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26 / 08 / 2021 | 53 vues
Alain Arnaud / Abonné
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Vers un retour aux sources de l'économie d'intérêt collectif

Militer pour entreprendre autrement. Personne (ou presque) ne doute aujourd’hui que le contexte économique, social, environnemental, sanitaire et démocratique dans lequel le monde est désormais pleinement engagé nécessite de profondes remises en cause de nos modes de production, de consommation et de vivre ensemble. Il semble que les alertes sur le climat (de plus en plus alarmantes), le creusement des inégalités (de plus en plus criant) et l’éloignement des citoyens de leurs institutions (de plus en plus tangible) aient réveillé certaines consciences sur la nécessité de changer de paradigme économique et de modifier la trajectoire d’un système ayant atteint ses limites.

 

Actrices du développement et mailles essentielles du tissu économique, il y les entreprises dont le rôle dans cette transition ne peut qu’être interrogé. Au-delà de leur contribution à la croissance économique, nécessaire pour financer un haut niveau social, elles sont, depuis plusieurs années, fortement incitées à prendre conscience de leur responsabilité sociétale et environnementale et à la traduire dans les actes.

 

Parallèlement, afin d’accompagner ce mouvement de responsabilisation, de nouvelles notions sont apparues dans la législation française, l’entreprise sociale avec la loi Hamon de 2014, l’entreprise à mission avec la loi PACTE de 2019, tandis que la réglementation européenne transposée dans les droits nationaux invite les entreprises à déclarer leurs performances extra-financières en faveur des enjeux sociaux et environnementaux dans un rapport spécifique.

 

On observe ainsi que de plus en plus d’entreprises ont engagé des démarches de RSE et que certaines d’entre elles se sont déclarées comme entreprises à mission dans le cadre de la loi PACTE.

 

De leur côté, malgré leur statut historique spécifique, de grandes organisations de l’ESS s’interrogent sur leur raison d’être à l’aune des défis de cette transition économique, sociale et environnementale qui bouleverse nos sociétés et certaines ont fait le pas d'également se déclarer comme entreprises à mission. Que faut-il penser de tout cela ?

 

D’abord, il est heureux de constater que face à l’évolution du monde telle que nous la vivons, cette prise de conscience se manifeste, à commencer par celle des politiques publiques qui ont élaboré ces réglementations incitatives en application des objectifs de développement durable de l’ONU. Pour autant, les débats sémantiques qui avaient eu lieu hier avec l’avènement de la notion d’entreprise sociale sont aujourd’hui ravivés car de nombreuses questions se posent. 

 

Pourquoi les organisations de l'économie sociale et solidaire « historique » s’interrogent-elles sur leur raison d’être alors qu’elles ont une mission sociale statutaire bien caractérisée, appuyée sur un mode institutionnel, collectif, militant et non lucratif ?

 

Est-ce que l'entreprise sociale qui privilégie une dynamique individuelle et capitalistique pour rechercher une utilité sociale à son projet d'entreprise ne va pas être tentée d’utiliser son agrément à des fins de marketing et de conquête de marché ? Quelle est la réalité de ses louables intentions et comment est-elle contrôlée ?

 

Ces mêmes interrogations se posent avec encore plus d’acuité pour les entreprises classiques qui se déclarent entreprises à mission, dont certaines sont cotées en bourse et sont, de ce fait, davantage dans une logique de rendement des capitaux investis que d’effets sociaux et environnementaux. Les réponses à ces questions sont probablement diverses et complexes mais elles sont en lien avec ce mouvement mondial de responsabilisation qui traverse nos sociétés, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, même s’il reste énormément à faire.

 

Quel que soit leur statut, on n’empêchera effectivement pas les acteurs économiques de s’inscrire dans cette nécessaire transformation du monde, s’ils en ont la volonté, et pour une fois de se projeter dans le temps long. Mais c’est aussi du côté de l’économie publique et de l’économie sociale et solidaire que ces questions se posent et il convient de les analyser.

 

C’est pourquoi, fidèle à sa vocation de recherche et d’information sur les systèmes économiques qui créent de la valeur collective, le CIRIEC va organiser un débat, le 16 novembre prochain, pour tenter d’appréhender le sens de ces évolutions et tous ceux qui voudront faire part de leurs analyses, témoignages et expériences seront invités à y participer.

 

Aujourd’hui, de nombreuses initiatives sont prises, notamment par la jeune génération, moins préoccupée par le choix du statut que par la réussite du projet élaboré. Le moment est donc venu de montrer la voie et de militer pour entreprendre autrement car nous savons dans le monde de l’ESS que celle-ci est porteuse de valeurs dont notre société a besoin et qu’elle est aussi un formidable levier d’émancipation.

 

Bien entendu, il faut en apporter la preuve et faire la démonstration qu’en conciliant l’économie avec les valeurs universelles de solidarité, de partage et de démocratie, l’ESS a une utilité sociale et collective supérieure à celle de l’économie néolibérale qui a démontré ses limites et ses dégâts en termes d’humanisation, de répartition de la richesse créée et de consommation des ressources de la planète. Les grandes réussites du monde de la coopération et celui de la mutualité en témoignent, notamment dans la distribution, la banque et l’assurance.

 

Mais cela ne suffit pas et il reste à convaincre l’opinion publique et les gouvernants que les principes et les valeurs portées depuis longtemps par l’ESS doivent être à la base du modèle économique de demain. L’actuelle Secrétaire d’État à l’économie sociale, solidaire et responsable semble en être convaincue lorsqu’elle déclare à Convergences : « Cette économie responsable est le défi du XXIe siècle : une refonte de la notion d’entreprendre qui allie performances économiques et responsabilité sociétale » (https://www.convergences.org/wp-content/uploads/2021/07/BES-2021_FR_VF-4.pdf).

 

Alors, un retour aux sources de l’économie d’intérêt collectif ?

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