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Les risques d'un endettement public hors de contrôle
Le point sur les risques d’un endettement public de la France devenant hors de contrôle....
Il est impossible de déterminer un seuil d’endettement au-delà duquel se déclencherait une crise des finances publiques imposant des mesures drastiques de redressement car son éventuelle survenue dépend de nombreux paramètres souvent non quantifiables et spécifiques à chaque pays et chaque période. Pour éviter une telle crise, il faut que la dette soit sous contrôle, ce qui signifie en pratique pouvoir la stabiliser en pourcentage du PIB hors périodes de récession ou de très faible croissance économique. En outre, plus le niveau où elle est stabilisée est élevé, plus le risque de crise est important.
Pour stabiliser la dette, il faut que le solde primaire (c’est-à-dire hors intérêts) soit supérieur à un montant minimal qui dépend de l’écart entre le taux d’intérêt de la dette et le taux de croissance du PIB. Si cet écart est positif ou nul et si le solde primaire n’atteint pas ce montant minimal, la dette devient hors de contrôle et augmente indéfiniment.
Avec Olivier Blanchard, nous avons supposé un écart nul dans les prochaines années, ce qui impose de ramener le solde primaire à zéro pour stabiliser la dette. Compte-tenu des dépenses nouvelles requises pour lutter contre le changement climatique et accroître nos moyens militaires estimées forfaitairement à 60 Md€, l’effort nécessaire est de l’ordre de 6,0 points de PIB, soit 180 Md€, à réaliser par une baisse des autres dépenses ou une hausse des prélèvements obligatoires.
Or le déficit primaire français est sur une tendance croissante depuis 60 ans et l’effort inscrit, avec difficultés, pour le réduire dans les lois financières pour 2025 est très insuffisant. Si, compte-tenu des dépenses militaires supplémentaires nécessaires, le déficit primaire reste à son niveau de 2024 (environ 4,0 % du PIB), la dette publique pourrait approcher 135 % du PIB en 2030.
Les acteurs des marchés financiers semblent ne pas s’en inquiéter et considérer que la Banque centrale européenne (BCE) interviendra pour éviter un défaut de paiement de la France. Elle a certes les moyens juridiques et financiers de soutenir sans limite un État en difficulté, mais à condition qu’il prenne des mesures suffisantes de redressement de ses comptes publics. Une politique budgétaire très dure pourrait donc nous être imposée.
Beaucoup de nos créanciers semblent aussi penser que la BCE soutiendra toujours la France, l’Italie ou l’Espagne, même s’ils ne font aucun effort, car ces pays sont « too big to fail », surtout dans le contexte géopolitique actuel. Si leurs gouvernements et les acteurs des marchés financiers en sont convaincus, les premiers peuvent s’endetter sans limite sans que les seconds ne s’en inquiètent. Le risque est alors celui d’une dérive de l’inflation, voire d’un éclatement de la zone euro provoqué par la sortie d’un pays où des mouvements populistes prendraient le pouvoir en mettant en avant leur refus de payer pour d’autres pays. La BCE ne peut pas non plus prendre ce risque.
Quelle que soit sa réponse, nous mettons notre souveraineté en jeu en laissant la dette publique devenir hors de contrôle car notre avenir dépendra, un jour ou l’autre, de décisions qui seront prises à Francfort.
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