Participatif
ACCÈS PUBLIC
17 / 04 / 2020 | 3371 vues
Eric Gautron / Membre
Articles : 18
Inscrit(e) le 25 / 07 / 2014

Dispenses d'activité et arrêts de travail dérogatoires : aucun salarié de la Sécurité sociale ne doit être pénalisé

La situation exceptionnelle que nous connaissons fait surgir de nombreuses situations atypiques, non explicitement prévues par nos dispositifs conventionnels, voire par le code du travail. Parmi ces situations, la question de ce qui est communément appelé une « absence pénalisante » se trouve au cœur de nombreuses revendications. En effet, certaines périodes d'absence du salarié sont assimilées à du temps de travail effectif et, ce faisant, elles demeurent génératrices de droits.

 

Le code du travail énumère six cas de périodes dites assimilées à du temps de travail effectif, parmi lesquelles :
 

  • les périodes de congés payés ;
  • les périodes de congés pour événements familiaux (maternité, paternité et accueil de l’enfant et adoption) ;
  • les contreparties obligatoires sous forme de repos des heures supplémentaires ;
  • les jours de repos accordés au titre de l’accord collectif aménageant le temps de travail sur une période supérieure à la semaine (accord RTT) ;
  • les périodes de suspension du contrat de travail résultant d’un arrêt de travail au titre de la législation professionnelle (ATMP).
     

Or, l’épidémie a créé des situations exceptionnelles au niveau de la gestion du personnel, les cas de salariés en dispense d’activité d’une part et des cas d’absence sui generis d’autre part, dont le traitement doit poser des questions. En effet, à ce jour, aucun texte n’a traité des effets de ces situations alors même que ceux-ci sont majeurs : ces situations vont potentiellement pénaliser des millions de salariés quant à l’acquisition des congés, des RTT, de l'intéressement et même de l'ancienneté, ce qui affecte notamment la couverture mutuelle et la prévoyance.

 

Dispenses d'activité à la Sécu

 

S’agissant des salariés en dispense d’activité, les caisses communiquent peu de chiffres. Difficile d’en mesurer l’ampleur mais les remontées permettent pour la plupart d’envisager qu’un salarié sur trois (jusqu’à un sur deux dans certains organismes) a été ou est actuellement concerné.

 

Il devrait a priori s’agir de salariés qui ne sont pas en arrêt de travail (tout motif confondu) et qui ne peuvent pas exercer d’activité pendant tout ou une partie de la période de confinement parce que leur activité ne peut pas s'effectuer en télétravail, qu’ils n’ont pas pu être affectés sur une autre activité et/ou qu’il n’a pas été possible de mettre l’équipement informatique nécessaire à leur disposition.

 

A priori, les employeurs les classent en absence autorisée assimilée à du temps de travail affectif (code 119). Ce faisant, ils bénéficieraient du maintien de la rémunération et de ses accessoires (à l’exception du ticket restaurant), ainsi que de l’acquisition de congés payés.

 

En revanche, l’absence est pénalisante pour l’acquisition des RTT et devrait donc l’être pour l’intéressement d’après l’accord du 21 juin 2017.

 

Or, certains font état de consignes différentes : l’utilisation d’un autre code dans les outils de RH serait à l’étude, code qui emporterait pour conséquence la proratisation des congés payés et la rapprocherait de la situation du salarié mis à pied avec maintien de la rémunération, ce qui n’est pas admissible.

 

Les absences sui generis

 

Ce sont les cas d’arrêts de travail dérogatoires. A priori, nos employeurs s’accordent à dire qu’ils ne sont pas assimilables à du temps de travail. Ce faisant, ils en deviennent pénalisants pour l’intéressement, l’acquisition de RTT et le bénéfice des titres restaurants.
 

Pourtant, il ne s’agit pas de congés pour enfant malade (code 124 et également pénalisants) ou de congés sabbatiques (code 137, là encore pénalisants) et les assimiler à des congés pour catastrophes naturelles (code 132, tout autant pénalisants) n’est pas davantage admissible.

 

Le silence du droit commun, comme du droit dérogatoire introduit par la loi d’urgence sanitaire, ne doit pas être mis à profit pour pénaliser des salariés qui subissent des choix politiques. La situation exceptionnelle que nous subissons ne doit pas davantage permettre de faire des économies aux dépens des salariés, notamment à travers une moindre distribution de l’intéressement ou, pire encore, une attribution différenciée de mesures salariales sanctionnant les dispenses et absences susmentionnées.

 

Aucun salarié ne doit être pénalisé au titre de l’acquisition des jours de RTT et de l’intéressement.
 

L’accord de 2017 sur l’intéressement, qui arrive à son terme, dispose en son article 10 que : « les absences assimilées à du temps de présence sont identiques à celles résultant de l’application des règles, établies sur le plan national, pour le calcul des jours de repos liés à la réduction du temps de travail ».

 

En l’état, d’après une lettre circulaire de l'UCANSS de 2001, ces règles disposent notamment que, pour un salarié à temps complet (base 39h/semaine sur 5 jours) :
 

  • son nombre de jours travaillés annuels théorique est compris entre 220 et 230 ;
  • il peut prétendre à un maximum de 20 jours de RTT par an ;
  • il acquiert 1 jour de RTT tous les 10 jours de présence ;
  • les absences non assimilées à du travail effectif au regard de l’acquisition des jours de repos ont pour effet de diminuer le nombre annuel de ces jours, de sorte qu’une absence pour maladie durant 10 jours ne permet plus au salarié que d’acquérir 19 jours sur les 20 initiaux.

 

Il en résulte qu’il suffirait que lesdites règles établies pour le calcul des jours de RTT soient amendées pour explicitement prévoir que, à titre exceptionnel et chaque fois que des mesures d’urgence sanitaire restreindront la liberté de circulation, les salariés de l’institution ne seront pas pénalisés au titre de l’acquisition des jours de RTT et de l’intéressement. Et de préciser que cette règle de non-pénalisation s’applique au personnel en activité ainsi qu'à celui en dispense d’activité et celui empêché de travailler (arrêts de travail liés au covid-19).

 

Dans une lettre circulaire relative à la nomenclature de la gestion du temps de travail, l'UCANSS elle-même a reconnue que certains codes existants renvoient à des situations où le salarié, bien que n‘étant pas physiquement à son poste de travail, ne peut pour autant être considéré comme « absent ». Il est donc possible de générer et de généraliser des codes permettant une gestion bienveillante et harmonisée des conséquences des RH de la crise sanitaire à l'ensemble du personnel. Cette solution s’impose d’autant plus que le confinement devrait s’étaler pendant au moins deux mois.

 

C’est pourquoi le SNFOCOS revendique et exige des mesures exceptionnelles en faveur des salariés : en matière de congés (acquis ou en cours d’acquisition), de jours de RTT (acquis ou en cours d’acquisition), d’intéressement, de rémunération et de ses accessoires, aucun salarié ne doit être pénalisé et toutes les situations doivent être assimilées à du temps de travail effectif au titre de la solidarité.

Pas encore de commentaires