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10 / 11 / 2022 | 344 vues
Eric Peres / Abonné
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Les motivations à l'engagement syndical des cadres : une intéressante étude de l'IRES

Dans le cadre d’une convention avec l’IRES (1), une étude concernant les cadres et l’engagement syndical a été pilotée par FO-Cadres et rédigée par les deux auteurs Dominique Glaymann et Raymond Pronier.

 

L’objet de cette recherche (2) était  d’analyser le rapport actuel des cadres du secteur privé à l’engagement syndical. À partir d’observations de plusieurs  types, les auteurs ont cherché d’abord à saisir les représentations que se font les cadres du syndicalisme en général mais aussi de ce qu’ils pensent des différentes confédérations syndicales.
 


L’étude souhaite ensuite identifier les motivations de celles et de ceux qui s’engagent, que ce soit en se syndiquant, en candidatant à des élections professionnelles sur une liste syndicale et/ou en prenant
des responsabilités au sein d’une organisation.
 


À partir de lectures et de réflexions initiales, les auteurs ont formulé plusieurs hypothèses à tester autour des conditions et raisons de l’engagement syndical des cadres en lien avec leur histoire personnelle et familiale, leur parcours de formation et dans l’emploi et leur contexte socioprofessionnel.

 

Les motivations à l’engagement syndical


Peuvent influencer de façon plus ou moins forte l’engagement (ou le non-engagement) syndical d’un cadre :

  • des motivations intrinsèques corrélées à des « traditions » familiales, aux croyances et valeurs personnelles, à son histoire et aux visions du monde, de l’économie et de l’entreprise ;
  • des motivations extrinsèques reliées aux contextes et influences scolaires, professionnelles, régionales et/ou politiques ;
  • des choix réfléchis et rationalisés en lien avec des objectifs et éventuellement des arbitrages entre coûts et bénéfices qui peuvent se situer plutôt à l’échelle individuelle (défendre « mes » intérêts) ou à l’échelle collective (prendre part à une organisation et des actions « avec » d’autres) ;
  • des réactions face à des difficultés vécues dans l’emploi et liées à des besoins d’être informé et/ou soutenu face à la direction ou au management de l’entreprise ;
  • des raisons principalement locales au niveau de l’entreprise, de l’établissement en relation avec des enjeux et conflits particuliers ou avec l’activité et la personnalité de responsables syndicaux de terrain ;
  •  des convictions plutôt générales poussant à se syndiquer « par principe » et/ou rapprochant de telle ou telle organisation syndicale ;
  • d’autres évènements ou situations spécifiques vécus à un moment de la carrière.

 

Les cadres et les syndicats


Le travail d’enquête permet ainsi de poser quelques pistes concernant, d’une part, ce qui peut amener des cadres à se rapprocher des syndicats, voire à y adhérer, et, d’autre part, ce qui tend au contraire à les en dissuader en partant de la série de constats suivants :

 

  • globalement, les cadres du secteur privé marchand sont peu syndiqués (ils le sont moins que les autres catégories socio-professionnelles, mais l’écart est inversé dans l’emploi public) ;
  • les cadres experts non encadrants sont plus souvent (ou moins rarement) syndiqués que les cadres encadrant des salariés;
  • la proximité professionnelle de certains cadres avec les directions et encore plus avec les directions générales est un frein à leur syndicalisation : pour la dire autrement, un cadre participant à la direction générale d’une entreprise ou travaillant au contact régulier des dirigeants aura nettement moins tendance à se syndiquer que les autres ;
  • la syndicalisation est plus complexe dans les entreprises de petite taille à faible pourcentage de cadres que dans les grandes entreprises à fort pourcentage de cadres ;
  • les cadres du privé se syndiquent rarement en début de carrière ;
  • un nombre significatif de ceux qui sont syndiqués souhaitent que leur engagement soit confidentiel (tant vis-à-vis de leur direction que de leurs collègues et de leurs subordonnés) ;
  • l’engagement syndical des cadres du privé intervient souvent au moment où ils rencontrent un problème dans leur carrière ou lorsqu’ils font face à une menace ou à un conflit avec leur hiérarchie,
  • une fois qu’ils se sont syndiqués, les cadres du privé restent généralement durablement encartés ;
  • le dévoilement voire le début de l’appartenance syndicale des cadres du privé se produit souvent au moment d’un engagement sur une liste électorale ;
  • les cadres sont très sensibles à la question de l’information : être syndiqué est souvent vu comme un moyen permettant d’obtenir des informations, pertinentes différentes ou complémentaires de celles transmises par la voie hiérarchique) ;

 

Les cadres syndiqués accordent une grande importance au sérieux du travail syndical.
 

 

  • les cadres syndiqués interrogés accordent une grande importance au sérieux du travail syndical même quand ils sont « en opposition » avec les directions, ils semblent se méfier des revendications infondées ou irréalistes (être cadre, c’est « être responsable ») et cela ne tient pas seulement à leur position intermédiaire – entre dirigeants et autres salariés – car dans les entreprises majoritairement composées de cadres (secteur de haute technologie), on retrouve les mêmes postures ;
  •  l’image nationale des confédérations favorise la syndicalisation, sur le terrain des entreprises, pour les organisations perçues ou présentées comme « réformistes » et ouvertes à la négociation ;
  • très peu de cadres supérieurs des entreprises privées du secteur privé s’engagent syndicalement, et rarement dans les syndicats considérés comme « revendicatifs », la CGT, FO ou SUD.

 

La syndicalisation

 

La proximité professionnelle avec les directions est un frein à leur syndicalisation.


Au-delà des craintes pour sa réputation et sa professionnalité, et de l’indifférence ou la méfiance vis-à-vis des syndicats, l’individualisme contemporain contribue certainement chez les cadres, comme sans doute
dans d’autres catégories socioprofessionnelles, à limiter le goût pour la syndicalisation.


Du coup, une partie des cadres s’adonnent à des syndicalisations « intéressées » et purement utilitaristes, voire consuméristes qui conduisent à se syndiquer quand on rencontre un problème ou quand on a un besoin d’un service et d’un soutien avant de se replier ensuite sur son précarré.


Même si cela n’apparaît pas comme un cas général, c’est une réalité qui pose la question de la fidélisation des syndiqués et qui conduit à interroger l’idée de développer des « syndicats de service », autre
question abordée par la présente étude.


L’accroissement considérable de la population des cadres au cours des dernières décennies doit, de surcroît, nous amener à examiner les facteurs majeurs d’homogénéité et d’hétérogénéité des cadres. On
sait que la fonction, le secteur, la taille de l’entreprise, les déroulements de carrière influencent considérablement les perceptions et les représentations, et sans doute de façon différente selon les étapes dans la carrière.

 

Au-delà du constat de cette diversité des cadres, la recherche de lignes de fracture pertinentes (positions dans les rapports de production, places dans les lignes hiérarchiques, environnements professionnels) peut permettre d’ouvrir des analyses et des perspectives nouvelles en matière de syndicalisation des cadres.

 

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(1) L'Institut de recherches économiques et sociales (IRES) est un organisme au service des organisations syndicales représentatives des travailleurs. http://www.ires.fr/

(2). Etude disponible en ligne:  https://ged.fecfo.fr/portal-dom/documentation/9E24236C-E53F-4B41-9B47-A14FC-94DB332-20220909113507.pdf

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