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26 / 05 / 2025 | 25 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Modéliser le risque dans le secteur de l'assurance : l’autre visage de la prévention

Afin de protéger durablement ses sociétaires, il importe d' anticiper les aléas qui pèsent sur l' avenir du secteur de l'assurance. Des spécialistes, en interne, modélisent et quantifient les risques qui pourraient menacer, à court et moyen terme, la pérennité de l’engagement mutualiste. ...Décryptage avec Gérald Chauveau, directeur actuariat de la Matmut

 

 

On n’y pense pas toujours, mais prendre en charge les risques du quotidien pour les autres, c’est prendre soi-même des risques… C’est un défi, en effet : gérer, au cœur d’un environnement éminemment instable, des flux de ressources aléatoires, sans jamais se laisser dépasser par les événements. L’imprévu, mal négocié, pourrait mettre en danger la durabilité même de l’organisation. Une mission critique, donc, qu’assurent en interne des pros des statistiques, précieux et indispensables « amortisseurs des risques » : les actuaires.

 

Modéliser l’incertitude

 

« Notre objectif, détaille Gérald Chauveau, directeur actuariat de la Matmut, est de former une vision économique pour que les fonds propres suffisent à porter le coût du risque ; et sécuriser ainsi l’avenir de nos sociétaires et celui de la mutuelle ». C’est, en quelque sorte, appliquer à soi-même les efforts de prévention qu’on prodigue aux autres.

 

Les risques sont de toute nature et se traduisent, quand ils se réalisent, par des impacts financiers, parfois importants. En premier lieu il y a, bien sûr, les contingences liées aux marchés, et l’impact de leurs fluctuations sur les actifs de la mutuelle. Une soudaine crise sur tel ou tel marché peut rapidement compromettre l’avenir… Viennent ensuite les risques de souscription : c’est, cette fois, l'incertitude quant aux résultats des contrats d'assurance, liée notamment à des soucis de provisionnement ou de tarification. Enfin, plus prévisibles sont les risques réglementaires, lorsque les règles du jeu se mettent à changer, rebattant les cartes et l’équilibre qui avait été escompté. La prévention de ces trois familles de risques est d’ailleurs, elle-même, très réglementée. Elle est soumise, depuis 2016, à la directive Solvabilité II (« Solva 2 », pour les initiés), un ensemble de règles fixant le régime de solvabilité applicables aux assurances dans l’Union européenne.

 

 

Horizon de cinq ans

 

L’art d’anticiper l’avenir financier obéit, à la Matmut, à une double temporalité. On cherche, forcément, à parer au plus urgent, le court terme : « Il s’agit de quantifier les montants que nous devons provisionner pour couvrir tous les risques de l’année en cours », souligne Gérald Chauveau. Et puis il y a le plus lointain. « La dimension prospective est essentielle. Nous projetons notre modèle à un horizon de cinq ans. Le but : regarder comment notre profil de risque évolue dans le temps, et éclairer ainsi la trajectoire stratégique du groupe ».

 

Une démarche qui implique d’entrer dans le détail, de multiplier les hypothèses. Comme lorsque les équipes s’emploient à modéliser la dérive tendancielle, en France, du risque sécheresse, particulièrement instable depuis 2016. Les actuaires manœuvrent alors des instruments et des techniques de haute précision… Autant de systèmes mathématiques, statistiques et de probabilités qui dévoilent les différents scénarios possibles.

 

« Une œuvre collective »

 

Un outil s’avère ici décisif : les stress tests (tests de sensibilité). Ou comment simuler un choc pour vérifier la résilience de l’organisation. « On peut par exemple simuler une grave crise sur les marchés boursiers, une attaque cyber ou encore la répétition d’événements climatiques intenses, et voir si nous tenons la route financièrement », témoigne le directeur de l’actuariat. Les actuaires observent ainsi les impacts de ce choc fictif sur les deux grandes métriques : le ratio de solvabilité, et le résultat comptable de la mutuelle. « Si nous constatons des défaillances, nous lançons une réflexion sur les remèdes et les moyens de redresser la barre. »

 

Nos prospectivistes, forcément, n’agissent pas seuls…
 

« À la Matmut, cette mission est très collaborative, insiste Gérald Chauveau. Tous les métiers viennent nourrir, en données notamment, nos outils et notre travail. » Un travail dont les fruits se transmettent et aiguillent les autres services, à l’instar du groupe de prospective économique, par exemple, qui réceptionne les résultats et les interprète.

« La modélisation éclaire la stratégie, et guide les décisions importantes », souligne Gérald Chauveau. Et de conclure : « Nous, actuaires, sommes les chefs d’orchestre de l’outil de modélisation, mais l’œuvre, elle, est collective. »

 

cf: revue Octave 

 

LEXIQUE

* Ratio de solvabilité : exprimé en pourcentage, il évalue la capacité d’une entreprise à rembourser ses dettes.

* Résultat comptable : indicateur de performance sur une période donnée (l’exercice comptable), soit la différence entre le chiffre d’affaires hors taxes et l’ensemble des dépenses d’une entreprise

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