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19 / 08 / 2013 | 9 vues
Social Nec Mergitur / Membre
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Vagues de protestation dans les bibliothèques municipales

Le début d'un phénomène de grande ampleur ? Depuis plusieurs mois, de nombreuses bibliothèques de province se sont mises en grève. Après Rennes l’été dernier et Angers au cœur de l’hiver, cela a été au tour des bibliothécaires de Nantes puis de Bordeaux de répondre en avril à l'appel des organisations syndicales. Ils ont été suivis en juin par leurs collègues lyonnais. Pour tous, un véritable ras-le-bol avec en point d’orgue le manque de moyens pour assurer leurs missions auprès du public dans de bonnes conditions.

Sous-effectif, organisation du travail, action culturelle, politique documentaire… C’est par ces maux que les bibliothécaires décrivent leur quotidien sans être entendus par les élus et l'administration. Une crise existentielle visiblement partagée par toute la profession, quelles que soient la taille et la couleur politique de leur commune d'exercice.

« Depuis longtemps, trop longtemps, le personnel des bibliothèques ressent un profond malaise et il nous semble indispensable de vous l’exprimer ». C'est ainsi que débutait la lettre ouverte que la CGT a envoyée aux élus et à la direction en décrivant par le menu le profond ressenti des bibliothécaires de la ville de Rennes.

Un constat qui ne sera pas démenti par les bibliothécaires nantais, dont la grève a été très suivie en avril dernier : « C'est le mépris de nos compétences ! », déclare ainsi un agent de la médiathèque Luce-Courville à Ouest-France, soutenu en cela par des usagers, comme cette mère de trois enfants affirmant dans le même journal que « l'identification d'un référent est une plus-value. Si je viens ici, c'est pour avoir des conseils pour mes enfants ».

Moteur de ces mouvements sociaux à répétition, un sous-effectif qui semble de plus en plus récurent dans les bibliothèques de France et de Navarre. « On doit faire du neuf avec du vieux et réinventer des choses avec les mêmes moyens », remarque ainsi une bibliothécaire de Lyon-Part Dieu dans un reportage de France3 Rhône-Alpes couvrant la grève de juin dernier.  « Malgré l'ouverture d'un nouveau site, il n'y a pas de création de postes supplémentaires. On reste à l'effectif constant sur l'ensembles des bibliothèques », dénonce de son côté Valérie Pacaud, secrétaire générale de la CGT de la ville de Nantes au moment de la fronde du mois d'avril.

Idem du côté de Bordeaux où le personnel pointe au journal Sud-Ouest « le problème des bibliothèques de quartier, qui sont constamment en sous-effectif au point qu’il faut parfois les fermer soi-disant pour raisons techniques ». C'est à croire qu'ils se sont tous concertés !

Des revendications auxquelles les maires et leurs administrations refusent pourtant de répondre. Au point que cela vire parfois à l’absurde. Alors qu’ils dénonçaient eux aussi le manque de moyens pour assurer leur mission de service public, les bibliothécaires de la ville d’Angers avaient demandé à être reçu par le maire (PS), Frédéric Beatse. Résultat des courses, ce dernier a refusé toute rencontre ! Pas très « fluctuat ». Seule solution pour les syndicats pour obtenir un rendez-vous : un préavis de grève. Après un mouvement suivi à 80 %, le Maire, dans une position devenue des plus « mergitur » sera contraint de recevoir une délégation. « Les revendications sont en cours d'étude par la ville », indiquait dans la presse locale Sylvain Porcher, militant syndical de Sud. On se faisait toutefois une autre idée de la douceur angevine. 

Si ce malaise touche la province, il n’épargne malheureusement pas la capitale. Bien que les bibliothèques municipales parisiennes n’ont plus connu de mouvement social depuis un certain temps, la grogne couve tout de même au sein du personnel. À tel point qu'en fin d'année dernière, ces derniers ont envahi un séminaire des chefs d’établissement présidé par le directeur des affaires culturelles de l’époque, François Brouat, à l'appel de la CGT et de la CFDT.

« Avec le manque de moyens, il devient difficile d'assurer ne serait-ce qu'un service public minimum », s'alarme une bibliothécaire de Yourcenar (XVème) accompagnée de deux collègues. « Nous tournons en permanence sur 40 postes, alors que 45 étaient prévus à l'origine ». Un constat peu amène que rapporte le site ActuaLitté présent lors de l'envahissement. Les réponses, du côté de la Mairie de Paris, sont lapidaires : face au personnel et aux chefs d'établissement, François Brouat signale que « le budget de la ville est difficile à mettre en place » mais que les revendications de tous sont « connues ». Mais pas encore reconnues, comme le note perfidement le site d’actualité culturelle.

Pour faire face aux baisses continuelles d’effectif, la Mairie de Paris ne semble avoir trouvé comme parade que les réductions d’horaire d’ouverture (lire ici), une solution qui était jusqu'ici considérée comme tabou dans la capitale. Cette politique de flux tendu du personnel des bibliothèques parisiennes fait même parfois des victimes inattendues puisque la médiathèque Marguerite Duras (XXème), pourtant l'une des fiertés culturelles de la municipalité, n’a pu en février dernier ouvrir ses portes un dimanche, faute de personnel suffisant ! Voilà ce qui arrive quand on joue petits bras.

En fait, à Paris tout pourrait exploser après les municipales de mars 2014. De nouvelles baisses d’effectifs sont programmées pour la prochaine mandature, murmure-t-on dans les couloirs de l'Hôtel de Ville avec des fermetures probables de bibliothèque à la clef. Comme une sorte de mise en bouche, la bibliothèque jeunesse Saint Louis (IVème) a ainsi fermé sans préavis en début d’année.

La suite ? La bibliothèque Louvre (Ier) est déjà condamnée si l’on en croit une note interne diffusée accidentellement à l’ensemble du personnel du réseau et les menaces qui pèsent sur la bibliothèque Château d’Eau (Xème) n’ont toujours pas été levées. Surtout que la municipalité a programmé l'ouverture après 2014 de deux nouvelles médiathèques (Canopée et Carré Saint-Lazare) pour lesquelles il faudra bien trouver les effectifs quelque part.

Une politique qui va vite devenir intenable pour les bibliothécaires parisiens. Anne Hidalgo, actuellement favorite pour prendre la succession de Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris pourrait alors essuyer un mouvement social d’envergure. Des bobos en perspectives à Paris ?

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