Organisations
Va-t-on vers une liquidation du droit à la formation après l’accord social du 11 janvier ?
Notre pays n’est pas à un paradoxe près et en matière de formation. Il a souvent prétendu simplifier et développer la formation professionnelle tout en parvenant à son contraire (voir la calamiteuse loi de novembre 2009).
Une nouvelle fois sous la pression des pouvoirs publics, les partenaires sociaux ont conclu le 11 janvier dernier un accord qui pourrait aboutir à l’exact opposé de ce qu’on prétendait viser : sécuriser l’emploi.
Dans cet accord, la formation n’est abordée que sur un point marginal qui concerne la portabilité du DIF. En effet et contre toute attente, les partenaires sociaux avaient décidé de réduire à minima la valeur des heures de DIF en 2009, lors d’une rupture professionnelle (9,15 euros). Les partenaires sociaux semblent enfin découvrir que la portabilité telle qu'ils l’avaient imaginée (le transfert d’un OPCA et d’un employeur à l’autre ou vers Pôle Emploi) ne fonctionne pas (ce que nous pressentions et ce sur quoi nous avions alerté la commission des lois de l’Assemblée nationale en mai 2009).
Dans l’article 5 de l’ANI du 11 janvier nous apprenons donc qu’un compte personnel de formation verra le jour dans les meilleurs délais (« il est instauré dans les 6 mois de l’entrée en vigueur du présent accord »).
Ce compte personnel de formation recueillera les heures de DIF des salariés tout en fonctionnant à peu près comme le DIF aujourd’hui (120 heures maximum, un accord de l’employeur, 20 heures d’acquisition annuelle), la sécurisation des salariés passant par la transférabilité (qui se substituerait à la portabilité qui elle-même avait succédé à une première forme de transférabilité).
Même si dans une optique de sécurisation professionnelle la transférabilité des heures de formation via un compte de formation pourrait être une bonne solution, la disparition du DIF (que ce compteur pourrait entraîner) serait un très mauvais coup porté aux salariés, à la formation tout au long de la vie et au maintien de l’employabilité des plus fragiles.
En fait, après avoir accepté (peut-être imprudemment) d’accorder un véritable droit à la formation à tous les salariés de France, les partenaires sociaux profiteraient dix ans plus tard de ces nouvelles négociations pour reprendre de la main gauche ce qu’il avait accordé (peut être imprudemment) de la main droite en 2003.
En ce mois de janvier 2013, la situation est à la fois simple et de plus en plus tendue en matière de DIF :
La formation tout au long de la vie reste hélas mal comprise dans notre pays.
Les salariés l’appellent à la rescousse quand rien ne va plus (plans sociaux, chômage partiel ou rupture professionnelle) alors qu’elle devrait participer de l’anticipation professionnelle.
Les pouvoirs publics l’assimilent à un impôt (si tout le monde règle sa cotisation les salariés seront formés).
Les syndicats l’assimilent quant à eux à une source de financement pour le paritarisme et enfin les entreprises la considèrent comme une dépense flexible qu’il est facile de réduire en cas de crise économique.
Pour les salariés, la formation tout au long de la vie reste donc ambiguë. Ils en ont globalement une bonne image, la plébiscitent dans les enquêtes mais demandent rarement à être formés (surtout pour les moins qualifiés) de peur de perturber leur travail, leur employeur ou de se mettre en danger éducatif.
Pourtant depuis vingt bonnes années, nous sommes entrés dans la société de la connaissance, du savoir et de l’information. Dans ce modèle post-industriel, celui qui ne met pas à jour très régulièrement ses connaissances (Jean Boissonnat parlait de 10 % de son temps travaillé à l’horizon 2015) risque de tout perdre professionnellement : qualification, emploi, employabilité et même capacité à retrouver un travail (d'où l’augmentation très forte du nombre de chômeurs de longue durée).
Demain, le travail sera de plus en plus difficile, exigeant ou spécialisé mais nécessitant toujours des compétences renouvelées (travail en équipe, intelligence émotionnelle, esprit d’initiative, pratique de l’anglais, bonne capacité d’écriture et de lecture en français, culture générale…).
