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22 / 12 / 2024 | 101 vues
Hélène Fauvel / Abonné
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PLF 2025: ce n'est qu'un au revoir

Avec la motion de censure adoptée le 4 décembre par les députés sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le PLF qui était en discussion au Sénat est également suspendu.


Le pays ne pouvant demeurer sans budget, le Président de la République a confirmé qu’un nouveau budget serait présenté en janvier 2025 par le futur gouvernement. Celui-ci présentera de nouveaux projets de PLF et PLFSS et aura pour mission de les faire adopter dans le délai de 70 jours que prévoit la Constitution.


En attendant, une loi dite « spéciale » (prévue à l’article 45 de la LOLF) a été présentée par le gouvernement démissionnaire et adoptée lundi 16 décembre à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Elle vise à assurer la « continuité des services publics et de la vie du pays ».

Le texte autorise le gouvernement à continuer de percevoir les impôts existants et à reconduire les dépenses de l’État au niveau de 2024, en attendant le vote d’un nouveau budget.


Elle a aussi vocation à rassurer les marchés financiers, alors que les taux d’emprunt augmentent, elle n’écarte pas néanmoins l’austérité budgétaire que le futur gouvernement pourrait s’atteler à remettre en selle.

 

Il nous a semblé nécessaire de livrer notre analyse sur ce PLF, bien qu’abandonné, car certaines des mesures prévues initialement pourraient revenir à l’occasion des futurs débats parlementaires.


Analyse détaillée du projet de loi de finances 2025


L’austérité budgétaire une menace permanente pour l’avenir des services publics !


Perturbée par la crise politique ouverte depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, l’élaboration du budget s’est déroulée dans un contexte économique, social et institutionnel inédit.


Le projet de budget a été préparé par un Gouvernement démissionnaire puis repris par le Gouvernement de Michel Barnier. Il a été fortement amendé au Parlement, puis finalement rejeté pour ce qui concerne la partie recettes.


Le débat budgétaire a mis en évidence l’isolement du Gouvernement contraint à recourir à l’article 49.3 de la Constitution sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). La censure qui a suivi entraine de fait la suspension du PLF qui était en cours de discussion au Sénat.


Cet isolement relève principalement de l’échec d’une politique économique dont la priorité est donnée à la compétitivité et l’attractivité de la France dans la compétition internationale.


La France se retrouve donc désormais sans loi de finances et sans gouvernement, situation inédite dans l’histoire récente, à laquelle s’ajoute un déficit public record. Le projet de budget visait un net redressement des comptes publics.


Pour nous, s’il ne disait pas son nom, il s’agissait bien d’un plan d’austérité.


D’après les documents transmis à la presse, le projet de loi de finances prévoyait un « effort » 60 milliards d’euros, l’équivalent de 2 points de PIB. Plus des deux tiers de l’effort portaient sur les dépenses publiques, soit 41,3 Mds d’euros. Les dépenses de l’Etat diminuaient de 21,5 Mds d’euros dont 1,5 Md pour ses opérateurs, de 14, 8 Mds d’euros pour la Sécurité sociale et de 5 Mds d’euros pour les collectivités locales.


Le gouvernement prévoyait également de trouver des nouvelles recettes, via 19,3 milliards d’euros de mesures fiscales supplémentaires. Cela incluait une surtaxe d’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises et une contribution exceptionnelle sur les ménages les plus aisés. Il s’agissait néanmoins de mesures « exceptionnelles et limitées » contrairement aux baisses de dépenses qui touchaient l’ensemble de la population.


Le PLF conduisait donc à préserver voire aggraver la politique économique menée depuis 2017 qui n’a pourtant permis de redresser ni les finances publiques, ni la croissance économique. La rhétorique anxiogène autour du déficit sert à occulter l’échec de cette politique, utilisant au contraire les déficits créés pour justifier de nouvelles coupes dans les services publics.


Y’a-t-il une crise des finances publiques ?


Les causes de la dégradation des finances publiques depuis la crise sanitaire


Un dérapage récent provenant d’une mauvaise évaluation du contexte macroéconomique…


Pour la deuxième année consécutive, on découvre un « déficit surprise » au-delà des prévisions alors même que les mesures exceptionnelles s’estompent. En cause : des recettes surévaluées par la Direction du Trésor qui aurait mal estimé la réaction des recettes à la croissance du PIB1. A son arrivée, l’ex premier ministre a dit découvrir « une situation budgétaire très grave » laissant entendre que des informations budgétaires auraient été dissimulées.

 

Des notes de Bercy avaient pourtant alerté sur le dérapage des comptes publics sans que rien n’ait filtré avant les élections européennes.


