Pass sanitaire : mouvement complètement inédit actuellement en cours dans les bibliothèques de France et de Navarre
Des grosses agglomérations aux très petites communes, la mobilisation frappe par son ampleur et touche tout le pays.
Personne n’avait vu venir cette mobilisation, un peu à l’instar de celle des « gilets jaunes » il y a deux ans. Comme cette dernière, elle touche tout le pays. En effet, depuis plusieurs semaines, les bibliothécaires de toute la France (y compris les toutes petites communes rurales) manifestent et se mettent grève depuis l’obligation début août de présenter un pass sanitaire pour entrer dans leurs établissements. Ce mouvement s’amplifie encore davantage depuis l’extension de cette obligation aux mineurs de plus de douze ans.
Parmi les principaux arguments mis en avant, notons la crainte de l’exclusion du public précaire dans l’accès à la culture. Plus généralement, les grévistes réfutent ce rôle de « contrôleur », invoquant leurs missions « d’information, de conseil et de médiation ». D'ailleurs, le fait marquant est que ces éléments de langage ne viennent pas d’organisations syndicales plus au moins radicales ou opposées au gouvernement d’Emmanuel Macron mais, au contraire, d’une structure habituellement très modérée dans son expression à l’égard des pouvoirs publics puisque il s’agit de l’Association des bibliothécaires de France (ABF), laquelle avait dégainé un communiqué pour dénoncer cette mesure présentée comme « une bombe à fragmentation » dès le début du mois d’août. Malheureusement sans grande réaction de la part du gouvernement...
Les bibliothécaires ont donc décidé de passer à la vitesse supérieure pour se faire entendre, en multipliant les mouvements de protestation à l’appel des syndicats cette fois. Le mouvement est vraiment inédit par son ampleur pour beaucoup d’observateurs car, contre toute attente et signe d’une protestation très profonde, il atteint des endroits habituellement épargnés par les mouvements sociaux. À partir des nombreux articles parus dans la presse régionale et nationale, nous avons tenté de recenser tous les nombreux villages et petites villes dans lesquels les bibliothécaires se sont mobilisés (articles de presse visibles via un lien hypertexte à partir des noms de chaque commune), en plus de quelques grosses agglomérations. La liste est forcément non exhaustive ; c’est pourquoi nous vous suggérons de nous signaler tout oubli via la rubrique commentaire. Pour l'instant, là voici et elle est déjà impressionnante :
Albi (Tarn), Ancenis (Maine-et-Loire), Argelès (Pyrénées-Orientales), Aurec-Sur-Loire (Haute-Loire), Aurillac (Cantal), Aytré (Charente-Maritime), Brest (Finistère), Caen (Calvados), Caveirac (Gard), Celles-Sur-Belle (Deux-Sèvres) Chambéry (Savoie), Chirens (Isère), Dammarie (Eure-et-Loire), Fontaine (Isère), Guingamp (Côte-d’Armor), Grenoble (Isère), Guillestre (Hautes-Alpes), Hérouville-Saint-Clair (Calvados), Lagord (Charente-Maritime), Lannion (Côte-d’Armor), La Rochelle (Charente-Maritime), Lassale (Gard), Le Havre (Seine-Maritime), Loperhet (Finistère), Lyon (Rhône), Meylan (Isère), Moirans (Isère), Montpellier (Hérault), Nantes (Loire-Atlantique), Oyonax (Ain), Paimpol (Côte-d'Armor) Périgny (Charente-Maritime), Poitier (Vienne), Privas (Ardèche), Puilboreau (Charente-Maritime), Romainville (Seine-Saint-Denis), Rochefort (Charente-Maritime), Rouen (Seine-Maritime), Saint-Agathon (Côte-d’Armor), Saint-Didier-en-Velay (Haute-Loire), Saint-Just-Malmont (Haute-Loire), Saint-Lizier (Ariège), Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), Saint-Pair-sur-Mer (Manche), Sète (Hérault), Seyssin (Isère), Strasbourg (Bas-Rhin),Toulouse (Haute-Garonne), Trièves (Isère), Ustaritz (Pyrénées-Atlantiques), Vans (Ardèche), Villeurbanne (Rhône), Vizille (Isère), Voiron (Isère), Voreppe (Isère). Paris est également de la partie depuis le mois de juillet, avec plusieurs mobilisations très suivies.
Ces actions rencontrent un écho certain puisque l’exemption du pass sanitaire dans les structures de lecture publique a été demandé au Sénat et à l’Assemblée nationale par plusieurs parlementaires, lors des sessions consacrées aux questions au gouvernement (lire ici et là). Parallèlement, les bibliothécaires s'unissent pour obtenir le soutien des usagers (par exemple par le biais d’ une pétition publique qui a déjà atteint huit mille signataires). Enfin, une tribune, signée par des agents des bibliothèques de Villeurbanne s'est même changée en lettre ouverte dans les colonnes de Libération. La pression ne se relâche donc pas et commence à donner des résultats puisque Lyon, Grenoble, Villeurbanne, Strasbourg et dix-huit communes de Seine-Saint-Denis regroupées dans les agglomérations d'Est-Ensemble et Plaine Communes ont décidé de ne pas demander de pass sanitaire pour les mineurs voulant se rendre en bibliothèques, s'appuyant sur une faille juridique. Cet argumentaire semble valable car il n'a pas été remis en cause par les préfets jusqu'à présent. Face à toutes ces initiatives, on notera le silence assourdissant de Roselyne Bachelot, Ministre de la Culture, et celle d’Érik Orsenna qui s’était un jour distingué à pondre un rapport sur les bibliothèques...