La Cour des Comptes vient de le rappeler une nouvelle fois en janvier 2013 dans un rapport sur l’indemnisation du chômage et les politiques d’emploi :
« Les personnes non qualifiées et peu formées : une population exposée à un risque accru de chômage… Un point commun marquant entre les salariés victimes de restructurations dans l’industrie et les jeunes peinant à s’insérer sur le marché du travail réside précisément dans leur appartenance à la catégorie des personnes peu ou pas formées. Or, ce sont également ces salariés qui accèdent le moins à la formation continue ».
Il faudra pour travailler en Occident être de plus en plus qualifié, entreprenant et volontaire. Mais comment garder une place au travail si personne ne vous accompagne sur les chemins de la connaissance ? L’école ne peut seule pourvoir aux besoins éducatifs de toute une vie professionnelle. Seule la formation tout au long de la vie offre un tel cadre à tous les travailleurs (pas seulement salariés).
Notre pays ne doit plus privilégier le court terme ou subventionner à fonds perdus le travail non qualifié. Nous devons dès maintenant consacrer tous nos efforts et nos budgets à la formation de ce personnel abandonné depuis 20 ou 30 ans à ses postes de travail, jeunes ou seniors sans formation ni éducation poussée.
En 2003, les partenaires sociaux ont inventé un nouveau et révolutionnaire droit individuel à la formation (DIF). Celui-ci avait deux missions : mieux répartir l’effort formation entre tous les salariés (20 heures de formation par an pour tous) mais aussi responsabiliser et interpeller chaque travailleur sur sa formation, son employabilité, ses capacités nouvelles d’apprentissage et d’adaptation.
Si la future loi sociale (qui reprendra l’ANI du 11 janvier) dissolvait le droit à la formation dans un compte personnel formation, notre pays prendrait le risque d’annihiler 10 ans de réformes et d’efforts pour modifier la donne éducative des adultes en France.
Le milliard d’heures de DIF capitalisé se transformerait sans doute en un banal compteur dont les employeurs se désintéresseraient (un peu comme les CIF sur lesquels ils n’ont aucune prise) et la formation du personnel le moins qualifié serait une nouvelle fois remise aux calendes grecques.
Était-ce le l’objectif recherché par les pouvoirs publics quand ils prétendaient « sécuriser l’emploi » ?
Une nouvelle fois sous la pression des pouvoirs publics, les partenaires sociaux ont conclu le 11 janvier dernier un accord qui pourrait aboutir à l’exact opposé de ce qu’on prétendait viser : sécuriser l’emploi.
Dans cet accord, la formation n’est abordée que sur un point marginal qui concerne la portabilité du DIF. En effet et contre toute attente, les partenaires sociaux avaient décidé de réduire à minima la valeur des heures de DIF en 2009, lors d’une rupture professionnelle (9,15 euros). Les partenaires sociaux semblent enfin découvrir que la portabilité telle qu'ils l’avaient imaginée (le transfert d’un OPCA et d’un employeur à l’autre ou vers Pôle Emploi) ne fonctionne pas (ce que nous pressentions et ce sur quoi nous avions alerté la commission des lois de l’Assemblée nationale en mai 2009).
Dans l’article 5 de l’ANI du 11 janvier nous apprenons donc qu’un compte personnel de formation verra le jour dans les meilleurs délais (« il est instauré dans les 6 mois de l’entrée en vigueur du présent accord »).
Ce compte personnel de formation recueillera les heures de DIF des salariés tout en fonctionnant à peu près comme le DIF aujourd’hui (120 heures maximum, un accord de l’employeur, 20 heures d’acquisition annuelle), la sécurisation des salariés passant par la transférabilité (qui se substituerait à la portabilité qui elle-même avait succédé à une première forme de transférabilité).
Même si dans une optique de sécurisation professionnelle la transférabilité des heures de formation via un compte de formation pourrait être une bonne solution, la disparition du DIF (que ce compteur pourrait entraîner) serait un très mauvais coup porté aux salariés, à la formation tout au long de la vie et au maintien de l’employabilité des plus fragiles.
En fait, après avoir accepté (peut-être imprudemment) d’accorder un véritable droit à la formation à tous les salariés de France, les partenaires sociaux profiteraient dix ans plus tard de ces nouvelles négociations pour reprendre de la main gauche ce qu’il avait accordé (peut être imprudemment) de la main droite en 2003.