Les chiffres ont brutalement semé la panique :
 

  • En 2023, le déficit public avait été révisé à 5,5% au lieu de 4,9% du PIB. (1)
  • Le déficit public en 2024 était initialement prévu à 4,4% dans le PLF, il a été revu à 5,1% dans le programme de stabilité. Il pourrait finalement atteindre 6,1%. Pour la seule année 2024, l’écart par rapport aux prévisions est de l’ordre de 50 Mds d’euros.
  • Le PLF 2025 visait un déficit public de 5% du PIB.
  • La dette publique est passée de 97,9% du PIB en 2019 à 112% au deuxième trimestre 2024 soit une hausse de 14,1 points.


Ce « dérapage » tient en partie à une croissance médiocre que la Direction du Trésor n’aurait pas correctement estimée. Elle aurait notamment minimisé la faiblesse de la consommation provoquée par la baisse des salaires réels, avec pour conséquence de plus faibles rentrées de TVA. Elle aurait exagéré les effets de la baisse du taux d’IS sur les rentrées fiscales et minimisé les effets de l’indexation du SMIC et des primes partage de la valeur sur les exonérations de cotisations sociales. La crise touchant le secteur immobilier a freiné les transactions, réduisant ainsi les droits de mutations.


De son côté, le gouvernement a rejeté la faute sur les collectivités locales dont les dépenses ont augmenté, ce que ces dernières contestent.
 

…sans oublier une baisse organisée des recettes au service des entreprises et des ménages les plus aisés


Le creusement des déficits publics n’est pourtant pas une « surprise » ou un « dérapage » ; il ne provient pas non plus d’une hausse incontrôlée des dépenses2. Les dépenses publiques rapportées au PIB sont globalement stables depuis 2017. Elles ont diminué de 0,6 point passant de 57,6% en 2017 à 57% en 2023. Certes des dépenses ont été engagées pour faire face au COVID-19, puis pour limiter la facture énergétique mais elles ont déjà été fortement réduites.


En revanche, le niveau de recettes en 2023 est inférieur de 2,3 points à celui de 2017. Les recettes ont baissé de 62 Mds d’euros depuis 2017, soit 2,2 points de PIB du fait d’une politique ayant multiplié les allégements fiscaux. Ces réductions ont entrainé une chute des recettes fragilisant les finances publiques. Parallèlement, au cours des sept dernières années, le déficit public s’est creusé de 2,1 points de PIB.


Le bilan à tirer est celui de l’échec de la politique de l’offre qui n’a permis ni de rééquilibrer les finances publiques, ni de relancer la croissance économique. Les réductions d’impôts et la modération salariale auraient dû favoriser l’investissement et la production par une augmentation des profits. C’est le fameux ruissellement !


Nous constatons au contraire que la croissance tourne au ralenti depuis fin 2022 : Le PIB n’a augmenté que de 1,1% en 2023 et il en sera de même en 2024. Les performances médiocres de l’économie françaises s’expliquent en réalité par la contraction de la demande, elle-même liée à la baisse des salaires réels.

 

Ainsi, la politique de l’offre bute sur ses contradictions : en poursuivant la baisse des coûts, notamment salariaux, elle déprime la consommation ce qui freine l’investissement et pèse sur l’ensemble de l’activité économique. Loin d’avoir stimulé la production, les allègements fiscaux ont favorisé l’augmentation du taux d’épargne des ménages et du taux de marge des entreprises, alimentant ainsi la sphère financière. Ce surcroit d’épargne accumulée par les ménages, en particulier les plus aisés, explique l’accroissement de l’endettement public sans lequel l’activité aurait été encore plus moribonde.



Face à la situation des finances publiques, les marchés financiers réclament l’austérité budgétaire. En 2025, la charge d’intérêt de la dette serait de 70 Mds d’euros courants contre 60 Mds en 2024 et 53 Mds d’euros en 2023.


Exprimé en proportion du PIB, cela représente 2,3 points (1,9 point en 2023) ce qui reste inférieur à la croissance nominale du PIB (2,9% en 2025). Autrement dit, l’inflation et la croissance diminuent le poids de la dette davantage que la hausse des taux nominaux ne l’accroît.


Bien qu’elle reste attractive auprès des investisseurs, la dette publique fait l’objet d’un chantage permanent à la « bonne » politique économique. Elle est vulnérable aux attaques spéculatives et autres comportements moutonniers des marchés financiers. Ainsi, effrayés par l’annonce de la dissolution, puis par l’hypothèse d’une censure du Gouvernement, ces derniers ont brutalement exigé un taux plus élevé. Ils réclament des gouvernements l’austérité budgétaire mais désirent toujours plus de dettes publiques pour garantir le placement des épargnants.


