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SAP France condamnée pour discrimination syndicale
Dans un arrêt du 9 mai 2018, la Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel de Versailles, malgré un pourvoi formé par SAP France.
« Mais attendu, d’abord qu’ayant constaté que le salarié, délégué syndical à compter de 2006 n’avait bénéficié, malgré de bonnes évaluations, d’aucune augmentation de son salaire de base de 2008 et 2009 et que ce n’était qu’à la suite de la saisine du Conseil de prud’hommes en décembre 2009 qu’un rattrapage seulement partiel des différences salariales avait été effectué par l’employeur, la Cour d’appel a pu en déduire l’existence d’éléments laissant supposer une discrimination syndicale et a estimé que l’employeur ne démontrait pas que cette différence de traitement était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».
Au-delà des aspects purement juridiques et relatifs au contentieux de la discrimination syndicale (existence d’un faisceau d’indices, dissimulation de l’intention discriminatoire, incapacité de l’employeur à s’expliquer alors qu’il dispose de tous les éléments de faits…), cet arrêt met en évidence une pratique managériale persistante et peu glorieuse dans l’entreprise SAP en France.
Il a fallu 7 ans de procédure pour que le salarié puisse faire reconnaître son préjudice dans un arrêt d’appel. Pendant ces 7 ans, le salarié a vu défiler à la tête de SAP France 4 directeurs généraux, 5 directrices des ressources humaines et une pléthore de directeurs de relations sociales. Aucun de ces représentants SAP ne tentera de mettre fin à une situation dénoncée, prouvée et finalement reconnue par une autorité indépendante.
D’une part, on peut se demander si le renouvellement rapide à la tête de l’entreprise n’incite pas les dirigeants à ignorer les problèmes et à les transférer à leurs successeurs : à chacun sa croix… C’est de bonne guerre, diront les cyniques mais cela révèle également un sentiment d’irresponsabilité assumée.
C’est l’« entreprise » qui a été condamnée...
D’autre part, suite à l'arrêt du 21 juin 2016 de la Cour d’appel de Versailles, la DRH et le DRS ont été interpelés en réunion de CE sur la condamnation de SAP France pour discrimination syndicale. Ni l’une, ni l’autre ne se sont sentis concernés : c’est l’« entreprise » qui a été condamnée, pas eux…
Enfin, depuis quelques années, l’approche sociale de SAP France prend une forme plus en plus arrogante et méprisante envers les représentants du personnel, qu’ils soient « constructifs » ou non.
Sans doute encouragés par l’air du temps, confiante dans ses capacités à masquer ses turpitudes (arbitraire, subjectivité, mauvaise foi, déloyauté etc. ) derrière un déluge de communication ultra-positive (« people care »…) et un récit naïf, la direction de SAP France ne cesse de prendre des risques autant civils que pénaux. Charge à ses successeurs de les traiter, si jamais ces risques se réalisaient.
La discrimination syndicale (positive comme négative) en fait partie ; elle est délibérée même si elle reste dissimulée dans l’entreprise. Les déclarations d’intentions de « lutter contre toute discrimination » ne font que donner le change ; la réalité demeure plus lâche.