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22 / 01 / 2010 | 2041 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Accords seniors : ces mesures qui se distinguent

Dans son accord seniors, Darty s’engage à faire passer le taux d’emploi des plus de 55 ans de 6,13 % à 6,3 %. Auchan se montre un chouïa plus ambitieux en visant un taux de 6,71 % d’ici 3 ans, en partant de 6,1 %. Voilà pour les accords les plus « offensifs » sur le registre du taux d’emploi de notre échantillon de 15 entreprises (Auchan, Carrefour, Casino, Darty, France Télécom Orange, Ucanss, ADP, Ugap, Pôle Emploi, Science Po, Carbone Lorraine, Dassault Aviation, Thales, CEA) rattachées à trois univers : la distribution, les services, l’industrie et la recherche.

Un taux d'emploi d’autant plus délicat à maintenir que les seniors sont prompts à rejoindre les plans de départ volontaire ou à négocier individuellement.

Pour les autres entreprises, c’est au mieux un maintien dans l’emploi des seniors qui tient lieu d’objectif. Un maintien d’autant plus délicat que les seniors sont prompts à rejoindre les plans de départ volontaire. À tel point que le groupe Caisse d’Épargne a un temps cogité sur l’idée de donner la priorité aux plus de 50 ans dans la négociation de son plan de départ... En l’absence de « plan », les seniors acceptent le jeu de la négociation individuelle. C’est ce que constate par exemple la CFDT d’IBM qui parle d’un « tsunami » de ruptures conventionnelles en novembre et décembre dernier. À tel point que la direction du travail refuse désormais les dossier. Quatre seniors de 58 ans ont récemment quitté Neopost Industries (614 salariés) à la faveur de rupture conventionnelle dont les indemnités permettent d’aller jusqu’à une retraite à taux plein. Pour Dominique Bouin, le représentant CFDT de cette entreprise, « on ne peut pas s’y opposer. Je comprends la motivation des personnes qui acceptent de partir dans ces conditions. En attendant, socialement et au regard de la collectivité, ce n’est pas correct. »

Les préretraites déguisées


« Le recours à des dispositifs de type « cessation anticipée d’activité » n’est plus envisageable », souligne, un brin nostalgique, le communiqué de la direction de PSA à propos de son accord seniors signé le 12 janvier par tous les syndicats.

D’autres ne sont pourtant pas résolus à abandonner la logique de la préretraite. C’est ainsi que la Caisse d’Épargne du Nord a inventé la « préretraite PSE ». Les salariés qui justifient de 30 ans d’ancienneté peuvent partir à 50 ans pour les femmes et 55 ans pour les hommes, en touchant 80 % de leur salaire. Le tout sans que l’entreprise ne soit taxée au titre d’une préretraite car cette mesure découle d’un « accord de transition » signé en 1999. Jusque là, les femmes du groupe Caisse d’Épargne pouvaient en effet partir avec une retraite à taux plein à... 50 ans... et les hommes à 55 ans. Pour faire passer la pilule, l’accord de 1999 permet toujours de partir à 50 ou 55 ans mais avec seulement 60 % du salaire.

  • Avec sa « préretraite PSE », la Caisse d’Épargne du Nord accorde donc un bonus de 20 %... sans que l’administration fiscale ne trouve rien à y redire. Pas plus  que sur le « Congé Mission Expérience Seniors » de la Monnaie de Paris qui propose une formule pour la moins originale. Le salarié peut quitter l’entreprise à partir de 57 ans en touchant 65 % de son salaire. Et ce n’est pas une préretraite car le salarié sera amené à revenir en entreprise au minimum 4 mois pour assurer une mission de tutorat durant laquelle il sera pour le coup rémunéré à 100 %.

Chez France Télécom Orange, la formule consiste à mélanger du temps partiel sur-rémunéré avec une forme de compte épargne. L’accord permet ainsi d’anticiper le départ à la retraite de 24 mois pour les salariés qui acceptent de percevoir une sur-rémunération du temps partiel fin de carrière de 15 % au lieu de 30 % pendant une durée de 3 ans.

La pénibilité aux abonnés absents


Sur les 15 accords analysés, seuls deux intègrent le droit à un départ anticipé au regard de la pénibilité. Ce sont deux entreprises industrielles. La pénibilité peut ainsi justifier des départs anticipés plafonnés à 15 mois chez Thales, contre 7 mois chez Airbus. Les droits à l’anticipation s’acquièrent à partir de 10 ans d’ancienneté sur un poste pénible. Rien de cela chez Dassault Aviation. C'est d’ailleurs ce qui explique la non-signature de la CFDT. Idem chez First Aquitaine Industries, ex-usine Ford, dont l’accord ne reconnaît pas un droit au départ anticipé pour les seniors ayant travaillé en 3X8.

  • En cas de reprise de l’activité en continu, la direction permettrait à 40 % des salariés âgés de plus de 55 ans de ne plus travailler en 3X8.

L'Ugap, une centrale d'achat, intègre la pénibilité au travers d'une majoration de l'indemnité de départ.

Le CEA intègre la reconnaissance de la pénibilité du travail en milieu radioactif avec la possibilité d'anticiper le départ de 5 ans mais dans le cadre d'un accord dédié sur les cessations anticipées d'activité.