La France emprunte désormais à 10 ans au taux de 2,9%, ce qui est supérieur à l’Allemagne (2,2%) et au Portugal (2,6%) mais comparable à l’Espagne (2,9%), la Grèce (3%) et inférieur à l’Italie (3,4%). Le taux d’intérêt moyen payé sur la dette publique reste inférieur à la croissance nominale mais pourrait s’en rapprocher de sorte qu’un équilibre des finances publiques (hors charge d’intérêts) serait nécessaire pour stabiliser l’endettement.


Les règles budgétaires européennes imposent une réduction du déficit par la baisse des dépenses publiques de 4 points de PIB, soit 120 Mds d’euros.


Le gouvernement, appuyé par les experts du Conseil d’analyse économique (CAE), prétend qu’il faudrait réduire les dépenses publiques afin de respecter les règles budgétaires européennes. Suspendues entre 2020 et 2023, ces règles ont resurgi dans une version aménagée en 2024. La France se trouve en conséquence en procédure pour déficit excessif depuis juillet 2024.


Selon le CAE, une mise en conformité avec les règles budgétaires nécessite un excédent primaire (hors charge d’intérêts) de 1 point de PIB3. Partant d’un déficit primaire de 3,2% du PIB en 2023, cela requiert un « effort » de 4,2 points de PIB, soit près de 120 Mds d’euros. Afin d’atténuer l’impact sur la croissance, il propose de l’étaler sur sept ans ce qui revient à dégager 17 Mds d’euros par an (0,6 points de PIB) jusqu’en 2030.


A 60 milliards d’euros, soit l’équivalent de 2 points de PIB, l’effort budgétaire proposé par le gouvernement Barnier allait au-delà de ces préconisations. Cela devait passer par 41,3 Mds d’euros d’économies sur les dépenses publiques et près de 20 Mds d’euros de hausse de prélèvements obligatoires.


Cependant, il est important de comprendre que le gouvernement ne raisonnait pas par rapport aux dépenses de 2024 mais par rapport à une situation fictive où les dépenses augmentent naturellement, ce qu’on appelle la « hausse tendancielle »4. Sa présentation gonflait cette hausse tendancielle (et donc les économies demandées) pour apparaitre crédible.


Le Haut Conseil aux Finances Publiques chiffrait les économies proposées par le PLF en se fondant sur l’évolution du déficit structurel. Sa diminution de 5,7% du PIB en 2024 à 4,5% en 2025 représentait un « effort structurel » de 1,4 point de PIB soit 42 Mds d’euros5. Cet effort reposait sur 30 Mds d’euros de hausse de prélèvements6 (1 point de PIB) et 12 Mds d’euros de baisses de dépenses (0,4 point de PIB, hors mesures supplémentaires prévues par amendements). L’écart avec la communication du gouvernement apparaissait donc important.


Un tel effort budgétaire était-il nécessaire ?


Les tenants de l’austérité affirment qu’elle est nécessaire pour réduire les déficits. Ils supposent que la rigueur n’a pas (ou peu) d’impact sur la croissance, niant ainsi les dangers des politiques d’austérité budgétaires menées par le passé. La réduction des dépenses publiques entraine pourtant bien un ralentissement de la croissance qui rend plus difficile la résorption du déficit. L’austérité aboutit par conséquent à une impasse risquant d’aggraver les destructions d'emplois, la hausse du chômage et la chute du pouvoir d’achat des ménages, en particulier, des classes moyennes et populaires bénéficiant le plus de ces dépenses.


Selon l’OFCE, le projet de loi de finances aurait amputé la croissance de 0,8 point de PIB7 en 2025 soit bien plus qu’anticipé par le gouvernement. Leur modèle prévoyait 143 000 destructions d’emplois en 2025 et un taux de chômage en hausse à 8%. Le gouvernement prétendait quant à lui que la croissance devait rester stable à 1,1% en 2025 et affirmait que « l’impact sur l’activité resterait contenu ».


Cet écart de prévision relevait d’une estimation différente de l’effet multiplicateur des dépenses. Lorsque l’économie ralentit comme c’est le cas, le déficit public devient une source de débouchés et de revenus pour le secteur privé. Ces revenus seront ensuite dépensés, ce qui entraine un nouveau revenu et ainsi de suite. A l’inverse, sabrer dans les dépenses publiques affecte le PIB à la fois à travers une moindre production de services publics, une réduction du revenu des ménages et une baisse de la commande publique.


