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19 / 06 / 2020 | 141 vues
Secafi (Groupe Alpha) / Abonné
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Six secteurs d'activité à l'heure de la reprise ou de la continuité de l'activité

La reprise ou la continuité de l’activité dans les entreprises et les usines va sans doute mettre plus de temps que ce qui était escompté, en raison non seulement des contraintes posées par les protocoles sanitaires mais également de la désorganisation de la production au niveau mondial qui affecte très fortement des pans entiers de l’économie française. Nous avons choisi de faire un premier état des lieux de ce que nos experts constatent dans plusieurs secteurs d’activité : santé et médico-social, services, spectacle vivant, automobile, banque et fonction publique. Nous aurons l’occasion d'élargir ces premiers constats en septembre prochain.
 

Traits d'Union N°111 - Juin 2020

 

Établissements de santé et établissements médico-sociaux : un dialogue social de qualité est nécessaire pour réfléchir aux enjeux post covid-19.

 

La notion de reprise d’activité n’a pas beaucoup de sens car les hôpitaux, cliniques, EHPAD et structures médico-sociales accompagnant les adultes et les enfants handicapés n’ont jamais fermé leurs portes. Depuis le déconfinement, hôpitaux et cliniques accueillent de nouveau en consultations et opérations courantes, ce qui n’était plus le cas depuis le début du confinement durant lequel les services étaient reconfigurés pour accueillir les patients du covid-19 et les pathologies lourdes. Comme partout où le public est accueilli, cela soulève la nécessité de mettre une nouvelle organisation des flux en place : tri des patients avant l’entrée, sens de circulation, gestes barrières etc. Mais tous ces sujets avaient déjà été gérés par le plan blanc et le plan blanc élargi propres au secteur.
 

La particularité du secteur est que, dès le début de la crise, il a connu une situation paradoxale : une sur-activité (dans les services consacrés aux patients du covid-19) et une sous-activité (dans les services qui n’étaient plus ouverts au public). On a pu demander aux soignants de réaliser des tâches administratives (archivages etc.) et, dans certains établissements, des compteurs d’heures négatives ont été mis en place. Sur-activité et amplitude horaire inédite ou heures négatives, les deux sont fortement anxiogènes et le secteur, déjà mis à rude épreuve depuis des mois, sortira de la crise sous tension et meurtri. « Un dialogue social de qualité est indispensable pour réfléchir aux enjeux post-covid-19. Le temps venu, il va falloir que les directions et les représentants du personnel passent ce qui a bien marché en revue (en termes d’organisation et de coopération inter-professionnelle notamment) et ce qui a moins bien fonctionné, pour engager des réflexions nouvelles sur le travail. Une approche différente est nécessaire sur de nombreux sujets, rejoignant les enjeux plus larges relatifs aux moyens économiques, aux conditions de travail et à la reconnaissance professionnelle », assure Sophie Rousseau, consultante Secafi.

 

Services : le télétravail s’est installé durablement et doit être réfléchi en concertation

 

Certains services ont connu une baisse d’activité mais ce n’est pas systématique, de même qu’il n’y a pas forcément eu de fermeture de site. La particularité du secteur est qu’il a massivement basculé en télétravail. Un sujet jugé parfois non prioritaire ou même tabou dans certaines entreprises a dû être repensé en période de crise et de nouvelles organisations du travail ont été mises en place. Le déconfinement et la « reprise » d’activité partent de cette situation, avec un travail à distance qui se poursuit. On observe une vraie réticence des salariés à retrouver le chemin du bureau et cette aspiration doit être prise en compte dans l’organisation du travail. Bon an mal an, les salariés se sont appropriés les outils numériques, avec un apprentissage en force pour certains. On ne peut que constater qu’au bout de quelques semaines de nouvelles habitudes ont été prises, notamment avec les visio-conférences : les communications sont plus fluides, plus efficaces et mieux régulées quand il y a un nombre important d’interlocuteurs. « C’est le moment pour les directions et les représentants du personnel d’inventer un télétravail mieux encadré, plus confortable et plus respectueux de la relation entre le salarié et l’entreprise », estime Nicolas Cauchy, consultant Secafi.

 

Spectacle vivant : le secteur va devoir réinventer son processus créatif 

 

Les festivals d’été n’auront pas lieu mais, depuis le 2 juin, les théâtres et les salles de spectacles ont l’autorisation de rouvrir leurs portes en zone verte. Pendant tout le confinement, les représentants du personnel et les directions réfléchissaient déjà aux modalités : jauges beaucoup plus basses (un siège sur trois, une rangée sur deux, par exemple), flux de spectateurs gérés, via différents accès, parcours fléchés pour éviter que les gens ne se croisent, suppression des entractes etc. Évidemment, les conséquences économiques d’une telle réorganisation sont différentes dans le secteur privé (pour lequel la billetterie est la principale source de revenus) et dans le secteur public (pour lequel les subventions représentent l’essentiel des ressources).
 

