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23 / 04 / 2025 | 12 vues
Stephen Soret / Abonné
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Colloque MNT : repenser le reclassement dans la FPT

L’Observatoire MNT et la section locale 78 de la MNT ont organisé, le 1er avril dernier, un colloque au siège de la mutuelle autour d’une thématique sensible : le reclassement dans la fonction publique territoriale. Une matinée riche en témoignages, outils concrets et retours d’expérience, pour faire évoluer les pratiques et sortir d’une logique de fatalité.

 

Le reclassement : une problématique RH prioritaire

 

Avec plus de 100 participants réunis au siège de la MNT, ce colloque s’est inscrit dans un cycle d’« études-actions » sur l’absentéisme porté par l’Observatoire MNT. L’étude 32, confiée au sociologue-consultant Jérôme Grolleau, a exploré les mécanismes du reclassement à travers une approche qualitative fondée sur 33 entretiens.

 

Cette démarche part d’un constat : le reclassement est souvent vécu comme une impasse. « Le reclassement, ça ne marche pas. On a tout essayé. » Ces réactions, souvent entendues parmi l’encadrement et en particulier au sein des DRH, traduit une forme de découragement. « Ce sentiment de fatalité, c’est précisément ce que nous voulons dépasser, a rappelé Laurent Besozzi, président de l’Observatoire MNT. Il est urgent de proposer une nouvelle lecture et d’agir autrement. »

 

Changer de regard, changer de culture

 

L’objectif premier de l’étude était de « changer de regard sur ce que vivent les agents et sur les impacts du reclassement », a expliqué Jérôme Grolleau. Au-delà des procédures, c’est un parcours long et complexe, qui « fragilise tout ce qui permet à une personne de tenir debout ». Il alerte sur un risque d’effondrement personnel et social. « Le reclassement n’est pas qu’un dispositif administratif : c’est une épreuve de vie totale, porteuse de nombreux dangers pour la personne. »

 

L’étude de l'Observatoire MNT met en lumière les facteurs favorisant un parcours réussi : une écoute compréhensive, une relation de confiance, la reconnaissance des compétences de l’agent, mais aussi un engagement collectif de l’ensemble des acteurs qui l’entourent. « Il faut sortir d’une logique administrative subie pour développer une approche plus stratégique privilégiant la vitesse du signalement, la prévention, la reconversion anticipée... »

 

Améliorer les dispositifs existants

 

La première table ronde a réuni plusieurs responsables territoriaux engagés dans des démarches de maintien dans l’emploiAnne-Laure Dubuy, cheffe de service handicap et maintien dans l’emploi au CDG du Rhône, a rappelé que « l’anticipation est la clé. Pour que ça marche, il faut avoir commencé à réfléchir à un nouveau projet professionnel avant le début de la PPR et ensuite profiter de cette période pour enclencher les stages d’immersion et les formations. Sinon, selon la maturité du projet et le bagage initial de l’agent, enclencher tout le processus de réflexion et passer à l’action, en un an, c’est compliqué. Il faut créer un cadre rassurant, clair, en amont pour que l’agent retrouve sa capacité d’agir. »

 

Hélène Ollier, directrice adjointe du CDG de la Haute-Garonne, a insisté : « A l’instar d’un corps vivant, le reclassement doit être compris de façon systémique : toutes ses cellules sont interconnectées, avec au centre, le noyau de la question du travail, de l'activité. Si on veut modifier notre culture, tous les acteurs (agent, médecin du travail, RH, DGS/secrétaire général de mairie, spécialistes de l’emploi et de la GPEEC, élus, représentants des agents) doivent être en interaction. Si on rate nos interconnexions, ça ne va pas fonctionner ! Enfin, l'agent, "notre" cellule, se trouve dans un environnement qui part du collectif-même de l’activité exercée jusqu’à notre société (évolution des technologies, des attentes vis-à-vis des services publics, augmentation des violences externes), en passant par sa situation personnelle (monoparentalité, agents aidants…). Changer collectivement de perspectives nous permet de lever les craintes et les tabous individuels et collectifs, et de redéfinir nos solutions d’accompagnement du reclassement. »

 

Des outils pour anticiper et accompagner

 

Ce colloque a également permis de découvrir des outils concrets. Alexandre Ferreira, analyste de données sociales et chargé d’étude au CIG Grande Couronne, a présenté le module GPEEC, un outil de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences. Ce module combine les données RH, les statistiques médicales, les données de concours et de formation. Il permet d’identifier les métiers les plus à risque, les agents exposés à l’usure professionnelle, et propose des aires de mobilité susceptibles d’orienter, en partie, les parcours de reconversion ciblés. « Ce que permet le module, c’est une vision à la fois macro pour le pilotage stratégique des effectifs, et micro pour l’accompagnement individuel des agents », a-t-il souligné. Enfin, l’export "métier" facilite le repérage des profils internes mobilisables à court ou moyen terme.

 

Ouvrir de nouvelles voies : du reclassement à la reconversion

 

La seconde table ronde a mis en avant des initiatives locales inspirantes. Pour Christian Meignan, coordinateur santé au travail chez Kiné France Prévention« prendre soin du travail réel est essentiel : c’est ce qui redonne à l’agent sa place, son rôle, sa dignité ». Il a ajouté : « Beaucoup d'agents nous disent "en dehors des solutions apportées, c'est la première fois depuis bien longtemps que quelqu'un nous regarde travailler, que moi je me vois travailler, que je parle de mon travail, qui, avant, était transparent, qui n'existait pas". »

 

L’enjeu n’est pas seulement médical ou juridique : c’est aussi une question de sens. Isabelle Arnaud-Roy, DGA de l’établissement public du Capitole (Toulouse), a plaidé pour une approche souple et personnalisée : « Il est préférable d'anticiper les choses, de faire face à ces situations, sans faux-semblant en interrogeant la manière dont on peut accompagner la productivité fluctuante et variable, puisque en fait, c'est bien là le sujet ! L'objectif pour l'employeur est de gérer la situation de travail. Dans les outils existants, le congé de longue maladie fractionné permet de poser un cadre souple pour organiser ces situations de travail, de façon très simple entre l’agent, son médecin et l’employeur ».

 

En conclusion, Laurent Besozzi a souligné que l’étude 32 de l’Observatoire MNT engageait à un changement de paradigme : « Passer d’un reclassement vu comme une obligation administrative à une dynamique stratégique de reconversion, cela suppose de remettre l’individu au cœur du processus ». La MNT affirme ainsi sa volonté d’accompagner les employeurs publics dans une transformation durable des pratiques RH. « Prendre soin de l’agent, c’est aussi prendre soin des métiers et du service public. La MNT a choisi de rester une mutuelle affinitaire, c’est-à-dire une mutuelle exclusivement dédiée aux agents de la fonction publique territoriale. C’est un statut particulier, que nous avons choisi, et ce choix a trouvé, ce matin, une belle incarnation par la diversité des interventions. »

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