Les finances publiques n’ont donc pas vocation à être à l’équilibre tant que des capacités de productions sont inemployées, que le chômage persiste et qu’il existe une insuffisance de la demande. Le déficit public est nécessaire pour stabiliser l’économie face aux crises, pour soutenir la demande et financer les investissements d’avenir.



Les dépenses du budget de l’Etat rabotées de 20 Mds d’euros


Les tenants de la pensée dominante ressassent la même rengaine depuis longtemps : Il y aurait trop de fonctionnaires, les strates administratives seraient trop nombreuses et des économies d’ampleur seraient possibles en supprimant les doublons, le tout pour améliorer l’efficacité des services publics (sic). Les mêmes réclament donc à grands cris une réforme approfondie de l’Etat, oubliant au passage les réformes successives et surtout leur absence de résultats probants en termes d’efficacité. Le projet de loi de finances diminuait les crédits du budget de l’Etat de 2,4 Mds d’euros à périmètre constant. Par rapport à leur hausse tendancielle, les dépenses auraient baissé de 15 Mds d’euros en 2025. Des propositions d’économies supplémentaires de 5 Mds d’euros ont été déposées par amendements pour monter à 20 Mds d’euros. Les économies auraient porté sur « la fusion des structures et sur une simplification du fonctionnement » de l’Etat.


La plupart des missions étaient concernées par le coup de rabot. Seuls les budgets de la défense (5%) et de la sécurité intérieure (1%) augmentaient plus vite que l’inflation. En termes réels, les missions les plus touchées par le PLF étaient l’aide publique au développement (-23%), l’agriculture (-8,5%), l’outre- mer (-11%) l’enseignement supérieur et la recherche (-3%), l’enseignement scolaire (-2%), le travail et l’emploi (-9,2%). Il était également prévu de réduire plusieurs dispositifs en faveur de la transition écologique tels que les aides à l’acquisition de véhicules électrique, le fonds vert aux collectivités locales et « maprime rénov ». Les crédits pour l’immigration auraient également diminué (-7%), de même que ceux pour le sport (-15%).


La Fonction publique se retrouvait encore une fois en première ligne : réduction des moyens de fonctionnement, baisse des effectifs et stigmatisation des agents. Non content de saluer la nomination d’Ellon Musk à la tête d’un « département de l’efficacité gouvernementale » après la victoire de Donald Trump, le ministre de la Fonction Publique a multiplié les attaques contre les fonctionnaires. Le ministre a ainsi motivé un « plan absentéisme » qui aurait permis 1,2 Md d’euros d’économies pour 2025 par voie d’amendement : allongement du délai de carence de 1 à 3 jours ; réduction de l’indemnisation de 100% du traitement à 90% pour les arrêts maladie de moins de trois mois ; suppression de la GIPA (Garantie Indemnitaire de Pouvoir d’Achat) dès 2024.


Partant du principe que les agents sont responsables d’abus ou de fraude, le ministre a justifié ces mesures par le fait que cela freinerait l’augmentation des arrêts maladie et rétablirait l’équité avec les salariés du privé. Il s’est appuyé pour cela sur une interprétation fallacieuse du rapport de l’IGAS. Celui-ci montrait que le nombre moyen de jours d’arrêts maladie par an avait augmenté plus fortement dans le public que dans le privé depuis la pandémie de Covid.

 

Pourtant, le même rapport précise que l’écart s’explique par une démographie et des métiers exercés non comparables…


Les travailleurs du public sont plus âgés, les professions plus souvent féminisées, plus souvent en contact quotidien avec des malades ou des enfants. Lorsqu’on tient compte de ces différences, c’est-à-dire en comparant à métiers et profils équivalents, les écarts avec le privé disparaissent pour les Fonctions publiques d’Etat et hospitalière, le nombre de jours d’arrêt maladie étant de surcroit inférieur à celui du secteur privé dans la fonction publique d’Etat.


En réalité, l’allongement du délai de carence et la baisse de l’indemnisation mettraient en danger la santé des agents les contraignant à venir travailler malades, augmentant ainsi le risque de contaminer les collèges. En outre, ces mesures démagogiques sont surtout inefficaces. Elles provoquent une augmentation des arrêts de maladie plus longs de sorte que le nombre global de jours d’arrêt maladie resterait inchangé comme l’ont démontré de nombreuses études. Le ministre a instrumentalisé ce rapport de façon assez grossière afin de faire passer les fonctionnaires pour des privilégiés et des profiteurs. Il n’a rien dit, et pour cause, des raisons réelles des arrêts maladie ; à savoir que les agents connaissent des conditions de travail de plus en plus difficiles, avec des astreintes, des horaires décalées, des risques psychosociaux ou de maladie professionnelle accrus.