Mais l’accueil du public n’est pas forcément le sujet principal de la reprise ou, en tout cas, il n’est pas le seul. Un autre enjeu de taille, au-delà des conditions d’accès des spectateurs qui vont naturellement faire l’objet de protocoles sanitaires, est de pouvoir continuer de réaliser des productions dans le respect des gestes barrières. Beaucoup de situations deviennent impossibles, touchant à l’essence même du spectacle vivant (mise en scène, jeu et travail collectif) : les contacts physiques entre les acteurs ou les danseurs (une poignée de mains, une accolade, un baiser, un porter etc.), la proximité des chanteurs, les grandes scènes d’opéra ou de danse avec plus de dix artistes sur scène en même temps, les habillages… Le simple concept d’un orchestre réuni dans une fosse pose problème, quand on sait qu’un instrument à vent projette des particules sur une surface de 7m2 autour de lui. Tout un écosystème est touché, du fait du très grand nombre de corps de métiers impliqué dans une production. « Réinventer les mises en scène plus adaptées, réexplorer les répertoires différemment… Le secteur va devoir revoir son processus créatif pour s’adapter à ces nouvelles contraintes », observe Alexandre Cella, consultant Secafi.
 

Automobile : la crise sanitaire est l’occasion pour la commission SSCT de prendre toute sa place

 

Les constructeurs automobiles considèrent que la reprise de la production devra être tirée par les ventes donc les usines fonctionnent au ralenti (même depuis le déconfinement) et majoritairement sur la base du volontariat. Les protocoles sanitaires lourds appliqués dans les sites en activité entraînent de fortes pertes de productivité et risquent parfois d’être compromis par des contraintes techniques. Si la protection de la santé des salariés est actuellement une priorité, la réalité économique obligera sans doute les partenaires sociaux à des arbitrages. Il s’agira alors de trouver un équilibre entre des protocoles sanitaires moins contraignants afin de permettre à l’entreprise de produire et de conserver la santé des salariés comme un objectif prioritaire.
 

Dans ce contexte, les représentants du personnel ont un rôle à jouer : remonter des éléments de terrain, des « angles morts » qui échappent aux directions, de manière à adapter les protocoles aux mieux. Ils peuvent proposer des alternatives qui sont en général écoutées. « La commission SSCT, qui avait parfois du mal à trouver sa place et à remplir sa fonction, trouve ici toute sa pertinence. De plus, de nombreux élus sont nouveaux : il est donc indispensable qu’ils se forment pour prendre la pleine mesure du rôle qu’ils peuvent jouer dans ce contexte et soient en capacité de l’assumer », observe Alexia Visca, consultante Secafi.

 

Banque : le maintien des objectifs commerciaux annuels malgré deux mois de confinement préoccupe les représentants du personnel.

 

Avant la crise, le secteur bancaire était plutôt avancé en matière de télétravail, avec des accords déjà bien en place et qui fonctionnaient. Pendant le confinement, la banque n’a pas eu recours à l’activité partielle ; le télétravail (souvent organisé par roulement pour maintenir une présence en agence, même si ces lieux n’étaient pas ouverts au public) a été étendu à la plupart des métiers pour assurer une continuité de service. Depuis le 11 mai, le déconfinement se fait en douceur, avec des protocoles adaptés aux niveaux de risque potentiel (services centraux et accueil du public).
 

Mais si l’activité bancaire n’a pas été interrompue pendant le confinement, elle a été très concentrée sur le montage de dossiers « PGE », le fameux prêt garanti par l’État : au 22 mai, près de 450 000 dossiers avaient été déposés. « Pendant deux mois, ces dossiers ont dû être traités dans des délais contraints. Il s’agit d’une surcharge de travail significative pour le back-office et le front office, pour des tâches qui n’entraient pas dans la définition des objectifs commerciaux annuels. La question de la prise en compte de la crise et de ce surcroît d’activité spécifique dans les objectifs commerciaux va être au cœur des échanges entre directions et représentants des salariés », souligne Ludivine Egretaud, consultante Secafi.

 

Fonction publique : confinement et déconfinement sont des facteurs d’augmentation des incivilités vis-à-vis des agents donc du risque de RPS.

 

Pour assurer la continuité du service public, beaucoup de services ont continué de fonctionner sans pouvoir bénéficier du télétravail, ce qui a créé une grande distorsion de traitement entre les agents. Quand le télétravail était possible, on s’est heurté à un certain nombre de sujets : manque de matériel (les enseignants ne disposent pas d’un ordinateur professionnel, par exemple), accès aux données sécurisées et un certain manque de pratique, voire une réticence, du management. Pour les gens qui ont continué d’assurer un accueil du public, les conditions de travail se sont compliquées, avec des protocoles lourds dans des lieux souvent déjà surchargés en temps normal (salles d’attente trop petites, longues files…). « La lourdeur des protocoles a donné lieu à des situations potentiellement anxiogènes pour les agents et pour le public, avec une hausse des incivilités. La situation n’a pas changé avec le déconfinement, au contraire. Les représentants du personnel vont devoir être vigilants sur la montée de facteurs de risques psychosociaux », estime Patrick Loire, consultant Secafi.
 

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