancement des discussions…

L’obligation de discrétion vidée de son contenu par la liberté d’expression des syndicats ?

Toutefois, le débat relatif aux contours de l’obligation de discrétion paraît aujourd’hui quelque peu dépassé compte tenu, d’une part, de la généralisation des nouvelles technologies et, d’autre part, de la liberté d’expression conférée aux syndicats, ainsi que l’illustre le retentissant arrêt Secodip (CA Paris, 18e ch. C, 15 juin 2006, n° 05/02252). Dans cette affaire, relative à une fédération qui avait mis ligne sur son site internet des informations relatives à la situation financière et à la politique salariale de l’entreprise, la cour d’appel de Paris a jugé qu’il n’y avait pas lieu de supprimer les informations litigieuses, le syndicat n’étant pas soumis à l’obligation de discrétion et ne faisant ici qu’user de sa liberté d’expression.

On en arrive donc aujourd’hui à une situation quelque peu paradoxale : les élus ne peuvent diffuser des informations présentées comme confidentielles par l’employeur, mais, en pratique, il leur suffit de transmettre ces informations à leur syndicat pour que celui-ci leur donne la plus large publicité, notamment via internet. Et l’employeur se trouve alors passablement désarmé : impossible d’attaquer le syndicat (sauf injures, diffamation, dénigrement), celui-ci n’ayant fait qu’user de sa liberté d’expression ; impossible, dans la plupart des cas, d’identifier l’élu qui aurait laissé filtrer l’information et de démontrer la violation de l’obligation de discrétion, ce qui interdit la mise en œuvre de sanctions disciplinaires.

Seule solution : s’adresser directement à l’hébergeur

Toutefois, si l’entreprise ne peut rien attendre du Code du travail, il lui reste la faculté de mettre à profit la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, c’est-à-dire de demander à l’hébergeur de suspendre le site du syndicat en arguant de son caractère illicite. En effet, il y a fort à parier que celui-ci optera pour la prudence et fera droit à la demande de l’entreprise. Comme le souligne Jean-Emmanuel Ray, l’avantage est de mettre le syndicat en position de demandeur, car c’est alors à lui d’attaquer l’hébergeur pour obtenir le rétablissement de son site (J.-E. Ray, « Liberté d’expression et site syndical internet », Semaine sociale Lamy, n° 1269, p. 6). L’avenir dira si les syndicats confrontés à ce type de stratégie sont prêts à se lancer dans une action qui sera forcément longue et coûteuse…

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