En termes d’emplois, ce projet de loi prévoyait la suppression de 2200 postes pour l’Etat et ses opérateurs. Elles concernaient l’éducation nationale (2030 postes en moins en tout mais 4000 postes d’enseignants supprimés par le jeu des redéploiements), l’agriculture (-101), les comptes publics (-505) et le travail et l’emploi (- 973). Aux Finances Publiques, alors que l’exécutif annonce un renforcement des moyens humains pour lutter contre la fraude fiscale, la répartition du plafond d’emplois prévoyait la suppression de 1081 agents de catégorie B et 215 de catégorie A et A+, toujours par le jeu des redéploiements au sein du Ministère. Alors que plus de 30 000 postes ont supprimés depuis la création de la Direction générale des finances publiques, l’administration fiscale, économique et financière aurait ainsi poursuivi le démantèlement de son réseau de proximité alors qu’elle ne représente que 4% des effectifs de l’Etat.


La Direction générale des finances publiques comme le ministère du travail constituent pourtant le fer de lance contre les plus grosses fraudes : celles aux cotisations sociales, travail dissimulé orchestré par les employeurs ou l’évasion fiscale des grands groupes ou leurs dirigeants avec des montants préjudiciables pour les finances publiques bien loin des quelques milliers d’euros détectés ou de la fraude présumée aux prestations sociales !


Pour l’enseignement supérieur et la recherche, le budget de la mission devait être amputé de 550 millions d’euros par rapport à la Loi de Finances 2024. Une baisse aux conséquences délétères sur les établissements, le personnel et les étudiants à travers la dégradation des conditions de travail et d’étude. Alors que le budget de la recherche consenti par l’Etat à ses opérateurs s’élevait à 7.8 Mds d’euros pour l’année 2025, notre organisation syndicale appelle que le crédit impôt recherche a couté plus de 7 Mds d’euros à l’Etat en 2024 sans qu’il ne soit correctement contrôlé ni conditionné à une véritable stratégie – ni même à une réelle activité - des entreprises en faveur de la recherche.


Derrière l’apparence d’une stabilité du budget de l’enseignement (64,5 Mds), l’exécutif tentait de justifier de nouvelles coupes dans les effectifs au prétexte de la baisse du nombre d’élèves constatée depuis 2017 dans le premier et second degré. Il existe pourtant toujours de nombreux postes d’enseignants vacants traduisant un grave problème d’attractivité. En outre, la création de 2 000 postes d’AESH n’auraient pas compensé les besoins sur le terrain alors même que ces personnels exercent des missions dévalorisées sous des statuts précaires.


Autre mission sacrifiée par le PLF, l’aide au développement aurait aussi été amputée de 1,3 Md au PLF 2025 (soit une baisse des crédits de 23%) au nom de l’efficience après 742 millions de réduction en 2024. C’est une rupture face aux engagements de la France qui devait atteindre 0,7% du revenu national brut fixé par les Nations Unies, en totale contradiction avec la loi de programmation de 2021.



A l’heure où les conflits mondiaux se multiplient, les catastrophes liées au changement climatique entraînant des flux migratoires ou épidémiques, l’exécutif semble avoir fait le choix de couper dans les financements consacrés à la solidarité internationale.


Finalement, dans ce projet, seuls les ministères régaliens étaient encore épargnés en 2025 (+619 ETP à la Justice) avec la poursuite du plan « 15000 places de prisons » et le renforcement du personnel pénitentiaire, les Armées avec + 630 ETP ainsi que la stabilité des effectifs du ministère de l’intérieur doté d’une augmentation de crédits de 587 Millions par rapport à la LFI 2024. Toutefois, malgré l’augmentation du budget du ministère de la justice ces dernières années (seulement 9000 magistrats en 2022), il représente seulement 0,21% du PIB, soit 73 euros par habitant pour une moyenne de 78 euros en Europe.


Baisse importante des crédits de la mission Travail et emploi


Reprenant à la lettre les préconisations de la revue de dépenses menée par l’IGAS, ce projet de budget prévoyait en termes de politique de l'emploi et de la formation des économies substantielles sur le dos des demandeurs d’emplois. Les crédits dédiés à la mission « travail, emploi et administration des ministères sociaux » du budget de l'État s'élevaient à 21,35 Mds d'euros (Md€) en 2025 contre 23,70 Md€ en 2024.


