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17 / 01 / 2025 | 10 vues
Etienne Taillebourg / Membre
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Services RH de la DGFIP: Les soutiers ne rament plus...ils écopent !

Comme pour toutes les réformes en cours à la DGFiP, les choses se font à marche forcée dans les ressources humaines (RH).

 

A la manœuvre, une volonté farouche d’économiser en industrialisant les process à outrance et en redistribuant les rôles. Nous  constatons  aujourd’hui les résultats de ces choix avec une dégradation symétrique des conditions de travail des 2 500 agents affectés dans des missions RH et le désappointement des «  usagers  » que nous sommes tous.

 

LE PILOTAGE À LA DIRECTION GÉNÉRALE, LA GESTION AUX DIRECTIONS

 

Au printemps 2022, une nouvelle organisation des bureaux rattachés au Service des Ressources Humaines (SRH) fut décidée. Il aura fallu attendre presque deux ans pour que ce nouvel organigramme se traduise concrètement par des déménagements au sein de Bercy. Il fallait bien que la Centrale connaisse son « NRP » : ce furent les services RH qui ont été les premiers à trinquer ! A cette occasion, la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) a rejoint le SRH aux dépens de SPIB.

 

Dans la foulée, la Direction générale a décidé le transfert de plusieurs missions effectuées en son sein vers le Service d’Appui aux Ressources Humaines (SARH).

 

Sans être exhaustif, le nouveau « Pôle évolution de carrière  » de cette Direction nationale spécialisée est en charge depuis cette date du traitement des déclarations des services publics et privés (DSPP) des stagiaires et des avancements d’échelon pour tous les agents de la DGFiP, indépendamment du corps. Dans la sphère informatique, le département de la gouvernance et du support (DGS) a aussi effectué sa mue et s’inscrit désormais comme la GRH des agents affectés dans les SSI-DPN-DTNum-DISI. Ces structures comptent 3 570 agents dans le réseau et 1760 en centrale.

 

DÉCONCENTRATION ACCRUE SANS RESSOURCES SUPPLÉMENTAIRES

 

Dans la continuité de la politique voulue par la DGAFP, la DGFIP décline l’individualisation des carrières dans le cadre d’une déconcentration au profit du niveau local. En soi, la définition est attrayante puisque la démarche consiste pour une administration centrale à « transférer son pouvoir à des représentants locaux au sein de circonscriptions territoriales, tout en ayant autorité sur eux  ».

 

Le souci est que notre administration a sous-estimé, non seulement la charge du transfert, mais aussi celle des nouvelles missions implantées dans les services RH locaux.

C’est ainsi que suite au déploiement de SIRHIUS en 2018, la Direction générale a cru bon de transférer immédiatement une part importante des emplois implantés dans ces services vers les centres de services des ressources humaines (CSRH).

 

La même approche a prévalu suite à la création du service d’information aux agents (SIA). Là où le bât blesse c’est que de SIRHIUS découlent des processus intégrés. Si les services RH locaux encodent des informations erronées, c’est la chaîne dans son ensemble qui en pâtit : paie, GPEEC, etc ... De plus, dans le nouveau contexte de «  responsabilité des gestionnaires publics » (RGP), tous les acteurs de la chaîne sont exposés.

 

Dans ces services comme dans les autres nous  constatons  que la méthode « coué » revendiquée par la Direction générale s’impose. Pour nous, c’est un peu léger au regard des enjeux !

 

UNE PERTE DE REPÈRES AU PIRE MOMENT

 

Notre syndicat  déplore l’abandon de la raison d’être des services RH, à savoir la prise en charge de l’agent dans sa globalité. Nous maintenons qu’il est impératif de conserver des services RH de proximité suffisamment proches des agents pour répondre à ces derniers. Dans un monde administratif de plus en plus complexe, la réponse doit être adaptée aux intéressés sans quoi les observatoires internes ne cesseront de se dégrader.

 

Pour nous professionnaliser la RH aboutira à un échec si la connaissance fine des agents d’une direction se perd au profit d’une industrialisation des processus et d’une hypertrophie de nouvelles missions comme le recrutement à tout-va.

 

Aussi dénonçons nous  le timing des réformes dans la sphère RH. Celles-ci ont été menées conjointement au déploiement du nouveau réseau de proximité (NRP). Quelle entreprise, quelle administration, mettrait «  cul par-dessus tête  » toute son organisation en commençant par mettre à terre les services en charge de la gestion de ses « collaborateurs » ?

 

La DGFiP n’a pas hésité à le faire au grand dam de ses agents et plus particulièrement de ceux affectés dans les services RH. L’audit 2023/2024 sur la chaîne RH imposait une réponse … Nous devrons nous contenter d’une note.

 

UNE NOTE EN GUISE DE MEA-CULPA !

 

Face à ce paysage désormais fragmenté où les agents cherchent «  qui fait quoi et où  », la Direction générale s’est fendue d’une note en novembre 2024 portant sur le « rôle et l’organisation des acteurs RH au sein de la DGFiP ».

