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20 / 03 / 2015 | 31 vues
Andree Thomas / Membre
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Pour la CJUE, l’égalité salariale s’applique bien aux travailleurs détachés

La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt important le 12 février dernier, sur la reconnaissance du droit des travailleurs détachés à l’égalité salariale. Dans l’affaire « Sähköalojen ammattiliitto » (plus simplement : affaire C-396/13), la Cour de Justice de l’UE devait juger du litige opposant des travailleurs polonais détachés à leur employeur finlandais, qui ne leur avait pas accordé la rémunération minimale pourtant prévue par les conventions collectives.

Rappel des faits : une entreprise polonaise (Elektrobudowa) avait détaché 350 salariés en Finlande pour des travaux d’installation électrique mais n’avait pas tenu compte des accords collectifs finlandais applicables à l’industrie électrique, accords qui s’appliquaient pourtant à tous les salariés. Ainsi, 186 d’entre eux avaient rejoint le FEWU (Finnish Electrical Workers’ Union) qui a déposé une plainte auprès de la juridiction nationale compétente, en défense de l’intérêt de ses membres. Leur recours portait notamment sur la rémunération perçue par les salariés polonais détachés, qui se voyaient appliquer un taux de salaire inférieur au minimum prévu par la convention collective.

  • La directive sur le détachement de 1996 prévoit qu’en matière de taux de salaire minimal, les conditions de travail et d’emploi garanties aux travailleurs détachés sont fixées par la réglementation de l’État membre d’accueil ou par les conventions collectives d’application générale (ce qui est le cas en Finlande).


Dans son recours, le syndicat finlandais interrogeait la CJUE sur la notion de taux de
salaire minimal : ce taux couvre-t-il tous les éléments de rémunération tels que précisés dans la convention collective finlandaise (critères de calcul de la rémunération plus favorable que ceux appliqués par l’entreprise polonaise, c'est-à-dire indemnités, primes de trajets, de vacances etc.) ou ce taux de salaire minimal est-il au contraire compris a minima limité à ce que prévoit l’entreprise polonaise ?


Lors de la saisie du juge européen, Force Ouvrière avait été sollicitée par la CES pour formuler ses revendications. Elle avait demandé au gouvernement français d’appuyer une position forte, devant la Cour, en défense des travailleurs détachés et notamment que la Cour retienne une conception large de la rémunération minimale, de manière à lutter contre le dumping salarial. C’est notre position et celle du syndicalisme européen qui a prévalu à la Cour.

La CJUE a interprété l’article 3.1 de la directive 96/71 sur le détachement, en ce sens que le travailleur détaché doit se voir garantir le taux de salaire minimal du pays d’accueil, c'est-à-dire celui dans lequel il exécute sa prestation. En clair, c’est bien la notion de salaire minimum telle que définie dans la convention collective finlandaise qui s’applique aux travailleurs détachés polonais.

La Confédération européenne des syndicats (CES) s’est félicitée de cet arrêt qui « marque un début de rupture par rapport à la jurisprudence du cas Laval de 2007 », puisque la Cour n’a pas retenu l’avis selon lequel le principe d’égalité salariale entre tous les travailleurs était un obstacle à la libre prestation de services et une protection injustifiée du marché du travail national (sic).

Désormais, au niveau européen, il est juridiquement obligatoire de rémunérer au moins au même niveau, un travailleur détaché et un travailleur national, effectuant les mêmes tâches.
Dans son appel au gouvernement et à la Cour, Force Ouvrière poussait également le gouvernement français à se saisir de la question de l’introduction d’un salaire minimum européen, contrepoids nécessaire à la libre circulation des travailleurs dans l’UE. Enfin, Force Ouvrière avait demandé une révision de la directive sur le détachement, « pour que les États membres précisent clairement que les libertés économiques ne peuvent en aucun cas prendre le pas sur les droits sociaux fondamentaux. Il en va du projet politique et social européen et de la confiance des peuples dans l’Union européenne ». Ces revendications sont toujours d’actualité.

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