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14 / 11 / 2025 | 12 vues
Jean-Philippe Milesy / Membre
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De la dimension culturelle et politique de l’ESS

La richesse des communications et échanges de la 10éme Conférence de recherche du Ciriec-International a paradoxalement révélé un problème latent au sein de l’ESS quant à la place d’une expertise en partage de ses valeurs et principes.

 

A la veille du Congrès du GSEF, cette conférence —tenue à Sciences-Po à l’initiative de Timothée Duverger— a réuni des centaines de chercheurs et de praticiens de plus de quarante pays.

 

Comme s’en félicitait Barbara Sak directrice du Ciriec-International, l’initiative a suscité 400 propositions de communications, 325 ont été retenues et plus de 200 de leurs auteurs étaient présents à Bordeaux malgré des refus de visas incompréhensibles de la part des autorités françaises à l’égard de partenaires africains.

 

Ces communications portaient sur presque tous les champs d’investigation concernés par l’ESS ; conduites au sein des universités ou en coopérations internationales entre laboratoires, elles avaient été le plus souvent soutenues par des États, des territoires et plus rarement par des grandes structures de l’ESS.

 

Et c’est là le problème latent évoqué plus haut.

 

Malgré l’intérêt et la diversité de ces recherches, en France on en trouve trop rarement la trace dans la conduite des grandes maisons et groupements de l’ESS.

 

Celles-ci, ceux-ci semblent leur préférer un recours à l’expertise de structures marchandes voire de grands cabinets de consulting dominés par la doxa libérale, au risque d’une banalisation de leurs stratégies, de leurs pratiques.

 

À l’aube du troisième millénaire, un certain nombre de responsables militants, coopérateurs et associatifs, et de responsables de bureau d’études progressistes lançaient une initiative intitulée Résol.  Il s’agissait dans un premier temps de recenser l’offre d’expertise progressiste pour le développement de l’Économie sociale solidaire.

 

Résol ayant bénéficié d’un soutien public avait présenté en 2001 un épais document présentant des centaines d’offres s’inscrivant dans ses critères progressistes. En revanche dans les contacts établis alors avec les maisons et groupement d’ESS, il ne constata que peu d’intérêt pour cette offre, y compris de la part de partenaires de l’initiative.Et Résol tourna court.

 

On affirme volontiers qu’ont tort ceux qui ont raison trop tôt !

 

Vingt-cinq ans plus tard, on constate le même décalage entre la richesse de l’offre et une certaine pauvreté de la demande.

 

L’année dernière Christian Oyarbide, président de Mutlog, proposait, avec le soutien du Ciriec-France, la constitution d’un groupement pour financer des thèses sur l’ESS. Sa proposition ne trouva pas l’écho espéré au sein du secteur. Il se vit objecter par certains que dans deux, trois, voire quatre ans, ils ne seraient peut-être plus en responsabilité : après moi le déluge dit l’adage !

 

Bien sûr, comme le soulignait, à Bordeaux, l’infatigable Marie Bouchard de l’Université du Québec à Montréal (UQUAM)— à qui Bernard Thiry, président du Ciriec-International rendit un hommage appuyé— le temps de la recherche est un temps long.

 

Force est de constater que bien des responsables de l’ESS semblent gagnés par le court-termisme qui est le temps de la spéculation et des stratégies libérales.

 

Trop de nos dirigeants semblent éprouver un sentiment de « reconnaissance », de valorisation en s’adressant à des sociétés « main stream » de consulting et sont prêts à payer cher pour cela, n’obtenant en retour que des conclusions selon la doxa libérale au risque de la banalisation de leurs structures.

 

La fin de l’Institut Montparnasse qu’avait fondé Jean -Michel Laxalt procède de cet état d’esprit.

 

Henri Desroche, le père de l’Économie sociale moderne, insistait sur la responsabilité d’entreprises apprenantes des structures de l’ESS. Avec les Collèges coopératifs il avait créé des outils de formation de responsables ES à partir de leurs pratiques, de leurs expériences et des savoirs accumulés. Au sein des entreprises du temps la promotion sociale n’était pas un vain mot. Desroche disait volontiers qu’il était plus facile de former un militant que de conscientiser un cadre sorti d’une école marquée du sceau de la doxa libérale.

 

Aujourd’hui, à l’instar de ce qui se passe pour la recherche et l’expertise, bien des maisons et groupements de l’ESS vont chercher ces cadres, voire leurs dirigeants, parmi les titulaires de MBA ou de grandes écoles,  sans prise en compte— au-delà de la qualité et des compétences réelles de bien d’entre eux— de la dimension « politique » dans l’esprit du temps de ces formations.

 

À Bordeaux, chacun soulignait la singularité de l’ESS et l’urgence sociale, démocratique, environnemental qu’il y avait à la développer.

 

Il est temps d’en affirmer la dimension culturelle et politique. Et vous vous faites quoi demain ?

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