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Pour une législation européenne des travailleurs du transport aérien
Mardi dernier, le tribunal correctionnel de Bobigny a condamné la compagnie CityJet, filiale d'Air France a 100 000 euros d'amende pour « travail dissimulé ». La compagnie est reconnue coupable d'avoir employé des salariés travaillant sur le sol français sous contrat irlandais entre 2006 et 2008. CityJet versera aussi 637 380 euros à l'URSSAF, 20 000 euros aux syndicats SNPL et SNPNC et 233 450 euros aux 27 salariés parties civiles.
CityJet a bien entendu annoncé vouloir faire appel du jugement. La compagnie s'est dite surprise, et persuadée d'avoir été dans son droit. Qu'elle se rassure, elle n'est pas la seule. En février 2010, EasyJet était condamnée pour travail dissimulé et en août de la même année, c'était le tour de Ryanair ; en février 2012, celui de Vueling. Toujours le même scénario : l'inspection du travail qui passe et s'aperçoit que des PNC et des pilotes résidant et travaillant à plein temps à partir de la France sont déclarés en Irlande (ou en Angleterre pour le cas d'EasyJet). Toujours le même résultat : une condamnation, suivie d'un appel de la compagnie qui crie sa bonne foi avant de voir son appel rejeté.
Une fragmentation plus bénéfique aux employeurs qu'aux employés
Si les conséquences sont toujours les mêmes, pourquoi le cas se reproduit-il encore et encore ? La raison est à trouver dans les différents systèmes juridiques au niveau européen. Le cadre légal irlandais donne beaucoup plus de souplesse aux employeurs et des charges patronales beaucoup plus faibles. Pour des compagnies aériennes coincées entre une compétition acharnée et un baril de pétrole stratosphérique, la moindre opportunité d'économiser de l'argent est une bénédiction.
L'Irlande est ainsi devenue le nouveau paradis des employeurs low-costs. Il n'est pas certain que les employés partagent totalement cette vision. Quelque soit le pays d'Europe d'où ils travaillent, ils ne cotisent pour leur retraite qu'en Irlande tout en n'étant guère plus payés qu'un serveur dans un bar. Est-ce légal ? C'est là le fondement du problème et la réponse est pour le moins paradoxale.
Un flou juridique facilitateur
Si l'on écoute les compagnies aériennes accusées, leurs pratiques d'emploi sont parfaitement légales. En effet, celles-ci se réfugient derrière la directive 96/71/CE de la Commission européenne. Conçue à l'origine pour les travailleurs offrant de brèves prestations de service dans un autre pays européens, les compagnies low-costs ont choisi de l'interpréter comme un passe-droit pour déclarer leurs employés dans le pays le plus intéressant pour elles. Ainsi, fin 2010 Ryanair se déclarait-elle en plein accord avec le droit européen puisque ses avions pouvaient être considérés comme irlandais. La compagnie oubliait de mentionner le fait que ses PNC et pilotes résidaient à plein temps dans d'autres pays.
Le fait est que les compagnies aériennes surfent tranquillement sur un flou juridique. D'autant que, si l'on y reprend le cas de Ryanair, après que la commission a été saisie sur la question elle a jugé qu'étant donné que les employés résidaient, commençaient et finissaient leurs journées dans un pays autre que l'Irlande tous les jours, ils ne pouvaient être considérés comme tombant sous le coup de la directive 96/71/CE.
Toutefois, cet avis, s'il est l'interprétation la plus correcte de la directive, n'a pas valeur de loi en lui-même. Les compagnies low-costs continuent donc de profiter d'un flou sur lequel elles préfèrent ne pas trop s'attarder. Il n'y a qu'en France, où un décret de novembre 2006 concernant spécifiquement le personnel navigant de compagnies étrangères, a clairement tranché ce nœud gordien. D'où des procès à répétition pour les compagnies qui se basent sur le sol français.
En attendant, il devient urgent que la loi européenne, censée protéger ses citoyens, mette fin à ces pratiques abusives qui facilitent le dumping social au sein même de l'ensemble européen. Il est anormal que la Commission européenne soit responsable du maintien de distorsion de concurrence et de la précarisation de l'emploi au sein de son propre domaine d’exercice.
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