La mission est particulièrement touchée par les suppressions d’emploi (-973 postes, une grande partie portant sur les effectifs de France Travail) et une baisse conséquente des crédits (-2,3 Mds) par rapport à l’année 2024. Ces coupes budgétaires concernent plusieurs dispositifs destinés aux plus précaires,
aux chômeurs de longue durée et aux jeunes (insertion par l’activité économique, territoire zéro chômeur, contrat d’engagement jeune, emplois francs).


Des économies étaient également prévues dans l'apprentissage dont le coût a été multiplié par 3.5 depuis 2018 selon l’OFCE pour atteindre près de 25 Mds d’euros. Une subvention de cette ampleur crée de nombreux effets d'aubaine : la Dares et l'OFCE estiment qu'il y'aurait entre 200 000 et 250 000 apprentis qui se seraient substitués à des emplois pérennes.


Pauvreté : détourner la colère contre les étrangers


Le projet de loi de Finances 2025 actait également des coupes dans la lutte contre l’habitat indigne ainsi qu’un gel de l’Aide médicale d’Etat (AME) (10). La réduction drastique de l’AME - voire sa suppression était même envisagée au cours des manœuvres politiciennes visant à éviter la censure.


A ce sujet, le CNLE (Conseil National des luttes contre la pauvreté et l’exclusion sociale) s’était alarmé dans un avis rendu en janvier 202411 du risque d’aggravation de la pauvreté des étrangers, alors même qu’ils y sont déjà fortement exposés, du fait de conditions plus restrictives d’éligibilité à certaines prestations sociales votées lors de loi immigration de décembre 2023.


L’avis du CNLE se positionne ainsi à rebours de certains fantasmes d’aides sociales distribuées généreusement et constituant un appel d’air migratoire !


Les collectivités locales sous tutelle


Les collectivités locales auraient dû réduire leurs dépenses de 2%, soit 5 Mds d’euros en 2025. L’Etat aurait imposé un gel des transferts de TVA (1,5 Md d’euros), un prélèvement sur recettes pour les plus grosses d’entre elles (2,8 Mds) et la réduction du FCTVA (800 millions d’euros). Les économies auraient été encore supérieures si on y avait ajouté la sous indexation de la dotation globale de fonctionnement (3 Mds) et la réduction du fonds vert (1,5 Md). Selon les élus locaux, les économies prévues étaient de 9,5 Mds d’euros en 2025.


Elles auraient conduit à une réduction de l’investissement local, véritable moteur pour l’ensemble de l’économie. Non seulement les dépenses locales soutiennent l’activité économique, notamment grâce à la commande publique, mais participent surtout à réduire les inégalités de revenus par les transferts monétaires ou en nature (éducation, logement, action sociale) et à travers les services publics de proximité dévolues aux collectivités territoriales (cantines scolaires, crèches, équipements sportifs ou culturels).


Les budgets de fonctionnement tels que l’entretien des écoles, lycées et collèges, la restauration ou les factures de chauffage à la charge des communes, régions ou départements étaient concernés par ces restrictions budgétaires. En outre, les rénovations des bâtiments publics et les activités périscolaires auraient été également reportées ou tout simplement annulées faute de moyens.


Protection sociale : Les exonérations coûtent cher


Dans un périmètre plus large, les dépenses de la Sécurité sociale devaient être rabotées de 14,8 Mds d’euros dont 10,1 Mds de « freinage » de la dépense sociale et 4,7 Mds d’euros de moindres exonérations de cotisations requalifiées en baisse de dépenses.


Les retraités étaient mis à contribution : La revalorisation des retraites devait intervenir avec six mois de retard faisant perdre 3,6 Mds d’euros de pouvoir d’achat aux retraités. L’ONDAM était limité à 2,8% alors que les besoins augmentent naturellement de 5% par an, pour près de 4 Mds d’euros d’économies.


Pour tenir ces objectifs, le gouvernement comptait réduire le taux de remboursement des consultations médicales (1Md d’euros) augmentant ainsi le reste à charge que les complémentaires auraient répercuté sur leurs tarifs. Le plafond de remboursement des indemnités journalières pour les arrêts de  travail aurait baissé à 1,4 SMIC ; le contrôle des marges des laboratoires devait être renforcé ; la prise en charge des transports médicaux baissée et le contrôle à la fraude sociale accru via la carte vitale biométrique.


