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30 / 09 / 2025 | 8 vues
Theuret Johan / Membre
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Déficit public : et si l’Etat instaurait un emprunt national obligatoire pour les plus aisés ?

Alors que la France connaît un déficit public record – et que le Premier ministre Sébastien Lecornu tente de trouver un accord autour d’un projet de budget –, le think tank Le Sens du Service public fait une proposition originale pour renflouer les caisses de l’Etat : la mise en place d’un grand emprunt obligatoire pour les Français les plus fortunés.

 

Pour réduire durablement le déficit budgétaire et maîtriser la dette, il y a aujourd’hui une impasse dans le débat politique. Depuis plusieurs années, les inégalités sociales croissent et les tentatives de réformes fiscales se heurtent à des blocages politiques. Or, pendant que les débats s’enlisent, la dette publique continue d’augmenter et la charge d’intérêts devient de plus en plus lourde. Face à cette situation, une piste mérite d’être examinée : instaurer un emprunt national obligatoire ciblé sur les contribuables les plus aisés. Ce mécanisme permettrait de mobiliser une partie de l’épargne abondante détenue par les plus fortunés, de réduire la dépendance aux marchés financiers et de répartir l’effort de redressement budgétaire selon un principe de justice.

 

Les sommes collectées auprès des foyers concernés seraient rendues au terme de l’échéance, assorties d’un intérêt. Autrement dit, il ne s’agit pas de confisquer une partie du patrimoine privé, mais de mobiliser temporairement une fraction de l’épargne disponible au profit de l’intérêt général. Les contribuables les plus aisés, qui disposent de marges de manœuvre financières et qui ont bénéficié d’allègements fiscaux depuis 2017, se verraient contraints non pas de se priver définitivement d’une partie de leur capital, mais de le prêter à l’Etat à un taux d’intérêt inférieur à celui exigé par les marchés financiers.

 

Complémentaire à une possible hausse de la fiscalité, cette proposition permettrait de ralentir la dynamique de la charge de la dette publique. En 2025, la charge d’intérêts devrait atteindre 66 milliards d’euros, soit davantage que les 64,3 milliards consacrés à l’Education nationale. En 2029, les intérêts pourraient représenter 107 milliards d’euros par an. Or, une grande partie de cette dette est aujourd’hui financée par des acteurs étrangers qui exigent une rémunération dépendant des conditions de marché. En se tournant vers un emprunt national obligatoire, l’Etat retrouverait une autonomie partielle, en réduisant sa dépendance à ces financeurs extérieurs qui aujourd’hui détiennent 53 % de la dette publique.

 

La France dispose d’une caractéristique singulière : son taux d’épargne financière est particulièrement élevé. En 2025, il atteint 10 % du revenu disponible, un niveau inédit depuis près d’un demi-siècle. Cette accumulation d’épargne, principalement détenue par les ménages les plus aisés, pourrait être réorientée vers un objectif d’intérêt général. L’emprunt obligatoire constitue une réponse adaptée. Il canalise une partie de ces ressources dormantes vers le financement de l’Etat, sans pour autant imposer un effort définitif.

 

A la différence d’un emprunt national volontaire, dont les conditions de rémunération devraient être suffisamment attractives pour séduire les épargnants et qui pèserait donc lourdement sur le budget public, l’emprunt obligatoire permettrait de fixer un taux inférieur à celui des emprunts d’Etat à dix ans sur les marchés financiers. L’opération serait ainsi moins coûteuse pour l’Etat.

 

Un emprunt national obligatoire contient une dimension de justice sociale. Plutôt que de faire peser un effort indifférencié sur l’ensemble de la population, comme ce serait le cas d’une hausse de la TVA ou d’une réduction massive des dépenses publiques, l’emprunt obligatoire ciblerait les contribuables les plus aisés. L’effort demandé serait donc proportionnel aux capacités contributives, respectant ainsi le principe d’équité.

 

De plus, au-delà de la gestion courante de la dette, l’emprunt obligatoire pourrait devenir une source de financement des investissements stratégiques dont le pays a besoin. La transition écologique exige en effet des dépenses massives dans les infrastructures de transport, la rénovation énergétique des bâtiments ou encore la recherche. Ces investissements sont coûteux mais indispensables pour réduire notre dépendance énergétique, lutter contre le changement climatique et créer des emplois durables.

 

De même, les services publics – éducation, santé, justice, sécurité – souffrent d’un sous-financement qui alimente les inégalités sociales et fragilise la cohésion nationale. Un emprunt obligatoire ciblé permettrait de dégager des marges de manœuvre pour investir dans ces secteurs essentiels, sans accroître la charge de la dette au même rythme que si l’Etat devait recourir exclusivement aux marchés financiers.

 

La situation budgétaire impose un effort collectif. L’avantage de cette solution est précisément de concilier deux impératifs dans l’attente de sortir de l’impasse politique actuelle : responsabilité budgétaire, en finançant l’Etat à un coût inférieur à celui des marchés et justice sociale, en ciblant l’effort sur ceux qui disposent des moyens de le supporter.

 

L’emprunt obligatoire n’est pas une fuite en avant, mais un compromis réaliste dans un contexte de blocage politique et de pression croissante de la dette. Il s’agit d’un instrument de solidarité nationale qui permet à la fois d’améliorer les comptes publics et de préparer l’avenir, sans alourdir la charge pesant sur les plus fragiles.

 

Tribune également reprise par le Nouvel Observateur

 

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