Services d'information de la DGFIP : l'assistance plébiscité...mais réformée..?
Les systèmes d’information de la DGFIP, via l’assistance, l’Intelligence Artificielle (IA), l’observatoire interne et l’enquête de satisfaction 2025 se sont invités au menu d'un récent groupe de travail avec les organisations syndicales présidé par le chef du service des systèmes d’information (SSI) de la DGFiP. Notre syndicat a tenu à rappeler l’importance stratégique de la sécurité des systèmes d’information pour la DGFiP.
Dans un contexte de transformation numérique accélérée et d’évolutions technologiques majeures, l’informatique n’est plus un simple enjeu technique ; elle conditionne la souveraineté numérique de la Direction et la confiance des usagers.
Par ailleurs ce fut l'occasion de revenir sur la réunion Formation du 23 octobre dernier et la révolution des concours externes (analyste et PSE) où l’administration a « dégoupillé » pour la première fois à la DGFIP un concours sur titre et travaux ; pour le président, « c’est mieux », vu dans l’optique directionnelle d’employabilité immédiate.
Mais ne soyons pas dupes : il s’agit avant tout d’économiser sur la formation continue en recrutant des stagiaires employables rapidement, mais aussi d’enfoncer un coin dans le statut. Cette démarche fait écho à celle des recrutements au choix que nous connaissons dans les mobilités internes et qui ont été généralisés chez les A+ depuis le 1er janvier 2025, transformant subrepticement notre fonction publique de carrière en une fonction publique d’emploi.
Selon le président, la DGFiP a des difficultés de recrutement en informatique car nous sommes sur un secteur concurrentiel, et les jeunes diplômés vont vers les entreprises qui offrent de meilleures conditions, dont les conditions salariales. Il ne faut pas s’étonner avec des traitements gelés depuis 12 ans et une refonte des décrets de 1971 sur les qualifications informatiques et les indemnités qui se fait toujours attendre.
Les orientations présentées lors de cette rencontre résultent d’une volonté d’adapter la DGFIP aux défis actuels et nous avons salué cette démarche, tout en soulignant plusieurs points d’attention essentiels.
RÉINVENTER L'EAU CHAUDE DE L'ASSISTANCE
L’assistance téléphonique (AT) de SSI doit, selon l’administration, évoluer pour s’adapter aux nouveaux outils, usages (télétravail, smart- phones, NOVAE…) et attentes des agents. Une démarche globale vise donc à simplifier le schéma d’assistance, moderniser les outils, renforcer les rôles, et mettre l’utilisateur au centre. Pourquoi pas, serions nous tenté de dire ! Mais à regarder de plus près les axes de travail sur l’assistance que propose l’administration, il convient de rester vigilant.
Avant de leur laisser développer leur plaidoyer pour l’optimisation de l’assistance, notre organisation syndicale a tenu à rappeler aux représentants de l’administration que les CID n’ont pas attendu les propositions de SSI (La sécurité des systèmes d'information ) pour prendre des initiatives.
Les axes présentés sont, comme nous l’avons dit, émaillés d’évidences et, plus dérangeant, le « parcours d’assistance rénovée » qu’ont suivi des collègues a été mal vécu. L’argument qui nous est servi est toujours le même; à savoir, selon SSI, un problème d‘organisation mais pas de moyens !
Nous sommes tous d’accord pour être plus efficaces, mais nous n’avons pas la même analyse des raisons, ni des voies à suivre pour le devenir davantage, et le « fonctionnaire bashing » actuel nous donne malheureusement raison.
L’administration veut donc « réexaminer le canal téléphonique en 1er niveau de sollicitation de l’AT pour les utilisateurs externes » et « réduire le nombre de domaines d’assistance de rattachement afin d’enrichir les compétences et de donner plus de souplesse en gestion » en voulant traiter les tickets au bon niveau d’assistance : N1 généraliste, N2 en expertise et appui du N1 (via modes opératoires ou fiches de rétrocession), N3 en escalade (bureaux métiers, SSI et DPN).
Pour nous, s’il y a plus de tickets traités par les AT, il y en aura moins pour les CID et SIL avec une possible diminution des effectifs et évolution des missions pour ces 2 services.
Ces craintes sont corroborées par la création de pôles d’expertise N2 sur des sujets transverses hors domaine métier (téléphonie, poste de travail) et un positionnement de l’assistant de proximité en N3.
Notre syndicat a aussi appris qu’il est proposé de formaliser le pilotage des CID et des SIL par les DISI dont ils relèvent, via le RRA (Responsable Régional de l’Assistance). Et, alors qu'on était à la veille d’Halloween, les CID n’iront pas quémander des bonbons mais seront dans le futur des « relais du Numérique » pour tous les agents de la DGFiP. Ils présenteront l’environnement numérique (comme s’ils ne le faisaient pas déjà !) et seront pleinement acteurs de l’acculturation à l’IA des agents de la DGFiP.
Avec des moyens et du temps dégagé en plus ? Le président a botté en touche.
Pour matérialiser la stratégie du COM 2023-2027 « utilisateur au centre », SSI (bureau SI2) va proposer un portail de services directement accessible par les utilisateurs internes sur le principe du « j’ai besoin de ... » dans le futur outil SNOW (produit américain).
Pour notre syndicat, utiliser un produit américain soulève des interrogations sur la protection des données traitées et aussi sur la migration sans perte de données de OMEGA vers SNOW. Le président a tenté de nous rassurer en promettant que SSI exploitera lui même l’outil SNOW et qu’il « sera hébergé chez nous ».