Du côté des recettes, le rapport Bozio Wasmer a servi de base à une remise en cause du profil des exonérations de cotisations sociales. Constatant l’écrasement de distribution des salaires liée à la dégressivité des exonérations, les deux auteurs ont suggéré de réduire la pente des allègements de cotisations sans que cela ne coûte ni aux finances publiques ni aux employeurs. Ils proposent de « lisser » le taux d’exonérations en supprimant les seuils selon une courbe linéaire décroissante. Par rapport aux dispositifs d’exonérations actuels, leur scénario central suggère d’augmenter légèrement le taux de cotisations au niveau du Smic de 4,05 points ; de renforcer progressivement les exonérations entre 1,2 et 1,9 Smic et de supprimer les exonérations à partir de 2,5 Smic.


Le PLFSS s’appuyait sur ce rapport en adoptant une formule différente. Il proposait de procéder sur deux ans : réduction de 2 points la première année et 2 points la deuxième année des exonérations entre 1 et 1,2 Smic ; suppression progressive des exonérations à partir de 3 Smic plutôt que 2,5 dans le rapport. A partir de 2026, il n’y aurait plus eu qu’un dispositif unique qui aurait suivi une courbe décroissante non linéaire. La formule exposée en PLFSS aurait permis une réduction plus forte des exonérations entre 1 et 1.3 Smic que les préconisations du rapport Bozio Wasmer. La mesure aurait permis de récupérer 5 Mds d’euros par an tandis que Bozio Wasmer proposaient une réforme à coût constant.


Ce montant est à mettre en rapport avec la masse des exonérations de cotisations qui coûtent autour de 80 Mds d’euros par an. Bien que le changement proposé soit marginal, le patronat a opposé une résistance importante, notamment dans les secteurs employant massivement au salaire minimum (comme le nettoyage, le gardiennage ou l’aide à domicile). Ce blocage illustre à quel point toute hausse du « coût » du travail demeure un sujet tabou : Sous la pression, le Sénat a finalement supprimé l’augmentation de cotisations sociales au niveau du Smic en échange de cotisations supplémentaires pour les salaires plus élevés (fin des exonérations de cotisations maladie et famille à partir de 2,1 SMIC et 3,1 SMIC au lieu de 2,2 et 3,2 dans le PLFSS).


La Sécurité sociale rencontre principalement un problème de recettes, un constat que FO souligne depuis longtemps et qui est désormais reconnu dans des institutions officielles. Par exemple, la Cour des comptes dans un rapport publié en mai 2024 confirmait ce problème. Le rapport montrait que sans exonérations et exemptions de cotisations sur les compléments de salaires, la Sécurité sociale aurait été excédentaire depuis 2018 (à l’exception de l’année 2020).


Les compléments de salaires incluent des éléments tels que les heures supplémentaires, le versement de primes partages de la valeur, l’intéressement, la participation, les tickets restaurants, ou encore du financement de la protection sociale complémentaire en entreprise. La Cour des comptes critique ces réductions estimant qu’elles fragilisent le financement de la Sécurité sociale pour des objectifs macroéconomiques « peu lisibles » et « discutables ». La Cour des comptes reprend la critique formulée par le Conseil d’Analyse Economique à propos des dispositifs de partage de la valeur. Ce dernier rappelait que ces dispositifs se « substituent fortement aux salaires » occasionnant un manque à gagner pour la Sécurité sociale. Entre 2018 et 2023, les réductions non compensées de cotisations sociales pour les compléments de salaire sont passées de 9,9 Mds d’euros à 19 Mds d’euros, soit une perte de recette supérieure aux déficits cumulés de la Sécurité sociale depuis 2018 (hors Covid).


Recettes : Une hausse de recettes pour faire avaler la pilule


L’inflexion du gouvernement Barnier à propos de la fiscalité est à signaler puisqu’elle levait un « tabou » de la politique économique menée jusqu’ici. Face à l’ampleur du déficit public, le sujet a divisé au sein du gouvernement et de ses soutiens au parlement. Il a rencontré l’opposition du patronat et la faible augmentation de recettes contenue dans ce projet de budget a été mise en scène mise en scène comme une rupture et ce d’une manière à la limite de l’indécence. Le gouvernement s’en est défendu clamant que les hausses d’impôts sur les entreprises et les ménages les plus aisés seraient « limitées et temporaires ». Elles n’auraient pourtant permis que de récupérer une petite partie des baisses mises en œuvre les années précédentes.


En réalité, ce discours était destiné à rendre plus acceptable les coupes dans les dépenses publiques.