Sans déflorer son contenu, force est de  constater que les gardiens du dogme peinent manifestement à se remettre en cause. Pour preuve, vous trouverez infra quelques morceaux choisis :

- «  la DGFiP s’est enrichie de services à compétences supra-départementale » : il s’agit plus d’un démantèlement que d’un enrichissement.

- « ces services sont venues compléter ceux existants » : Précédemment, les services RH de proximité répondaient aux besoins.

Affirmer qu’ils devaient être « complétés » consiste à sous-entendre que la mission n’était pas exécutée dans sa globalité.

Ce qui est parfaitement inexact.

La finalité de la réforme en cours consiste à éloigner les agents des services RH locaux pour y faire prospérer de nouvelles missions comme le recrutement et l’individualisation des carrières.

-« la construction d’un parcours RH à destination des agents ».

La lecture de la note est édifiante : factuellement, c’est un dédale d’intervenants qui s’offre aujourd’hui aux agents !

 

INDIVIDUALISER LES CARRIÈRE ET ÉLOIGNER LES SERVICES RH DES AGENTS : LA CONTRADICTION À LA MANŒUVRE

 

Les services RH locaux, officiellement dénommés : services RH départementaux (SRHD) n’effectuent plus certaines tâches de gestion qui relèvent de services à compétence supra-départementale. Ils ne peuvent donc plus renseigner aisément leurs agents sur le « timing » et la qualité de la mise à jour de l’information. Malgré tout, la note de novembre 2024 attend d’eux qu’ils soient des « gestionnaires incontournables et polyvalents ».

 

Ce défi est quasiment impossible à tenir au regard de la multiplicité des intervenants qui s’égrainent au niveau national (bureaux de gestion, MAC, DEST, SIA, PNSR, ENFIP etc.), au niveau supra départemental (CSRH, DDG, etc.) et local (SRHD, Formation professionnelle).

L’effet le plus prégnant de cette organisation porte sur l’individualisation des carrières. Le concept a été posé par la Loi de transformation de la Fonction publique (LTFP) de 2019. Rappelons que cette Loi, dont nous continuons de revendiquer l’abrogation, n’a pas fait que transformer le cadre et les pratiques du dialogue social.

 

La déclinaison de l’individualisation des carrières repose pour partie sur le compte-rendu d’entretien professionnel (CREP).

Après avoir déployé l’outil interministériel ESTEVE en 2023, la Direction générale a demandé aux services RH locaux de former pas moins de 11 000 évaluateurs qui sont les supérieurs hiérarchiques directs des agents évalués. Parmi eux, de nombreux nouveaux cadres A n’étaient pas demandeurs de cette nouvelle mission. Il n’est pas certain que les subtilités de nos lignes directrices de gestion (LDG) soient maîtrisées par tous (cf les 30 points des tableaux synoptiques des CREP des catégories C et B pour atteindre une éventuelle promotion sur un tableau d’avancement).

Notre syndicat tient à rappeler  r l’importance du rôle des RH locaux sur la complétude des CREP effectués par des évaluateurs qui sont en mobilité entrante dans nos services afin d’anticiper les « dérapages » dans les évaluations qui peuvent avoir des conséquences délétères.

 

L’individualisation des carrières passe aussi par la prise en compte du mérite et donc par une lecture « en profondeur » du CREP. Sur ce point, notre organisation syndicale s’inquiète des mentions qui figurent dans les notes de campagne (promotions à titre personnel, échelons spéciaux…).

Celles-ci exigent des services RH locaux de consulter le dossier d’un agent sur l’intégralité d’une carrière avant de se prononcer. Cet exercice s’appliquait jusqu’alors aux listes d’aptitude et donc lors d’un changement de corps. Il se décline désormais pour des avancements d’échelon, sous couvert de tableau d’avancement, à moyens constants pour les services RH locaux.

 

Notre syndicat  s’abstiendra d’évoquer dans le détail le récent détachement dans l’emploi fonctionnel de chef de service administratif (CSA) qui concerne les cadres supérieurs.

 

Au cas d’espèce, le concept d’individualisation des carrières est poussé à son paroxysme et rien ne dit que les services RH de proximité arriveront à faire du « cas par cas » sans faire de cas...se. Preuve en est le déploiement du NRP qui a donné des sueurs froides aux gestionnaires RH. La fin de la garantie de rémunération post NRP de 6 ans approche et de nombreux agents vont se tourner vers les services RH afin d’amortir le choc financier (promotion, autre affectation, détachement sur un emploi fonctionnel, « booster » indiciaire…).

 

L'INDIVIDUALISATION DES RECRUTEMENTS : EXIT LES MOUVEMENTS DE MUTATION POUR LES IDiv, IP ET AFiPA !

 

Au 1er janvier 2025, plus de la moitié des inspecteurs, la totalité des inspecteurs divisionnaires (IDiv), des inspecteurs principaux (IP) et des administrateurs des finances publics adjoint (AFiPA) seront affectés au choix. Moins de la moitié des cadres A, la grande majorité des cadres B et C parviennent encore à sauver des mouvements significatifs au niveau national. Les services RH locaux doivent donc aider, voir rédiger, les fiches de poste puis veiller à la diffusion de ces dernières sur les bons canaux. Elles assistent dans la plupart des cas aux entretiens de recrutement et informe l’heureux élu, ainsi que ceux qui « restent sur le carreau ».

