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11 / 03 / 2025 | 23 vues
François Ecalle / Membre
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Les agences de l'Etat: les mesures d'économies envisageables

Le Sénat a créé le 6 février 2025 une commission d’enquête sur « les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État » qui m’a auditionné le 18 février. Cette note développe les réponses que j’ai apportées aux questions de cette commission.

 

En 2012, le Conseil d’État et l’inspection générale des finances ont chacun publié un rapport sur les « agences ». Le premier en recensait 103 et le deuxième 1 244, ce qui illustre l’imprécision de ce concept dont il existe plusieurs définitions.

 

Il existe une liste des « autorités indépendantes » qui en répertorie 24. Leurs moyens budgétaires sont, au total, inférieurs à 500 M€. Un rapport annexé au projet de loi de finances présente aussi chaque année les « commissions et instances consultatives ou délibératives » placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres. Elles sont au nombre de 317 et leurs dépenses dépassent rarement le million d’euros.

 

Les deux catégories d’organismes pouvant être qualifiés d’agences, dont la liste est régulièrement mise à jour et pour lesquelles les enjeux budgétaires sont importants et des informations intéressantes sont disponibles sont les opérateurs de la comptabilité budgétaire et les organismes divers d’administration centrale (ODAC) de la comptabilité nationale.

 

Les crédits budgétaires et les taxes affectées aux 434 opérateurs s’élèvent à 77,0 Md€ dans le PLF 2025 et ils emploient près de 500 000 personnes. Leur nombre a diminué depuis 2008, où ils étaient 649, mais leurs moyens budgétaires sont passés de 1,4 % du PIB en 2007 à 2,7 % en 2023, ce qui résulte pour partie d’un transfert de moyens et de compétences aux universités devenues autonomes.

 

Les ODAC sont environ 700 et la plupart d’entre eux sont des opérateurs. Leurs dépenses de fonctionnement et d’intervention (aides et subventions) agrégées dépassent 100 Md€ et leurs investissements sont supérieurs à 30 Md€. Leurs dépenses totales représentaient environ 17 % de celles des administrations publiques centrales (l’État et les ODAC) de 1990 à 2005 et cette part a ensuite augmenté pour atteindre 21 % en 2023.

 

Les agences peuvent améliorer l’efficience des services publics. Des études inspirées de l’expérience des pays anglo-saxons et scandinaves ont en outre promu à la fin du siècle dernier une organisation administrative dans laquelle les ministres définissent les politiques publiques et chargent des agences de les mettre en œuvre en leur fixant des objectifs et les moyens nécessaires à un horizon de moyen terme. Ce modèle a inspiré la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001 et le développement des agences dans les années 2000.

 

Il fonctionne correctement dans d’autres pays mais pas en France, en particulier parce que l’État n’a jamais su formuler des objectifs opérationnels pertinents et s’engager à moyen terme sur des moyens budgétaires. S’agissant des services de l’Etat, la LOLF est aussi un échec. Ce n’est pas l’organisation administrative, agences ou services de l’Etat, qui pose un problème mais l’accumulation de missions sans remise en cause de leur justification.

 

Des économies sur les dépenses des opérateurs sont néanmoins possibles et souhaitables, mais il faut noter que la moitié de leurs effectifs se trouvent dans les universités et les trois principaux centres de recherche publics. Or les dépenses affectées à l’enseignement supérieur et à la recherche ne sont pas particulièrement élevées en France....../...

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Les économies envisageables
 

Dans les années 2000, la création d’opérateurs disposant de taxes affectées dont le produit était dynamique a permis à certains ministères de contourner les contraintes budgétaires résultant de « normes de dépenses » plus strictes.

A partir de 2012, les taxes affectées à certains opérateurs ont été plafonnés, les recettes recouvrées au-delà du plafond devant être reversées au budget général, et le montant de ces plafonds a été inclus dans le périmètre de la norme de dépenses de l’Etat.

Ensuite, la plupart des opérateurs ont été interdits d’emprunter. Ils ont donc été soumis à des contraintes financières plus rigoureuses.

 

En 2023, les dépenses de fonctionnement des ODAC (rémunérations et achats courants de biens et services), mieux connues que celles des opérateurs, sont d’environ 55 Md€ dont plus de la moitié pour la masse salariale. Une baisse de ces dépenses de 5 %, objectif parfois annoncé, se traduirait donc par une économie de près de 3 Md€, mais les difficultés ne sont pas négligeables.

 

La moitié des opérateurs comptent moins de 250 salariés et 17 % en comptent moins de 50. Or l’efficacité de cette forme d’organisation repose pour beaucoup sur des économies d’échelle car les coûts fixes associés à la création d’un organisme public indépendant de l’Etat peuvent être importants. La liquidation de certains d’entre eux, avec réintégration dans les services de l’Etat ou fusion avec d’autres opérateurs, peut donc permettre de réaliser des économies, mais elles seront limitées du fait même de la faible taille de ces structures.

 

Les universités et les principaux centres de recherche (CNRS, CEA et INRAE) emploient 49 % des effectifs des opérateurs et représentent sans doute une part aussi importante de leurs achats de biens et services. Des économies sont certes envisageables dans ces organismes, notamment sur les achats, mais, s’agissant de la masse salariale, il n’est pas sûr que les fonctions support représentent une part très élevée de ces emplois et il est très difficile d’identifier les postes d’enseignants et de chercheurs qui pourraient être réduits sans compromettre la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les dépenses publiques affectées en France à la recherche et à l’enseignement supérieur, les « dépenses d’avenir » par excellence, nous situent au niveau de la moyenne européenne et non pas au-dessus comme pour presque tous les autres postes.

 

France Travail est le principal opérateur avec 12 % des effectifs de l’ensemble. Pour réduire significativement ses dépenses, il faudrait probablement revoir ses missions et la politique de l’emploi.

 

Les transferts des ODAC vers d’autres administrations et leurs subventions aux entreprises et aux ménages s’élèvent à presque 50 Md€. Certains d’entre eux ont d’ailleurs comme mission de distribuer des aides, comme l’agence de services et de paiements (ASP) pour ce qui concerne les aides à l’agriculture et à l’emploi. Pour réaliser des économies sur leurs dépenses, il faudrait revoir les dispositifs concernés.

 

A court terme, les opérateurs ont accumulé une importante trésorerie à la fin de 2023 (4,2 Md€ pour les universités ; 2,4 Md€ pour l’ADEME ; 1,5 Md€ pour France Compétences) que l’État semble vouloir récupérer. Elle pourrait résulter d’une incapacité de ces organismes à consommer tous les crédits dont ils disposent, ce qui justifierait cette ponction, ou d’un report du paiement d’investissements déjà engagés et cette ponction aggraverait alors leur situation financière. Selon un rapport de l’inspection générale des finances de septembre 2024, l’excédent de trésorerie mobilisable par l’État est de 2,5 Md€.

 

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