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Chômeurs en fin de droits : une allocation fantôme ?
Jeudi 15 avril : le gouvernement et les partenaires sociaux signent un accord destiné à apporter des réponses concrètes aux demandeurs d’emploi en fin de droits. Dans la foulée, Laurent Wauquiez, le Secrétaire d'État chargé de l'Emploi, explique que la nouvelle allocation sera très prochainement versée aux quelques 360 000 demandeurs d'emploi au cours de l'année 2010. « Fin mai, il faut que cette mesure soit opérationnelle », a annoncé le Secrétaire d'État, qui envisage son versement dès le 1er juin prochain. Elle s'élèvera à 460 euros par mois.
« Elle sera versée à tous les demandeurs d'emploi qui ont perdu leurs droits à partir du 1er janvier 2010, pour une durée maximale de six mois. Elle ne sera versée qu'à défaut d'autres solutions proposées par Pôle Emploi (contrats rebonds rétribués, formations qualifiantes rémunérées) et ne pourra être accordée si le demandeur d'emploi a préalablement refusé une formation ou un contrat aidé », prévient Laurent Wauquiez dans un communiqué. De son côté, l’Élysée présente cette aide comme un « filet de sécurité exceptionnel » pour 70 000 à 110 000 personnes pour un coût maximal de 220 millions d’euros.
Dans le détail, le plan prévoit :
- 170 000 contrats aidés (50 000 contrats initiative emploi et 120 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi). Ils seront destinés en priorité aux publics en difficulté ;
- 70 000 formations de six à huit mois seront cofinancées par l’Unedic et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Les régions seront sollicitées pour financer 20 000 formations supplémentaires ;
- 15 000 cadres en fin de droits bénéficieront d’une action renforcée de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) ;
- pour toute personne qui ne pourra pas prétendre à l’un de ces dispositifs, une aide exceptionnelle de crise sera mise en place. Son montant sera équivalent à l’allocation spécifique de solidarité à taux plein. Elle sera cofinancée par l’Unedic et l’État.
Calcul chômeurs en fin de droits à l'appréciation de Pôle Emploi
Plusieurs interrogations demeurent en suspens pour ces mesures soumises à conditions, dépendant de critères à déterminer, floues et incertaines. En premier lieu, le nombre de chômeurs sans ressources. Pendant des mois, une bataille a eu lieu sur le nombre de personnes qui seraient sans revenu après avoir épuisé leurs droits aux allocations chômage cette année.
Selon les projections réalisées par Pôle Emploi, environ un million de chômeurs se retrouveront en fin de droits en 2010, soit une hausse « d'environ 18 % » par rapport à 2009. Sur ce million, quelques 400 000 devraient se retrouver sans revenu, tous ne remplissant pas les conditions d'accès aux minima sociaux, un chiffre affiné à 360 000 personnes par le gouvernement et les partenaires sociaux lors de leurs négociations.
Le quotidien L'Humanité a fait les comptes : « Les négociateurs ont estimé que sur le million de départs, 170 000 chômeurs auraient droit à l’allocation de solidarité spécifique (ASS), 220 000 au revenu de solidarité active (RSA), et 10 000 iraient en préretraite. Ensuite, ils ont défalqué 15 000 bénéficiaires potentiels du RSA jeunes, dont l’entrée en vigueur a été avancée à juillet, et environ 50 000 prétendants à l’allocation équivalent retraite (AER) et à l’allocation de formation (AFDEF), rétablies pour 2010. On en est donc à 535 000 personnes sans solution. Et c’est en supposant que 190 000 chômeurs vont retrouver un travail, même de courte durée, dans les six mois, que le chiffre a été ramené à 345 000 chômeurs ».
Dans le document de travail des négociateurs de l'accord, il revient à Pôle Emploi de calculer chaque mois le nombre de personnes qui n'auront droit à aucun revenu à l'issue de leurs droits au chômage. À l'issue de ce calcul, Pôle Emploi devra proposer un des trois outils actifs (formation, accompagnement renforcé pour les cadres, contrats aidés). À défaut, l’aide exceptionnelle pourra être attribuée.
Un parcours très balisé avant d’envisager l’aide exceptionnelle
Parmi les dispositifs envisagés, 170 000 contrats aidés appelés « contrats de rebond ». En fait, il s'agit de 50 000 contrats initiative emploi (CIE) et de 120 000 contrats d’accompagnements dans l’emploi (CAE) : des contrats en général à temps partiel, payés au SMIC, non pérennes et ouvrant droit à des allègements de charges sociales et/ou à un financement quasi-total du salaire par l’État. Selon L'Humanité, les 120 000 CAE se font « dans le cadre des moyens déjà budgétés ».
Conséquence : Pôle Emploi va simplement bousculer la file d’attente et réserver ces contrats aux chômeurs en fin de droits, même s’ils ne correspondent pas au public cible. Au risque de marginaliser encore plus les demandeurs d’emploi les plus en difficulté d’insertion, souligne le syndicat SNU-Pôle Emploi.
Ensuite, les « fins de droit » seront orientés vers les places de formations disponibles achetées par Pôle Emploi au titre des outils de formation « action de formation conventionnée » et « contrat d’accompagnement formation ».
Possibilités d'actions sur les savoirs de base
Ainsi, 25 000 places de formations, dans 15 domaines d’activité très différents, pourront être mobilisées pour ce public. D’une durée pouvant aller jusqu’à plusieurs mois, offrant l’équivalent du statut de stagiaire de la formation professionnelle, elles se fondent, dans une logique d’alternance, sur des actions de formation aux métiers porteurs. Des actions de remise à niveau sur des savoirs de base sont également possibles dans ce cadre.
Dans un second temps, de nouveaux moyens seront dégagés. Sur la base d’un bilan de cette première étape, pourrait être lancé un marché public de la formation complémentaire afin d’adapter, le cas échéant, les outils (AFC, CAF, contrat de professionnalisation, préparation opérationnelle à l’emploi) aux problématiques spécifiques auxquelles pourraient être confrontés les demandeurs d’emploi en fin de droits. Pour cette deuxième étape, serait recherchée la mutualisation des financements entre l’Unedic et le FPSPP pour 45 000 actions de formation.
Quels critères pour refuser une contrat aidé ou une formation ?
Enfin, l’aide exceptionnelle pour l’emploi, inespérée, dans la limite de 6 mois par allocataire, ne sera donc attribuée qu’en dernier recours.
Celle-ci étant budgétairement limitée, qu'adviendra-t-il des personnes qui pourront prétendre à l'allocation en cas de dépassement du budget ? Première question sans réponse.
Ensuite, l’aide « ne sera attribuée qu’en dernier recours » et « à défaut de proposition de mesures actives » (formation ou contrat aidé). Traduction : ceux qui refuseront un contrat ou une formation seront écartés de l’allocation.
Problème : le texte ne prévoit pas de motif légitime de refus. En clair, rien ne protège des abus tels que des propositions de contrats ou de formations inadaptés par rapport au parcours professionnel du chômeur, ou trop éloignés de son domicile.
Dans ce contexte imprécis, l'aide exceptionnelle risque vraiment d'être très exceptionnelle et devenir pour beaucoup l'Arlésienne.