En ce mois de janvier 2013, la situation est à la fois simple et de plus en plus tendue en matière de DIF :
- un milliard d’heures de DIF : dix millions de salariés en CDI ont capitalisé le maximum de leur compteur (dans le secteur public les compteurs sont eux aussi complets depuis cette année) ;
- moins de 6 % de DIF annuellement réalisés depuis 2004 et donc un risque financier maximal pour des entreprises qui ne peuvent prétendre ne pas connaître le DIF ;
- un dispositif connu par 95 % des salariés du secteur privé confrontés à une crise durable, qui interpelle le plus grand nombre sur le développement de ses compétences.
La formation tout au long de la vie reste hélas mal comprise dans notre pays.
Les salariés l’appellent à la rescousse quand rien ne va plus (plans sociaux, chômage partiel ou rupture professionnelle) alors qu’elle devrait participer de l’anticipation professionnelle.
Les pouvoirs publics l’assimilent à un impôt (si tout le monde règle sa cotisation les salariés seront formés).
Les syndicats l’assimilent quant à eux à une source de financement pour le paritarisme et enfin les entreprises la considèrent comme une dépense flexible qu’il est facile de réduire en cas de crise économique.
Pour les salariés, la formation tout au long de la vie reste donc ambiguë. Ils en ont globalement une bonne image, la plébiscitent dans les enquêtes mais demandent rarement à être formés (surtout pour les moins qualifiés) de peur de perturber leur travail, leur employeur ou de se mettre en danger éducatif.
Pourtant depuis vingt bonnes années, nous sommes entrés dans la société de la connaissance, du savoir et de l’information. Dans ce modèle post-industriel, celui qui ne met pas à jour très régulièrement ses connaissances (Jean Boissonnat parlait de 10 % de son temps travaillé à l’horizon 2015) risque de tout perdre professionnellement : qualification, emploi, employabilité et même capacité à retrouver un travail (d'où l’augmentation très forte du nombre de chômeurs de longue durée).
Demain, le travail sera de plus en plus difficile, exigeant ou spécialisé mais nécessitant toujours des compétences renouvelées (travail en équipe, intelligence émotionnelle, esprit d’initiative, pratique de l’anglais, bonne capacité d’écriture et de lecture en français, culture générale…).
La Cour des Comptes vient de le rappeler une nouvelle fois en janvier 2013 dans un rapport sur l’indemnisation du chômage et les politiques d’emploi :
« Les personnes non qualifiées et peu formées : une population exposée à un risque accru de chômage… Un point commun marquant entre les salariés victimes de restructurations dans l’industrie et les jeunes peinant à s’insérer sur le marché du travail réside précisément dans leur appartenance à la catégorie des personnes peu ou pas formées. Or, ce sont également ces salariés qui accèdent le moins à la formation continue ».
Il faudra pour travailler en Occident être de plus en plus qualifié, entreprenant et volontaire. Mais comment garder une place au travail si personne ne vous accompagne sur les chemins de la connaissance ? L’école ne peut seule pourvoir aux besoins éducatifs de toute une vie professionnelle. Seule la formation tout au long de la vie offre un tel cadre à tous les travailleurs (pas seulement salariés).
Notre pays ne doit plus privilégier le court terme ou subventionner à fonds perdus le travail non qualifié. Nous devons dès maintenant consacrer tous nos efforts et nos budgets à la formation de ce personnel abandonné depuis 20 ou 30 ans à ses postes de travail, jeunes ou seniors sans formation ni éducation poussée.
En 2003, les partenaires sociaux ont inventé un nouveau et révolutionnaire droit individuel à la formation (DIF). Celui-ci avait deux missions : mieux répartir l’effort formation entre tous les salariés (20 heures de formation par an pour tous) mais aussi responsabiliser et interpeller chaque travailleur sur sa formation, son employabilité, ses capacités nouvelles d’apprentissage et d’adaptation.
Si la future loi sociale (qui reprendra l’ANI du 11 janvier) dissolvait le droit à la formation dans un compte personnel formation, notre pays prendrait le risque d’annihiler 10 ans de réformes et d’efforts pour modifier la donne éducative des adultes en France.
Le milliard d’heures de DIF capitalisé se transformerait sans doute en un banal compteur dont les employeurs se désintéresseraient (un peu comme les CIF sur lesquels ils n’ont aucune prise) et la formation du personnel le moins qualifié serait une nouvelle fois remise aux calendes grecques.
Était-ce le l’objectif recherché par les pouvoirs publics quand ils prétendaient « sécuriser l’emploi » ?
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