Le temps partiel fin de carrière sans compensation


Quatorze des 15 accords décryptés proposent du temps partiel fin de carrière mais seuls 8 prévoient une sur-rémunération qui va de 5 à 30 % par rapport au temps de travail effectif.

  • Carrefour propose par exemple une sur-rémunération du temps partiel, pas son concurrent Auchan.

Les formules sont parfois prés limitatives, comme chez Cap Gemini où il faut avoir 60 ans pour prétendre réduire son temps de travail de 20 % sans sur-rémunération... Dassault Aviation et France Télécom sont les seules entreprises de notre échantillon à s’engager sur une compensation de ce temps partiel seniors au niveau des recrutements. À hauteur de 50 % du temps libéré chez France Télécom et une embauche pour 5 passage à 50 % chez Dassault Aviation.

Prime majorée pour les salariés qui prolongent


Darty est la seule entreprise à majorer l’indemnité de départ à la retraite (3 mois) de 0,1 mois de salaire par année effectuée au-delà de la possibilité de liquidation d’une retraite à taux plein. Une forme de « surcote » maison. Celle-ci est faible mais il y a des entreprises qui raisonnent encore à l’inverse.

Prime dégressive pour les salariés qui prolongent


L’Ugap prévoyait une dégressivité de la prime de départ pour les salariés ayant acquis des droits à une retraite à taux plein mais qui jouaient les prolongation. Le  dispositif a été supprimé à la faveur de l’accord seniors. Dans le groupe France Télévisions on a proposé une carotte de 9 mois de salaire aux salariés de plus de 60 ans disposant de l’ensemble de leurs annuités. Mais attention, passé un certain délai, la carotte disparaît et l’on revient à une indemnité de départ classique. Une forme de dégressivité...

La gestion prévisionnelle des départs

« Il faut que les salariés concernés arrêtent de donner leur date de départ à la retraite longtemps à l’avance s’ils veulent obtenir un plus en matière de prime de fin de carrière » La direction de la SNCF n’avait pas prévu que 1 500 cheminots ayant atteint l’âge de 50 ans (agents de conduite) et 55 ans (agents sédentaires) décideraient de poursuivre leur activité en raison de la réforme des retraites. De quoi revoir les prévisions et autres engagements sur les recrutements. Les directions cherchent donc par tous les moyens à savoir le plus en amont possible quand les salariés décideront de partir.

  • À Science Po, le fait de s’engager sur la date de son départ à le retraite deux ans avant l’échéance permet de gagner un crédit de 24 jours. À l’Ugap, l’indemnité de départ à la retraite est majorée de 10 % si le salarié l’annonce 6 mois auparavant.
  • Au Crédit du Nord, filiale de la Société Générale, la direction s’est un temps interrogée sur l’intérêt d’octroyer une majoration pour les salariés qui annoncent leur départ une année auparavant.

Constatant que la grande majorité des personnes concernées le faisait naturellement, la direction ne voit pas l’utilité de payer pour quelque chose qu’elle obtient gratuitement ! Voilà qui faire dire à la CFDT : « Il faut que les salariés concernés arrêtent de donner leur date de départ à la retraite longtemps à l’avance s’ils veulent obtenir un plus en matière de prime de fin de carrière. » Les avantages inhérents à certaines mesures sont parfois conditionnés à un engagement de départ à une date fixée. À la Société Générale par exemple, le salarié qui ne tient pas son engagement de partir à l'issue de son temps partiel devra rembourser la sur-rémunération versée... Celle-ci est de 5 %.

Tutorat rémunéré


Le tutorat des seniors se retrouve à l’affiche de tous les accords. Ce serait l’une des principales sources d’épanouissement des seniors mais rares sont les accords qui rémunèrent le tutorat au titre de l’enrichissement des compétences et de l’activité. Carbone Lorraine propose une prime de tutorat qui peut atteindre 1,5 mois de salaire pour une mission de plus de 6 mois. L’accord d’ADP s’engage également sur une prime de tutorat. Chez LCL, l’accord « engage une réflexion sur la prise en compte de la réalisation d’une mission de tuteur dans le dispositif existant de rémunération variable individuelle ».

  • Le tutorat des seniors a donc la cote mais certains tiennent à ne pas ghettoïser la démarche. C’est le cas de Bernard Masingue, le directeur de la formation de Veolia qui souligne que l’âge moyen des tuteurs du groupe se situe entre 30 et 35 ans. Bref, le tutorat ne doit pas se transformer en voie de garage pour seniors désœuvrés.

À noter d’ailleurs que sur les 15 accords, il n’y a que celui de Carbone Lorraine qui s’engage à augmenter le taux de promotion des seniors. Vingt pour cent des plus de 50 ans devront être concernés par des promotions en 2010, 25 % en 2011, 30 % en 2013. Chez Latécoère, dont l’accord n’a pas été analysé en détail, l’objectif est plus mesuré. Cinq pour cent : c’est le taux de réussite visée sur les candidatures internes de seniors.

De vieux réflexes restent à combattre. La directrice régionale Rhône du groupe autoroutier APRR affirmait récemment dans un courrier que : « pour les salariés en fin de carrière, il convient de privilégier l’attribution de primes par rapport à l’attribution de points d’indice supplémentaires. » Qu’est ce qui permet aujourd’hui à une direction de décider pour le salarié que l’heure de sa fin de carrière a sonné ?

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