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18 / 02 / 2019 | 60 vues
Karim Lakjaâ / Membre
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Projet de loi de transformation de la fonction publique, un recul social inspiré du privé pour casser le statut et le service public

Le projet de loi sur la transformation de la fonction publique prévoit un recours accru aux contractuels, une fusion des instances représentatives du personnel et leur affaiblissement, un déroulé de carrière et une rémunération au mérite ; il touche à l’harmonisation de la durée du temps de travail dans la fonction publique territoriale (FPT). Le tout dans un calendrier très serré. Olivier Dussopt, Secrétaire d’État en charge du projet, reconnaît qu’il est inspiré du privé.

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Directeurs issus du privé, CDD kleenex, développement des emplois à temps non complet, individualisation des carrières 

Des directeurs généraux issus du privé pour éradiquer la culture du service public et la déontologie du fonctionnaire (neutralité, égalité de traitement des usagers et indépendance) : l’article 5 ouvre la possibilité hallucinante de nommer des gens n’ayant pas la qualité de fonctionnaires dans les emplois de direction de la fonctions publique territoriale. Les DGS et DGA des départements et régions et des communes et EPCI de plus de 40 000 habitants sont concernés notamment.

Un CDD kleenex de six ans : l’article 6 crée un CDD spécifique à la fonction publique, le « contrat de projet », dans la limite de six ans. Il prend fin quand le projet arrive à échéance. Ouvert à toutes les catégories hiérarchiques, ce contrat n’ouvre droit ni à la « CD-isation » ni à la titularisation.

« Oui, nous nous inspirons de ce qui marche bien dans le privé dans le cadre du statut de la fonction publique », déclare Olivier Dussopt. C’est la porte ouverte à la généralisation de la précarité statutaire avec aucun déroulement de carrière.

D’avantage à temps non complet contractuels : l'article 8 élargit le recours au contrat sur les emplois à temps non complet de la FPT et harmonise les conditions de recrutement des fonctionnaires sur ces emplois, quelle que soit la durée du temps non complet. C’est le développement de mini-emplois, comme en Allemagne, en Angleterre ou à la Poste. Comment vivre avec des contrats de huit heures par semaine ? À la précarité statutaire, le gouvernement ajoute la précarité financière.

L’entretien annuel pour individualiser : l’article 10 fait disparaître la référence à la notation du statut général des fonctionnaires et généralise l’entretien professionnel permettant d’apprécier la valeur professionnelle des fonctionnaires.

En plus de la qualification et des fonctions exercées, l'article 11 souligne l'importance du critère de l’engagement professionnel et du mérite de l’agent, quel que soit son statut. Il s’agit ici de supprimer toute dimension collective ou garantie collective en matière de rémunération, d’avancement ou de promotion par l’individualisation. Ce type de dispositif fonctionne surtout sur la tête du client...

Les avantages acquis en termes de temps de travail laminés, des centres de gestion poussés à fusionner

Temps de travail, les avantages acquis laminés : l’article 17 supprime les régimes dérogatoires antérieurs à 2001. Les collectivités locales devront délibérer dans un délai d’un an à compter du renouvellement de leurs assemblées (soit au plus tard en mars 2021 pour le bloc communal, en mars 2022 pour les départements et en décembre 2022 pour les régions). Il s’agit d’augmenter le temps de travail des agents territoriaux.

Fusion des centres de gestion (CDG) : l’article 18 permet aux CDG qui le souhaitent et relevant de la même région « de constituer un centre interdépartemental unique compétent sur les territoires des centres de gestion auxquels il se substitue ».

Le CPF au cœur de la formation des fonctionnaires ou la fin du CNFPT, mobilité, rupture conventionnelle, un dispositif d'accompagnement pour licencier plus facilement

Le CPF contre le droit à la formation : l’article 20 garantit la portabilité des droits acquis au titre du compte personnel de formation (CPF) par les gens exerçant des activités relevant du code du travail et les droits acquis au titre de ce même compte par les agents publics. La possibilité de convertir en euros les droits en heures pour les agents et salariés concernés par une mobilité entre le secteur public et le secteur privé est instaurée. Les heures acquises au titre du CPF pourront être monétisées…

C’est la fin du droit à la formation garanti dans le statut de la fonction publique et assuré par le CNFPT et le développement de la marchandisation de la formation des agents territoriaux.

Unification de la formation des fonctionnaires (notamment des cadres A) au mépris des spécificités des trois versants et fin du CNFPT : l’article 20 prévoit « le rapprochement et de modifier le financement des établissements publics et des services de formation des agents publics » et d'« harmoniser la formation initiale et continue, notamment en matière d’encadrement, des agents publics de catégorie A ».

Le renforcement de la mobilité inter-versant pour supprimer des fonctionnaires étatiques : l’article 21 vise à favoriser la mobilité des fonctionnaires d’État vers les versants territorial et hospitalier en abaissant le taux de la contribution patronale. « Le taux de cotisation pour la retraite est parfois un obstacle à la mobilité (...) [Cet article est une possibilité de] neutraliser ces différences de coûts », admet Olivier Dussopt. L’article 23 rend également possible (mais non obligatoire) la portabilité du CDI entre les trois versants de la fonction publique.

Une rupture conventionnelle pour les contractuels
: l’article 24 institue pour les agents contractuels un mécanisme de rupture conventionnelle aligné sur celui prévu par le code du travail.

L’administration et l’agent contractuel peuvent désormais convenir en commun des conditions de la rupture du contrat à durée indéterminée qui les lie. Cette rupture conventionnelle donne lieu à une indemnité. Mais si l’agent revient dans le public dans les trois ans suivant la rupture conventionnelle, il sera tenu de rembourser cette indemnité ! Dans le privé, la rupture conventionnelle est un moyen de licencier à bas bruit et bas coût.