Le gouvernement Barnier a été contraint de s’écarter de la stricte doxa néolibérale, reconnaissant par-là d’une part l’échec de la politique de l’offre, et d’autre part que les coupes dans les dépenses seraient néfastes pour l’économie, en particulier pour les travailleurs. Il y a été contraint par les marchés qui imposent leur discipline. Les baisses d’impôts, dont le seul financement reposait sur des coupes dans les dépenses constituent désormais une menace pour la dette publique française sur les marchés financiers. Considérant que la politique de l’offre ne peut à elle seule offrir de garanties suffisantes, ces derniers exigent des taux d’intérêts plus élevés.
 

 

(1) Ce que les économistes appellent l’élasticité des prélèvements obligatoires£
(2) Voir la circulaire n°89-2024 du secteur Economie
(3) En supposant que le taux de croissance nominale soit égale au taux d’intérêt.
(4) Il y’a en effet une tendance naturelle à l’augmentation des dépenses du fait du vieillissement de la population (retraites, maladies) de l’ancienneté (GVT) et de l’inflation.
(5) « L’effort structurel » correspond à la réduction du déficit, indépendamment des fluctuations liées au cycle économique. Les économies sont enregistrées dès lors que l’évolution des dépenses est inférieure à la croissance potentielle.
(6) Le gouvernement requalifiait la baisse des exonérations de cotisations en aides aux entreprises, et donc en dépenses, le HCFP l’affichait comme une hausse de PO. De plus les 20 Mds du gouvernement ne tenaient pas compte de l’ensemble de la hausse de TICFE.
(7) L’effet sur la croissance serait de 0,9 point de PIB si on ajoute les 5 Mds d’euros supplémentaires de baisse de dépenses prévues par amendement.
(8) Le gouvernement prenait en compte l’effet récessif des restrictions budgétaires mais il partait du principe que sans ces restrictions, la croissance aurait été très élevée (1,7%). Il estimait que le PLF n’aurait diminué la croissance que de 0,6 point de PIB et surestimait probablement les rentrées fiscales en 2025.
(9) La hausse tendancielle des dépenses est surestimée puisqu’elle ne tient pas compte de l’annulation de crédit de 10 Mds d’euros en 2024 ni de l’extinction des dépenses exceptionnelles
(10) Aide médicale d’Etat : Fin 2023, 450 000 étrangers en situation irrégulière en bénéficiaient pour des dépenses de santé évaluées à 1 milliard par an sur un total de 313 Mds de dépenses de santé (rapport sur l’aide médicale de l’Etat – établi par Claude Evin et Patrick Stefanini).
(11) https://solidarites.gouv.fr/avis-du-cnle-sur-les-effets-de-la-loi-immigration-en-matiere-de-lutte-contre-la-pauvrete

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Le Gouvernement BAYROU vient d'être nommé.


Le retour des ministres des gouvernements précédents ou même de la Première ministre
Elisabeth BORNE, reconnue pour ses recours au 49-3 et la sinistre réforme des retraites ne laissent
pas présager d'un véritable changement ni sur le fond ni sur la méthode.

 


Certes, la Fonction publique conserve un ministère dédié avec la nomination de Laurent
MARCANGELI comme ministre de l'Action publique, de la fonction publique et de la simplification.
Celui-ci va devoir rétablir un dialogue social extrêmement dégradé par son prédécesseur.

 


Il va surtout devoir répondre aux attentes et revendications fortes que nous portons et éviter
toutes stigmatisations des fonctionnaires et agents publics, notamment :


- non aux jours de carence et à la réduction de l'indemnisation des jours d'arrêt maladie ;
- non aux suppressions de postes et nouvelles restructurations ;
- revalorisation immédiate de 10 % du point d'indice ;
- ouverture immédiate de négociations pour améliorer la grille indiciaire ;
- rétablissement de la GIPA au titre de 2024.


Pour la FGF-FO, si la même politique anti-fonctionnaires devait être menée, nous sommes d'ores
et déjà prêts à la combattre, notre préavis de grève du 1er janvier au 31 mars 2025 a été déposé
en ce sens.


Interlocuteur social oui, accompagnateur de contre-réforme... Jamais !

A voir:

https://www.francetvinfo.fr/politique/francois-bayrou/fonction-publique-il-faut-passer-cette-etape-particulierement-calamiteuse-et-reprendre-le-chemin-du-dialogue-social-declare-la-cfdt-fonctions-publiques_6977858.html

 

"On a envie de remercier le ministre d'avoir joué l'apaisement", déclare la FSU, deuxième syndicat de la fonction publique https://www.francetvinfo.fr/politique/gouvernement-de-francois-bayrou/on-a-envie-de-remercier-le-ministre-d-avoir-joue-l-apaisement-declare-la-fsu-deuxieme-syndicat-de-la-fonction-publique_6978104.html