DES AGENTS SOUS TENSION
Les résultats de l’observatoire interne 2025 au sein du SI (SSI/DPN/DiSI) révèlent que les problèmes de répartition de la charge de travail se retrouvent aussi chez les informaticiens puisque 41 % des informaticiens de Centrale et 33 % des informaticiens DiSI l’estiment mal répartie (vs 49 % à la DGFiP).
Coté conditions de travail, les informaticiens sont insatisfaits de leur charge de travail pour 1/3 d’entre eux en Centrale et 1/4 d’entre eux en DiSI (vs 44 % DGFiP).
Ils ne s’estiment pas non plus acteurs des changements conduits dans leurs directions à hauteur de 54 % en Centrale et 59 % en DiSI ( vs 69 % pour la DGFiP).
Enfin, l’insatisfaction en termes d’avancement et de promotion se rapproche de celle constatée dans la DGFiP : 59 % des informaticiens sont ainsi insatisfaits (62 % DGFiP).
Dernier point qui en dit long : 50 % des informaticiens n’ont pas répondu à cette enquête.
Parallèlement, la DGFiP conduit chaque année depuis 2012 une enquête de satisfaction informatique auprès de l’ensemble de ses agents
L’enquête annuelle mesure la satisfaction des agents de la DGFiP sur les applications, le matériel et l’assistance informatique.
En 2025, la participation atteint 26,6 % et la satisfaction globale progresse (6,8/10 contre 6,4 en 2024). L’assistance reste très bien évaluée (environ 8/10). Les applications métiers s’améliorent, même si l’ergonomie et les fonctionnalités doivent encore évoluer.
Plus de 70 % des agents ne connaissent pas l’offre de formation numérique, alors qu’ils expriment des besoins surtout en IA et bureautique.
Parmi les points de tension figurent GESLOC– module de GMBI - (fiabilité, fonctionnalités) et ConsultPAS (temps de réponse, disponibilité).
Le président explique que les résultats obtenus servent à ajuster les priorités informatiques, renforcer la formation et orienter les plans d’action en lien avec les métiers et les DiSI.
L'IA S'INVITE A CETTE REUNION...
Il est assez drôle de constater que depuis quelques mois la DGFiP semble vouloir rattraper son déficit d’information sur l’IA ; tantôt ce sujet s’invite en CSAR, tantôt en GT, tantôt en FS de réseau du CSAR. Mais le dénominateur commun, et notre syndicat l’a redit en séance, c’est une absence totale de prise en compte de l’IA dans sa dimension sociale.
A t-on déjà eu des discussions sur l’IA en amont de projets structurants ? Sur la finalité de l’IA ? Ou encore sur une cartographie des données personnelles des agents de la DGFiP ?
Cette transformation nécessite de repenser le dialogue social pour garantir que les outils technologiques s’adaptent au travail réel des agents, et non l’inverse. À vouloir parler partout et nulle part de l’IA , la DGFIP noie le poisson et nie le volet social de l’IA.
Les documents présentés constitue une resucée de ceux présentés au CSAR reconvoqué du 9 octobre dernier.
La DGFiP élabore une feuille de route IA visant à améliorer la performance des métiers et l’environnement numérique des agents, avec une expérimentation pour maîtriser l’impact sur les conditions de travail.
Cette feuille de route, prévue pour diffusion début 2026, s’organise autour de six chantiers transversaux :
1. définition d’une doctrine d’usage de l’IA ;
2. construction d’une architecture et d’infrastructures adaptées ;
3. expérimentations continues pour identifier les cas d’usage ;
4. évaluation des gains et coûts des solutions IA ;
5. communication interne/externe ;
6. formation et acculturation numérique (deux modules MENTOR : l’un obligatoire sur l’IA générative et l’autre facultatif sur les « objectifs IA »).
Parallèlement, trois projets applicatifs avancent : DIANE (une plateforme interne de modèles IA générative), LexIA (un outil d’appui à la recherche juridique) et un assistant IA de type ChatGPT qui remplacera le moteur de recherches actuel sur impots.gouv.
Pour information, la DGFiP expérimente depuis octobre un assistant IA conversationnel développé en interne par la DTNum, afin d’évaluer son utilité pour les agents.
Il pourrait résumer, traduire, corriger un texte, mais aussi permettre aux agents d’interroger des fichiers ou le BOFIP pour des recherches ou des réponses. Une vigilance est rappelée, par la DGFiP, concernant les risques d’hallucination (définition d’hallucination : « Pour une même question, la réponse ne sera jamais tout à fait la même » Rapport délégation à la prospective du Sénat 2024), ainsi les réponses doivent être vérifiées avant usage.
L’intégration de ces outils IA dans l’environnement de travail se fera via le projet ETNA (Environnement de Travail Numérique des Agents).
Notre organisation syndicale n’est pas opposée à l’IA, mais elle doit être maîtrisée.
Les outils déployés doivent rester souverains, sécurisés et encadrés par un contrôle humain permanent.
Nous suivrons avec attention et vigilance ces chantiers en prenant garde à ce que l’innovation ne se fasse jamais au détriment des compétences internes, des emplois ni du dialogue social.
En conclusion, au sortir de ce groupe de travail où, à part le grand chantier sur l’assistance, nous n’avons pas appris grand-chose de plus que ce que nous connaissions déjà, notre syndicat rappelle que la réussite de la DGFiP numérique repose avant tout sur les femmes et les hommes qui la font vivre.
Ces agents, garants de la sécurité et de la continuité du service public, méritent respect, reconnaissance et valorisation.
Nous serons attentifs à ce que la transformation numérique de la DGFiP reste une source de progrès collectif, et non de fragilisation.
C’est pour cela que nous réfutons la vision limitative de l’outil informatique et de l’IA aux seuls gains de productivité passant par des suppressions d’emplois.
PAS D'ADMINISTRATION NUMÉRIQUE SANS INFORMATICIENS....