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27 / 04 / 2015
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Ouverture des bibliothèques le dimanche à Paris : Bruno Julliard renvoyé à ses chères études par sa propre majorité municipale

Cela à beau être l'une des obsessions de la maire de Paris, d'Anne Hidalgo et de Bruno Julliard (son premier adjoint en charge de la culture) mais le projet d’ouvrir deux nouvelles bibliothèques municipales le dimanche dans la capitale est loin de faire l’unanimité, y compris au sein de leur propre majorité. Les débats ont été vifs lors du dernier conseil de Paris. Les élus du groupe Communistes-Front de Gauche et ceux du groupe écologiste ont été très critiques sur les propositions de l’exécutif, surtout dans un contexte où la municipalité parisienne réduit, année après année, les moyens de ses bibliothèques.

« Le réseau des bibliothèques est mis à mal. Les plus petits établissements ont du mal à fonctionner correctement avec des moyens très contraints, certaines doivent même réduire leurs horaires d’ouverture. Les budgets d’animation des établissements et d’acquisition des documents sont en baisse. C’est quand même un comble de parler d’ouverture du dimanche dans ce contexte-là ! » n’ont pas hésité à déclarer les communistes par la voix d’Emmanuelle Becker, élue du XIIIème arrondissement.

Une critique reprise par les écologistes parisiens. « Ouvrir nos bibliothèques le dimanche nécessite une réflexion d’ensemble, plus générale, sur les ambitions de notre ville sur l'accès à la lecture. Il s'agit, en premier lieu, pour nos établissements de disposer d'effectifs suffisants. Nous devons pouvoir nous appuyer sur des bibliothécaires professionnels pour que la qualité d'accueil soit au rendez-vous », ont-ils finement observé avant de lancer un petit scud à l’endroit d’Anne Hidalgo et de son premier adjoint. « Quelle cohérence portons-nous quand nous baissons les dotations, quand nous diminuons les postes ? », ont-ils lancé en plein hémicycle. Une vraie volée de bois vert.

Des élus qui emboîtent le pas aux syndicats, lesquels avaient déjà dénoncé quelques jours avant, au comité technique de la Direction des affaires  culturelles, la politique de la mairie. « L'augmentation des horaires (notamment le dimanche) peut difficilement se faire avec des moyens humains en baisse et le non-remplacement de fonctionnaires, comme l’applique avec zèle la municipalité parisienne depuis plusieurs années dans ses bibliothèques. Certaines, malgré la réduction de leurs horaires, faute de personnel suffisant, sont même considérées par l’administration comme encore en sureffectif ! On marche vraiment sur la tête ». Résultat, une réunion houleuse où les syndicats, pour protester contre le passage en force de Bruno Julliard, ont alors renvoyé l’ancien leader étudiant à ses chères études.

Mais au-delà des moyens, c’est la pertinence même de l’ouverture du dimanche qui fait débat parmi les élus. « Demandons-nous d’abord à quel besoin répond l’ouverture des bibliothèques le dimanche ? D’une certaine manière, elle répond à la dérégulation des modes de vie : toujours plus de gens travaillent le samedi, voire le dimanche. Mais souhaitons-nous vraiment accompagner ces évolutions ? Souhaitons-nous permettre aux employeurs de toujours plus déréguler le travail en adaptant le service public aux exigences du secteur privé ? Si l’on poursuit la logique de la loi Macron qui veut généraliser le travail du dimanche, pourquoi ne pas plutôt ouvrir le lundi, jour de repos en devenir pour beaucoup de salariés ? », une question on ne peut plus pertinente à laquelle Bruno Julliard s’est apparemment bien gardé de répondre.

Car la question des modes de vie et des horaires atypiques est un sujet qui concerne aussi, depuis longtemps, les bibliothécaires, comme le rappellent au passage les élus de la capitale : « Attention au passage en force auprès de ces professionnels. Leurs horaires sont déjà atypiques, avec des week-ends, les dimanches et lundis, des fins de journée à 19h00. Pour beaucoup d'entre eux, par exemple, ce ne sont pas des emplois du temps faciles à combiner avec une vie de famille », pointe avec justesse l’élue verte, Aurélie Solans (lire ici).

De plus, comme tout ceux qui veulent ouvrir les services publics le dimanche (sans toutefois y travailler soi-même), la ville de Paris peine à justifier pourquoi elle veut ouvrir des bibliothèques ce jour-là en dehors de quelques phrases creuses comme « l’adaptation aux rythmes de vie des Parisiens », invariablement suivie « d’une demande croissante des usagers ». Rengaine habituelle depuis plus de dix ans et formellement contestée par ceux qui ont eu accès aux chiffres de fréquentation des trois bibliothèques parisiennes déjà ouvertes ce jour-là.

« Il n’y a pas de « demande croissante » des usagers pour l’ouverture du dimanche », prévient la CGT Culture. « Bien sûr, il y a du monde le dimanche, mais ce sont souvent les mêmes usagers qui viennent déjà en semaine. Une observation faite par de nombreux bibliothécaires (lire ici). D'ailleurs, selon les chiffres mêmes de la mairie de Paris, seuls 5 % des inscrits dans ces bibliothèques ouvertes le dimanche ne viennent que ce jour là. Loin d'une demande croissante », peut-on ainsi lire sur le site du syndicat.

Une analyse reprise également par la CFDT qui, de son côté, rappelle que « le bilan des ouvertures dominicales montre une fréquentation élevée de public non inscrit ». C'est-à-dire des étudiants. « Un public qui n’emprunte pas. Ce n’est pas satisfaisant », conclut le syndicat désormais critique sur l’ouverture du septième jour (lire ici).

C’est un fait. C’est en effet la misère estudiantine en cours, notamment dans la capitale, qui explique la fréquentation des bibliothèques le dimanche. « La situation des jeunes et des étudiants qui n’ont pas d’espaces de travail adaptés à leur domicile est souvent mise en avant, c'est d’autant plus vrai à Paris. Dans ce cas-là, la réponse à ce besoin passe-t-elle nécessairement par l’ouverture des bibliothèques municipales le dimanche ? Nous n’en sommes pas persuadés », explique Emmanuelle Becker, elle-même ancienne étudiante (lire ici). 

« Plusieurs bibliothèques nationales sont déjà ouvertes ce jour-là. S’il faut multiplier les ouvertures, pourquoi ne pas ouvrir les bibliothèques universitaires le dimanche ? Elles sont bien plus adaptées pour répondre à ce besoin. Mais surtout, est-ce que nous allons ouvrir nos bibliothèques le dimanche pour les étudiants ou grâce aux étudiants embauchés comme vacataires ? Posons-nous la question du salariat étudiant et de ses effets dévastateurs sur la réussite des études, comme le font les grands syndicats étudiants comme l’UNEF ». Et bim, dans les dents de Bruno Julliard, justement ancien secrétaire de l’UNEF. Voilà l’ancien leader étudiant de nouveau, renvoyé à ses chères études. Par les élus de sa propre majorité cette fois.

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