Pour mieux supprimer des postes, une indemnité de départ volontaire ouvrant droit à l’assurance chômage : l’article 25 crée un dispositif d’accompagnement des agents dont l’emploi est supprimé dans le cadre de la restructuration d’un service prévoyant notamment un « accompagnement personnalisé dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet professionnel et d’un accès prioritaire à des actions de formation » et « un congé de transition professionnelle, avec l’accord de son employeur, d’une durée maximale d’un an, lui permettant de suivre les actions de formation longues nécessaires à l’exercice d’un nouveau métier ». En cas de démission acceptée de l’agent dont l’emploi est supprimé, celui-ci peut bénéficier d’une indemnité de départ volontaire ouvrant droit à l’assurance chômage.

Un dispositif pour mieux privatiser : l’article 26 détermine les conditions selon lesquelles les fonctionnaires affectés dans un service faisant l’objet d’une externalisation vers une personne morale de droit privé sont détachés automatiquement auprès de l’organisme d’accueil.

Dans le cadre de ce détachement, les fonctionnaires concernés bénéficient d’un CDI auprès de l’organisme privé. Celui-ci peut procéder au licenciement du fonctionnaire à tout moment. Ce dernier peut également demander sa radiation des cadres pour rejoindre l’organisme privé avec une prime au passage. Tout est bon pour privatiser les services publics et réduire le nombre de fonctionnaires.

Affaiblissement des instances paritaires et des prérogatives des représentants du personnel

Pour mettre son projet de casse du statut et de démantèlement du service public en œuvre, le gouvernement a besoin d’affaiblir les instances paritaires et les prérogatives des représentants du personnel.

Affaiblissement du CSFPT
: l’article 1 prévoit que le conseil commun de la fonction publique puisse être consulté sur des projets de texte relevant des compétences d’un seul conseil supérieur, sur saisine de son président et après accord du président du conseil supérieur concerné. Dans ce cas, l’avis rendu par le conseil commun de la fonction publique se substitue à celui du conseil supérieur en question.

Le CST en lieu et place des CT et des CHSCT : l’article 2 institue, dans les trois versants, une instance unique, issue de la fusion des CT et des CHSCT, pour les sujets d’intérêt collectif, le « comité social » d’administration, territorial ou d’établissement selon les versants. Une formation spécialisée sera obligatoirement créée au sein du comité social territorial (collectivités et EPCI) en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, à partir d’un certain seuil d’effectifs fixé au niveau législatif pour la fonction publique territoriale (300). Ici aussi, l’inspiration provient directement du privé avec la disparition des comités d’entreprise devenus comités sociaux d’entreprise. Alors que la mise en œuvre des loi MAPTAM, NOTRE et des SDCI, associée à la baisse des moyens du service public, s’est traduite par une dégradation des conditions de travail de agents territoriaux, le gouvernement supprime les CHSCT.

Des CAP vidées de leurs prérogatives : l’article 3 opère au 1er janvier 2020 une réduction des attributions des CAP sur le seul recours en supprimant leurs avis préalables en matière de mutation, de mobilité, d’avancement et de promotion. L’article 9 simplifie les procédures de mutation des fonctionnaires en supprimant la consultation préalable des CAP sur ce type de décision individuelle. L’article 12 supprime la compétence consultative des CAP en matière de promotion de cadres d’emplois et de grades et instaure des lignes directrices de gestion concertées au sein du nouveau comité social.

Encore des ordonnances

Plusieurs articles (4, 16 et 20) prévoient des ordonnances. Par ce procédé, le gouvernement est autorisé à intervenir dans le domaine de la loi qui appartient au seul parlement. Il s’agit d’un procédé anti-démocratique, quoiqu'autorisé par la Constitution. Le recours à moyen juridique en dit long sur la nature du projet de loi.

120 000 supressions de postes de fonctionnaires

Aucun objectif chiffré ne figure pas dans le texte mais le gouvernement a confirmé l’objectif de 120 000 suppressions de postes de fonctionnaires dont 70 000 fonctionnaires territoriaux d'ici 2022. Olivier Dussopt a expliqué que « c’est un objectif de gestion qui ne peut être inscrit dans le projet de loi, qui est toujours d’actualité mais qui repose sur les collectivités dans le cadre du principe de la libre administration ».

La méthode pour y parvenir est celle de la contractualisation budgétaire qui contraint les principales collectivités et EPCI à ne pas dépasser une augmentation de plus de 1,2 % de leurs dépenses de fonctionnement.

Un calendrier contraint pour imposer un recul social

La discussion avec les organisations syndicales des 33 articles du projet de loi est soumise à un calendrier serré. Le conseil supérieur de la fonction publique territoriale entendra Olivier Dussopt le 20 février, puis ses formations spécialisées n° 2, 3, 4 et 5 se réuniront le lendemain afin d’examiner les demandes d’amendements des employeurs et des organisations syndicales. Le 27 février, une séance du CSFPT sera consacrée à un vote sur ces amendements et sur le projet de loi. La CGT a dénoncé le caractère contrait de ce calendrier à la hussarde.

Réaction syndicales

Le 13 février, sept syndicats de fonctionnaires sur neuf ont claqué la porte d'une réunion informelle du conseil commun de la fonction publique.

Au CSFPT, le 13 février également, les syndicats ont protesté contre le calendrier évoquant une démarche à la hussarde.

La CGT, FO, SUD, l’UNEF, l’UNL et l’UNLSD appellent à une nouvelle journée d’action, de mobilisation et de grève le 19 mars.

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