L’exercice s’avère particulièrement chronophage et expose aux critiques lorsqu’une erreur de casting se dessine.

 

Le coupable est alors tout trouvé : le service RH local !

 

Les professionnels du recrutement du secteur privé savent à quel point l’exercice est rendu difficile alors que leur activité est centrée uniquement sur le recrutement et rien d’autre.

 

UNE DIVERSIFICATION QUI FAIT PERDRE LA TÊTE

 

Une conséquence d’envergure de la Loi de transformation de la Fonction publique (LTFP) pour les services RH de proximité aura été la montée en charge des contractuels.

 

En 2023, c’est plus de 23 000 candidatures que les services RH locaux auront dû traiter. Ces nouveaux agents cumulent les défis pour les services  : la réglementation les concernant est spécifique, ils ne sont pas formés et n’ont pas vocation, de prime abord, à s’inscrire dans la durée au sein des services de la DGFiP.

 

Bonne élève, la DGFiP a proposé plusieurs campagnes depuis 4 ans afin d’amener les contractuels à un volume de près de 5  % de ses effectifs. Parallèlement, la direction générale a déconcentré la gestion des recrutements au niveau local en donnant la main aux di- rections locales via des outils comme CASOAR (suivi des autorisations de recrutement) et PASSERELLES. La phase de recrutement est la plus lourde pour les services RH locaux.

 

Si l’exercice était déjà connu pour les vacataires, les agents en situation de handicap et les agents PACTE, il s’avère être au cas d’espèce d’une autre ampleur notamment lorsqu’un service relocalisé est installé dans la direction !

 

Les services RH locaux doivent parallèlement négocier les revalorisations salariales. Un exercice qui est loin d’être anodin pour toutes les parties surtout lorsqu’il s’agit d’un contractuel qui occupe un emploi « en tension ». À n’en pas douter, les « cdisations » s’imposeront à moyen terme afin d’assurer la pérennité des services.

La diversité des recrutements s’affiche aussi avec l’inflation des apprentis. Si la DGFiP comptait 478 apprentis au 31 décembre 2022, elle a pulvérisé son objectif de 109 % sur la scolarité 2023 – 2024 avec 828 apprentis.

C’est un engagement pour les maîtres d’apprentissage, mais aussi pour les services RH locaux qui doivent s’assurer du suivi administratif.

 

Le même constat vaut pour l’accueil des stagiaires à la DGFiP avec 1 987 stagiaires accueillis en 2023, soit 6 % de plus par rapport à 2022. Sans aller plus loin, le suivi des stages pratiques probatoires sur les catégories A et B est un déport de charge dont se passeraient bien les services RH locaux même si l’alerte ne doit porter que sur les stagiaires en difficulté.

 

PRÉPARER DEMAIN AVEC LES MOYENS D'HIER

 

La note de novembre 2024 précise que «  les SRHD contribuent à renforcer l’attractivité de la DGFiP par leur rôle primordial en matière de recrutement  ».

En d’autres termes, les services RH locaux sont invités à prendre leur bâton de pèlerin afin d’aller porter la bonne parole dans les salons d’étudiant ! Tous les moyens sont bons afin d’améliorer notre taux de sélectivité aux concours quitte à participer à des « nuits de l’orientation » comme nous le voyons sur un site local d’Ulysse !

 

Afin de parer aux opérations de transfert et de renouvellement des compétences du fait des départs en retraite, les services RH locaux ont dû codifier dans SIRHIUS les métiers exercés dans les services de la DGFiP.

Hélas, la table « socle » était celle du Référentiel des Métiers et des Fonctions Publiques (RMFP) qui ne se prête pas au spectre de la diversité des métiers que nous exerçons dans nos services. Mais il fallait que ça rentre !

 

Au final, le référentiel des métiers de la DGFiP se structure sur une cinquantaine de métiers, répartis en 4 domaines fonctionnels et 14 familles. Nous  avons  de réels doutes sur cet outil censé offrir une lisibilité « sur les parcours de développement des compétences ». Par contre, il aura demandé un travail fastidieux aux services RH locaux.

 

Le chevauchement des campagnes imposé par les bureaux de gestion, la gestion des primes sporadiques (ex  : forfait mobilité durable), le suivi des ruptures conventionnelles, les agents en difficultés ou l’impact sur les conditions de vie au travail au sein des nouveaux espaces de travail sont d’autres problématiques qui s’imposent aux services RH locaux et que nous aurions pu tout autant évoquer.

 

Moralité de ce grand chamboule-tout : si l’agent doit être au centre du dispositif RH, Les agents en charge de la mission ne savent plus où ils en sont !

C’est oublier un peu vite que les missions des fonctions qu’on dit «support» ne peuvent pas se borner à tout supporter. Améliorer l’indispensable accompagnement des agents de la DGFiP passe d’évidence par le renforcement urgent de toute la chaine RH.

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